Un journaliste âgé subit des mauvais traitements en prison

Le traitement réservé par les autorités bangladaises à un journaliste de 81 ans, placé à l’isolement depuis plusieurs semaines et privé de soins médicaux pour des problèmes de santé chroniques qui mettent sa vie en danger, constitue un acte de cruauté, a déclaré Amnesty International samedi 21 mai 2016.

Shafik Rehman, rédacteur du mensuel Mouchake Dhil, a été arrêté le 16 avril pour sa participation présumée à un complot visant à assassiner Sajib Wazed Joy, le fils de la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina.

«  Les autorités bangladaises doivent mettre fin à l’isolement prolongé de Shafik Rehman et veiller à ce qu’il soit bien traité. Il est choquant qu’un homme diabétique de 81 ans, avec des antécédents cardiaques, soit privé des soins médicaux dont il a besoin  », a déclaré Champa Patel, directrice du bureau régional d’Amnesty International pour l’Asie du Sud.

Selon l’avocat et des proches de Shafik Rehman, celui-ci est maintenu à l’isolement depuis le 27 avril à la prison centrale de Kashimpur, prison de haute sécurité, où il n’est pas autorisé à communiquer avec les autres prisonniers. Il a eu des contacts très limités avec sa famille et ses avocats depuis son arrestation.

Shafik Rehman souffre de longue date de plusieurs problèmes de santé, notamment de diabète et de troubles cardiaques. Sans soins médicaux, sa santé est mise en danger. Selon des membres de sa famille, son état de santé s’est fortement détérioré et il a perdu beaucoup de poids depuis qu’il est placé à l’isolement. Ils sont très inquiets quant à sa santé à long terme s’il est maintenu en détention.

Le 19 mai, Shafik Rehman a été conduit d’urgence à l’hôpital à Dacca, en raison de craintes liées à son diabète. Après un premier bilan, il a été renvoyé à Kashimpur, où il est actuellement soigné à l’hôpital de la prison.

En outre, Amnesty International est très inquiète quant à l’impact sur sa santé mentale des périodes prolongées d’isolement. Les autorités carcérales sont allées jusqu’à rejeter la requête de Shafik Rehman, qui demandait du papier et un stylo pour pouvoir écrire dans sa cellule.

Politique de répression des médias
Shafik Rehman est un sympathisant notoire du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principal parti d’opposition, et s’est déjà trouvé à plusieurs reprises dans le collimateur des autorités en raison de son travail de journaliste.

On a constaté une série d’arrestations et de détentions illégales de rédacteurs et de journalistes au Bangladesh cette année, les autorités faisant preuve d’une intolérance croissante à l’égard des médias indépendants et des voix critiques.

Le 25 avril, Mahmudur Rahman, rédacteur du quotidien Amar Deshwas, lié à l’opposition, a été arrêté pour sa participation présumée au complot visant à assassiner Sajib Wazed Joy. Il avait précédemment été interpellé en 2013 pour des accusations de sédition et maintenu en détention illégale pendant plus de deux ans.

En février 2016, Mahfuz Ahnam, rédacteur du Daily Star, a été inculpé de 83 chefs d’accusation au titre de la Loi relative à la sédition et de la Loi relative à la diffamation. Situation tout à fait ubuesque, il aurait dû comparaître le même jour devant plusieurs tribunaux situés dans différents districts.

Dans le cadre d’une affaire distincte, Matiur Rahman, le rédacteur de la publication en bengali affiliée au Daily Star, Prothom Alo, a lui aussi été inculpé de diffamation et d’avoir « heurté les sentiments religieux » en février 2016.

« La liberté d’expression est menacée au Bangladesh, a déclaré Champa Patel. D’une part, le gouvernement consacre toute son énergie à prendre pour cibles des journalistes, uniquement parce qu’ils exercent leurs droits et font leur travail. D’autre part, il s’abstient de poursuivre en justice ceux qui assassinent des blogueurs, des professeurs d’université, des membres de minorités religieuses et des militants LGBTI. »

Complément d’information
D’après la police, Shafik Rehman a dans un premier temps été arrêté dans le cadre d’une affaire pénale en cours ouverte en août 2015, pour avoir « conspiré en vue d’enlever et d’assassiner » Sajib Wazed Joy, qui vit aux États-Unis et travaille comme conseiller en Technologies de l’information auprès de la Première ministre.

Cependant, des informations crédibles relayées par les médias ont depuis mis en doute les allégations des autorités bangladaises selon lesquelles des documents judiciaires américains impliquent Shafik Rehman dans ce complot.

Après son arrestation le 16 avril, Shafik Rehman a été placé en détention provisoire, mais il a été transféré le 27 avril à la prison de haute sécurité de Kashimpur dans l’attente de son procès, dont la date n’est pas encore fixée. Selon ses avocats, ses demandes de libération sous caution ont été rejetées à deux reprises par des tribunaux différents de Dacca, sans aucune explication.

Les conditions de détention de Shafik Rehman vont à l’encontre de l’obligation qui incombe au Bangladesh au titre du droit international de veiller à ce que toutes les personnes privées de leur liberté soient traitées avec respect pour la dignité inhérente à la personne humaine, et ne soient pas soumises à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les responsables de l’application des lois et les autorités pénitentiaires sont tenus de protéger la santé des personnes qu’ils placent en détention et de leur dispenser des soins gratuits en adéquation avec ceux qu’ils pourraient recevoir hors de la prison.

En outre, le placement à l’isolement doit être utilisé uniquement à titre exceptionnel et pour le laps de temps le plus court possible. Lorsque des prisonniers sont placés à l’isolement, l’État a l’obligation de prendre des mesures afin d’en limiter les effets néfastes, en veillant à ce qu’ils puissent faire de l’exercice et bénéficier de stimulations sociales et mentales, et à ce que leur état de santé soit surveillé régulièrement.

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