KENYA. Un jugement décisif met en évidence le caractère inique et cruel de la peine capitale dans le pays

Index AI : AFR 32/012/2010

ÉFAI - 17 août 2010

Amnesty International se félicite du jugement prononcé le 30 juillet 2010 par la Cour d’appel du Kenya, qui a déclaré l’imposition obligatoire de la peine capitale pour les meurtres incompatible avec l’esprit et la lettre de la Constitution et soulevé d’importantes questions relatives à l’application de ce châtiment dans le pays.

Aux termes de cette décision, rendue à l’unanimité par un collège de trois juges, la section 204 du Code pénal, qui prévoit une peine de mort obligatoire dans les cas de meurtre, est considérée comme « contraire aux dispositions constitutionnelles portant sur la protection contre les peines ou traitements inhumains ou dégradants et sur l’équité des procès », car elle prive les personnes concernées de toute possibilité d’alléger la peine prononcée contre elles.

Les dossiers de l’appelant Godfrey Ngotho Mutiso et d’autres prisonniers condamnés à mort pour meurtre vont maintenant devoir être réexaminés par la Haute Cour du Kenya afin de permettre l’étude des circonstances atténuantes dans leur cas.

La portée de ce jugement, cependant, ne se limite pas à la suppression de l’imposition obligatoire de la peine capitale pour les meurtres. Tout en réaffirmant que la Constitution reconnaît la peine de mort comme une forme légale de châtiment, il contribue fortement au débat sur l’application de la peine capitale au Kenya en soulevant d’importantes questions.

De plus, la Cour d’appel indique expressément que le raisonnement sur lequel se fonde son rejet de l’imposition obligatoire de la peine capitale dans cette affaire pourrait également s’appliquer à d’autres crimes dont les auteurs encourent la peine de mort selon le Code pénal, comme la trahison, le vol avec violence et la tentative de vol avec violence.

Elle évoque la question de l’« évidente injustice du syndrome du couloir de la mort », en référence à un jugement récemment rendu par la Cour constitutionnelle ougandaise, qui a estimé qu’un long séjour dans le quartier des condamnés à mort s’apparentait à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

La nouvelle Constitution kenyane, qui a été approuvée par référendum le 4 août 2010, contient malheureusement encore une disposition qui prévoit l’application de la peine capitale. Dans le jugement prononcé le 30 juillet, les juges constatent : « La société humaine évolue constamment et donc la loi, selon laquelle toutes les sociétés civilisées doivent vivre, doit évoluer simultanément ». Tout en prenant acte du maintien de la peine de mort dans le projet de Constitution, ils concluent que « le dynamisme de la société assurera des évolutions futures ».

Amnesty International salue cette décision rendant inconstitutionnelle l’imposition obligatoire de la peine capitale pour les meurtres et exhorte les autorités du Kenya à prendre sans délai les mesures suivantes :

 mettre en place des procédures pour permettre le réexamen par la Haute Cour des cas de tous les prisonniers qui ont été condamnés à mort pour meurtre de façon automatique ;

 modifier les dispositions du Code pénal qui prévoient l’imposition obligatoire de la peine capitale pour les cas de trahison, de vol avec violence et de tentative de vol avec violence ;

 instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, conformément aux résolutions 62/149 et 63/168 de l’Assemblée générale des Nations unies et à la résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples demandant aux États parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples d’observer le moratoire sur la peine de mort (ACHPR/Res.136(XXXXIIII).08) ;

 commuer toutes les condamnations à mort prononcées dans le pays en peines d’emprisonnement ;

 promouvoir dans le pays un débat constructif sur l’application de la peine capitale en vue d’abolir ce châtiment.

Complément d’information

Ce jugement a été rendu par la Cour d’appel du Kenya à la suite d’un recours formé dans l’affaire Godfrey Ngotho Mutiso c. République du Kenya, qui a été examiné une première fois le 19 janvier 2009.

La dernière exécution au Kenya a eu lieu en 1987. En août 2009, le président a commué en peines de réclusion à perpétuité les condamnations à mort de plus de 4 000 prisonniers, en soulignant : « Un séjour prolongé dans le quartier des condamnés à mort cause une souffrance psychique, une angoisse, un traumatisme psychologique et une anxiété indus, et peut également constituer un traitement inhumain ».

Pour plus d’informations, veuillez consulter les documents suivants :

Kenya. La nouvelle Constitution pourrait améliorer la protection et la réalisation des droits, mais des mesures contre l’impunité sont requises (AFR 32/011/2010) : http://www.amnesty.org/fr/library/info/AFR32/011/2010/fr

4000 Kenyans condamnés à mort auront la vie sauve : http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/good-news/4000-kenyans-death-row-get-life-20090805

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