« Si cette décision n’est pas la victoire que la communauté LGBTI du Japon espérait, elle montre néanmoins que des progrès sont réalisés concernant les droits des LGBTI et qu’une dynamique de changement se met en place.
« Bien que le tribunal ait confirmé aujourd’hui l’interdiction discriminatoire par le gouvernement du mariage entre personnes de même sexe, il a clairement indiqué que le système juridique japonais devait évoluer afin de mieux respecter les droits des couples homosexuels. En fin de compte, cela doit se traduire par la mise en place d’un cadre juridique permettant à ces couples d’avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels.
« Il reste cependant beaucoup à faire pour combattre la discrimination que subissent les personnes LGBTI au sein de la société japonaise. En l’absence de législation nationale concrète, les tribunaux locaux n’ont pas le pouvoir de reconnaître le mariage homosexuel.
« Le gouvernement japonais agit de manière discriminatoire et anticonstitutionnelle en n’autorisant pas les couples de personnes de même sexe à se marier, et cette décision montre une nouvelle fois qu’il doit changer de cap en ce qui concerne les droits des LGBTI. »
Complément d’information
Avant la décision rendue le 8 juin 2023 par le tribunal de district de Fukuoka, trois couples homosexuels de Kumamoto et Fukuoka avaient fait valoir que l’interprétation actuelle du Code civil japonais, qui définit le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, violait leurs droits constitutionnels à l’égalité et à la liberté de mariage.
Le tribunal a considéré que l’interdiction au Japon du mariage entre personnes de même sexe n’était pas contraire à la Constitution et il a rejeté les demandes de réparation du préjudice subi soumises par ces trois couples. Cependant, il a recommandé que le pouvoir législatif fasse évoluer le système légal afin de mieux refléter la dynamique de changement de la société japonaise, en portant une attention particulière aux droits des couples homosexuels.
La décision rendue ce jour fait écho à celle rendue en novembre 2022 par le tribunal de district de Tokyo, qui avait estimé que l’interdiction du mariage homosexuel au Japon n’était pas anticonstitutionnelle mais que « la situation… était contraire à l’article 24(2) de la Constitution ».
Elle s’inscrit dans une série de décisions similaires prises ces dernières années par les tribunaux, avec des conclusions variables.
En 2019, 13 couples homosexuels ont intenté des actions en justice auprès de divers tribunaux de districts à travers le Japon pour demander la reconnaissance légale de leurs mariages. Ces actions se sont heurtées à des obstacles juridiques, certains tribunaux rejetant ces affaires en se fondant sur l’interprétation du Code civil et sur l’absence de lois spécifiques concernant le mariage homosexuel.
En mars 2021, le tribunal de district de Sapporo a statué que la non-reconnaissance du mariage homosexuel était contraire à la Constitution, marquant ainsi la premièrevictoire pour le mariage entre personnes de même sexe devant un tribunal japonais.
En juin 2022, le tribunal de district d’Osaka a rejeté les plaintes de trois couples homosexuels – deux couples gays et un couple de lesbiennes – qui avançaient que l’interdiction au Japon des unions entre personnes de même sexe était anticonstitutionnelle. Ce tribunal a estimé que l’article 14, qui garantit le droit à l’égalité, n’était pas violé.
En mai 2023, le tribunal de district de Nagoya est devenu le second du pays, après celui de Sapporo, à statuer que l’absence de reconnaissance légale du mariage homosexuel était contraire à la Constitution.
L’opinion publique sur le mariage homosexuel évolue positivement au Japon, les sondages indiquant une acceptation et un soutien croissants en faveur de l’égalité des droits en la matière. En février 2023, le Premier ministre Fumio Kishida a limogé l’un de ses secrétaires exécutifs, Masayoshi Arai, qui avait tenu des propos dénigrants à l’égard des personnes LGBTI.
Le Japon n’a pas encore adopté de texte de loi au niveau national visant à éliminer la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et le statut intersexe. Le 1er novembre 2022, le gouvernement métropolitain de Tokyo a commencé à délivrer des certificats de partenariat pour les couples homosexuels, mais ce document ne leur permet pas de bénéficier de tous les droits liés au mariage, notamment en matière d’héritage.
Un projet de loi visant à promouvoir la compréhension à l’égard de la communauté LGBTI est débattu cette année pendant la session de la Diète (Parlement). Toutefois, le débat se complique du fait qu’il existe trois projets de loi différents sur le même sujet émanant de différents partis.
Amnesty International demande au gouvernement japonais d’accorder la priorité aux droits des personnes LGBTI et d’adopter une législation nationale qui soit exhaustive et interdise spécifiquement la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et le statut intersexe.