JAMAÏQUE : Les évolutions positives annoncent-elles la fin prochaine de l’impunité policière ?

Index AI : AMR 38/015/2003
ÉFAI

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International s’est félicitée ce jour, jeudi 25 juin 2003, des récentes actions et initiatives menées par le gouvernement jamaïcain en vue de renforcer les enquêtes sur des policiers auteurs de tirs mortels.

« Puisqu’elles tentent de faire en sorte que la police soit tenue de répondre de ses actes, ces récentes actions sont positives et bienvenues. En outre, elles donnent une certaine crédibilité aux déclarations du gouvernement, qui affirme vouloir amener les policiers jamaïcains à rendre compte de leurs actes. Toutefois, à l’heure du bilan, seuls deux critères permettront d’évaluer les résultats : une baisse notable du nombre de personnes tuées par des policiers, ainsi que la comparution devant les tribunaux et la condamnation des policiers impliqués dans des exécutions illégales », a déclaré Amnesty International.

Au cours des trois derniers mois, le gouvernement jamaïcain a pris des mesures déterminées et des engagements précis en vue de mettre un terme aux exécutions illégales et à l’impunité dont jouit la police. Les autorités se sont ou ont :

 entrepris d’améliorer les autopsies pratiquées sur les personnes tuées par la police ;

 engagées à réduire l’attente en ce qui concerne les enquêtes menées par le coroner (officier de justice chargé de faire une enquête en cas de mort violente, subite ou suspecte) sur des meurtres commis par des policiers ;

 déclaré clairement et publiquement que les exécutions illégales imputables à des policiers ne seront pas tolérées ;

 demandé publiquement que le Director of Public Prosecutions (DPP, substitut du procureur général) rende sa décision quant à une éventuelle inculpation des membres de la Crime Management Unit (CMU, Unité de lutte contre le crime) impliqués dans l’homicide illégal des Sept de Braeton ;

 requis et reçu l’assistance d’experts des gouvernements britannique, américain et canadien, concernant l’enquête sur le quadruple homicide perpétré par des policiers de la CMU dans le district de Crawle, le 7 mai 2003 ; et

 ordonné la dissolution de la CMU.

Si la dissolution de la CMU - unité impliquée dans de nombreuses atteintes aux droits humains - est un pas en avant particulièrement encourageant, il est loin d’être suffisant.

« La CMU a été impliquée dans un grand nombre d’atteintes aux droits fondamentaux et sa dissolution est accueillie favorablement. Cependant, pour que justice soit rendue, il convient de traduire en justice les policiers mis en cause dans le meurtre des Sept de Braeton et dans d’autres homicides douteux et, au terme d’un procès équitable, de déterminer leur responsabilité devant la loi. »

Par ailleurs, Amnesty International met en garde contre le fait que remédier aux affaires très médiatisées ne fonde qu’une partie de la solution.

« Le système doit œuvrer pour tous, y compris à l’égard de ces affaires d’homicides imputables à des policiers qui ne retiennent pas l’attention des médias. Chaque mort doit faire l’objet d’une enquête pertinente et impartiale. Il faut innocenter les policiers qui ont eu recours à la force meurtrière de manière légitime et traduire devant les tribunaux ceux qui sont impliqués dans des exécutions illégales. »

Tout en relevant que pas un seul policier n’a été récemment poursuivi sous inculpation d’homicide illégal, Amnesty International espère néanmoins que la Jamaïque arrive à un tournant dans la lutte menée pour que justice soit rendue aux victimes d’exécutions illégales perpétrées par des policiers.

D’autre part, Amnesty International est préoccupée par des rapports récents indiquant que les membres de la CMU impliqués dans les homicides perpétrés à Crawle doivent encore être entendus par les responsables de l’instruction et désirent auparavant retourner sur le lieu du crime.

« Les policiers ayant donné la mort doivent être entendus par les responsables de l’instruction aussitôt que possible, tant que l’événement est encore frais dans leur mémoire. Permettre à des policiers de déposer plus de six semaines après les événements leur laisse le temps de mettre au point une version des faits cohérente et de repérer les éventuelles failles de leur histoire - s’ils mentent. Il est inacceptable que des membres de la CMU doivent encore déposer leur version des homicides commis à Crawle », a ajouté Amnesty International.

Contexte
La Jamaïque souffre d’un niveau alarmant d’homicides commis par la police. En 2002, les policiers ont tué 133 personnes pour une population de seulement 2,6 millions de personnes. Certes, certains de ces homicides correspondent à un recours légitime à la force meurtrière, mais dans bien des cas, de nombreux éléments donnent à penser qu’il s’agit d’exécutions extrajudiciaires.

Cependant, pratiquement aucun policier n’a été poursuivi sous inculpation d’homicide illégal. Malgré les nombreuses déclarations du gouvernement et du DPP selon lesquelles les policiers impliqués dans ces homicides illégaux ne jouissent d’aucune immunité, les autorités se montrent toujours incapables de citer des policiers effectivement jugés, et encore moins condamnés. À la connaissance d’Amnesty International, la dernière condamnation relative à un homicide illégal commis par un policier remonte à l’année 1999.

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