Italie. Les migrants doivent tous être protégés contre les attaques et l’exploitation

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : EUR 30/003/2010 -
ÉFAI -
12 janvier 2010

À la suite de deux jours d’affrontements violents entre des travailleurs migrants et des habitants de la ville de Rosarno, dans le sud de l’Italie, plus d’un millier de migrants ont fui ou été déplacés. Amnesty International est préoccupée par le fait que les autorités italiennes ne font pas respecter les droits économiques et sociaux des migrants et ne protègent pas ces derniers contre la vague grandissante de xénophobie et de violence motivée par le racisme. L’organisation est également préoccupée par le fait qu’un grand nombre des migrants déplacés, pour la plupart originaires d’Afrique subsaharienne, restent exposés à d’autres violations des droits humains.

Les affrontements qui ont eu lieu à Rosarno ont éclaté après que des personnes à bord d’un véhicule ont tiré sur des travailleurs migrants avec des carabines à air comprimé, dans la nuit du jeudi 7 janvier. À la suite de ces tirs, des centaines de migrants ont manifesté dans la ville afin de protester contre leurs conditions de vie misérables et contre les traitements discriminatoires dont ils sont victimes. Ils ont incendié des voitures et se sont heurtés à la police antiémeute. Le lendemain, des habitants de la ville ont dressé des barricades et occupé la mairie. Selon les informations disponibles, deux migrants ont été battus à coups de barre de fer, cinq ont été délibérément renversés par une voiture, et deux autres ont été blessés par des tirs de fusil de chasse. Au total, 53 personnes ont été hospitalisées : 21 migrants, 14 habitants de la ville et 18 policiers. Le calme n’est revenu à Rosarno qu’après le départ de la plupart des travailleurs migrants. Des centaines d’entre eux ont été évacués de la ville par les autorités. Après leur départ, un grand nombre des bâtiments abandonnés dans lesquels ils s’étaient temporairement installés ont été démolis par les autorités.

Le ministre italien de l’Intérieur, Roberto Maroni, a déclaré que ces troubles étaient dus à une migration restée trop longtemps incontrôlée. Amnesty International – qui a souligné que tous les actes criminels violents, quels que soient leurs auteurs, devaient donner lieu à des enquêtes et à des poursuites – s’est dite préoccupée par le fait que les violences qui ont éclaté à Rosarno résultent fondamentalement de l’exploitation massive des migrants qui travaillent en zone rurale et du fait que les autorités centrales et régionales n’ont pas pris les mesures nécessaires pour faire barrage à la vague de xénophobie qui s’amplifie à travers le pays.

En raison du trafic et de l’exploitation dont ils sont victimes, des milliers de travailleurs migrants dans la région de Rosarno, et de très nombreux autres encore dans d’autres régions d’Italie, ne gagnent que deux euros de l’heure et vivent dans des abris de fortune sans eau courante, sans électricité et sans chauffage. Amnesty International a déjà, par le passé, exprimé ses inquiétudes au sujet du « paquet législatif sur la sécurité » (un ensemble de lois réprimant pénalement la migration irrégulière) qui expose encore davantage les migrants à l’exploitation en restreignant leur accès à un emploi, à un logement et aux services essentiels, et qui dissuade les victimes d’abus d’aller porter plainte.

La montée de la xénophobie en Italie se traduit par des propos de plus en plus négatifs à l’égard des migrants et des Roms, en particulier de la part de responsables politiques au niveau local et régional, et par une multiplication, au cours des dix-huit derniers mois, des agressions à caractère raciste commises par des particuliers et par des milices privées.

Afin d’apporter une solution aux causes profondes des graves troubles qui ont éclaté à Rosarno, Amnesty International appelle les autorités italiennes à :

• accorder une plus grande priorité à la lutte contre les crimes à caractère raciste, en veillant notamment à ce que les victimes de ces infractions aient accès à des voies de recours efficaces, à ce que ces crimes donnent lieu à des enquêtes et à ce que leurs auteurs présumés soient déférés à la justice ;

• prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher les autorités publiques, au niveau national et local, d’inciter à la discrimination raciale ou de l’encourager, comme le prévoit l’article 4-c de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ;

• combattre efficacement la traite des êtres humains et apporter une aide aux victimes de la traite conformément à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains ;

• garantir aux travailleurs migrants en situation régulière l’égalité des chances et de traitement en matière d’emploi et de logement, comme le prévoit l’article 10 de la Convention de 1975 sur les travailleurs migrants de l’OIT ;

• supprimer les mesures du « paquet législatif sur la sécurité » récemment adopté qui répriment pénalement la migration irrégulière ;

• veiller à ce que tous les migrants puissent effectivement jouir du droit à des conditions de vie convenables et à un logement suffisant, droit qui, comme l’a précisé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, s’applique à tous et inclut « le droit à un lieu où l’on puisse vivre en sécurité, dans la paix et la dignité ».

Amnesty International est également préoccupée par le fait qu’un grand nombre des migrants qui ont été déplacés risquent d’être victimes d’autres violations des droits humains. La police italienne a signalé que 828 migrants avaient été transférés dans deux centres d’accueil pour étrangers à Crotone et Bari. Un grand nombre de ces migrants vivaient et travaillaient à Rosarno avec une autorisation officielle. Mais beaucoup d’autres sont en situation irrégulière et ne sont pas autorisés à rester en Italie. Amnesty International est préoccupée par le fait qu’un grand nombre d’entre eux risquent d’être détenus de manière prolongée sans que soient étudiées des solutions de remplacement, et d’être expulsés sans avoir eu effectivement accès aux procédures et mécanismes qui leur auraient permis de déposer une demande de protection internationale ou de contester les motifs de leur expulsion.

Un grand nombre des personnes qui ont été éloignées de la ville par les autorités ou qui ont dû s’enfuir de chez elles ne vont pas pouvoir retourner à Rosarno en raison de la démolition des bâtiments où elles s’étaient installées et de l’insécurité. Le fait de chasser des personnes de chez elles sans que soient respectées les garanties prévues par la loi, y compris la garantie d’un logement de remplacement adéquat, constitue une expulsion forcée et donc une violation du droit international. Même si leur déplacement constitue une mesure temporaire prise en situation d’urgence, si ces personnes ne peuvent pas retourner chez elles parce que leur logement a été démoli ou en raison de risques persistants de violences, les autorités italiennes sont tenues, aux termes du droit international, de leur fournir un logement de remplacement adéquat et un accès à des voies de recours utiles.

Face aux événements qui se sont produits à Rosarno, Amnesty International appelle les autorités italiennes à :

• veiller à ce que toutes les allégations relatives à des violences à caractère raciste donnent lieu à des enquêtes efficaces, à ce que toutes les personnes raisonnablement soupçonnées d’avoir commis de tels actes soient déférées à la justice, et à ce que les victimes reçoivent une réparation effective, y compris une indemnisation suffisante ;

• veiller à ce que les principes de non-refoulement et de respect de la légalité soient respectés en fournissant à tous les migrants, en fonction de leurs besoins, un accès effectif à une procédure d’asile équitable et satisfaisante ou à une procédure permettant de contester les motifs de toute mesure d’expulsion, dans le plein respect des garanties procédurales ;

• veiller à ce que les personnes qui ont été éloignées de Rosarno puissent retourner là où elles habitaient ou à ce qu’elles reçoivent un logement de remplacement adéquat ailleurs en Italie.

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