Ce rapport, intitulé Foregoing Meals to Make-Do, examine les répercussions de la crise économique sur l’accès à l’alimentation pour les femmes enceintes et allaitantes, tout particulièrement en ce qui concerne les femmes vivant sous le seuil de pauvreté à Colombo. La chute des revenus, la perte des moyens de subsistance et l’inflation ont réduit le pouvoir d’achat des femmes et, parallèlement, les programmes gouvernementaux visant à améliorer la nutrition maternelle ont également pâti de cette crise.
« La sévérité de la crise économique au Sri Lanka a relégué au second plan les questions relatives à la santé et à la nutrition. Cette situation a de graves conséquences sur la santé et le bien-être des femmes enceintes ou allaitantes. Ces femmes ont également été frappées de façon disproportionnée par cette crise, avec un taux de pauvreté multiplié par deux en l’espace d’une année », a déclaré Dinushika Dissanayake, directrice régionale adjointe pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
Amnesty International a interrogé 45 personnes pour préparer ce rapport, notamment du personnel de santé, des membres de la société civile et des femmes enceintes ou allaitantes appartenant à diverses communautés ethniques ou religieuses et vivant toutes dans des quartiers informels ou des immeubles collectifs à Colombo.
« La sévérité de la crise économique au Sri Lanka a relégué au second plan les questions relatives à la santé et à la nutrition. Cette situation a de graves conséquences sur la santé et le bien-être des femmes enceintes ou allaitantes. Ces femmes ont également été frappées de façon disproportionnée par cette crise, avec un taux de pauvreté multiplié par deux en l’espace d’une année »
« On essaie d’une façon ou d’une autre de sauter des repas »
Les femmes qui ont parlé à Amnesty International ont évoqué leurs inquiétudes concernant la difficulté à se procurer de la nourriture, l’approvisionnement irrégulier en compléments alimentaires de la marque Thriposha, et l’impossibilité d’utiliser les coupons alimentaires distribués dans le cadre de programmes gouvernementaux.
Des femmes enceintes ou allaitantes ont dit qu’elles cherchaient en premier lieu à se « remplir l’estomac », faute de pouvoir se conformer aux prescriptions concernant les quantités de nutriments à ingérer quotidiennement, à cause du prix élevé de la nourriture. Pour pouvoir faire trois repas par jour, nombre d’entre elles ont choisi de réduire la taille des portions, mais certaines ne prennent que deux repas par jour. Une femme allaitante a déclaré à Amnesty International : « On mange au petit-déjeuner et au dîner et on essaie de sauter le déjeuner […] On mange un biscuit et on boit une tasse de thé en guise de déjeuner. »
La plupart des femmes enceintes ou allaitantes avec qui Amnesty International a réalisé des entretiens ont dit qu’elles étaient sans emploi et que leur mari n’avait pas de revenus réguliers du fait de la crise économique.
Dans presque tous les foyers des femmes avec qui Amnesty International s’est entretenue, la consommation de viande, de légumes, de fruits et de lait a considérablement diminué. Ce manque de nourriture accroît le risque de carences alimentaires, qui affectent le développement du fœtus. Des familles qui consommaient auparavant de la viande ou du poisson une fois par semaine ne peuvent plus à présent en consommer qu’une fois par mois ou seulement lorsqu’elles ont les moyens d’en acheter. Une autre femme allaitante a expliqué : « On n’a pas les moyens d’acheter de la nourriture qui favorise la lactation. Vous comprenez, le poisson c’est cher. Alors on achète ce qu’on peut se procurer avec l’argent qu’on a. »
La plupart des femmes enceintes ou allaitantes avec qui Amnesty International a réalisé des entretiens ont dit qu’elles étaient sans emploi et que leur mari n’avait pas de revenus réguliers du fait de la crise économique.
En février 2023, des femmes enceintes ou allaitantes ont dit à Amnesty International que les coupons alimentaires du gouvernement, généralement distribués aux femmes enceintes ou allaitantes, ne pouvaient pas être utilisés à cause du manque de financement public.
Amnesty International a écrit au ministère de la Condition féminine, au ministère de la Santé et au ministère de l’Administration publique pour leur faire part de ces motifs de préoccupation, mais elle n’avait toujours pas reçu de réponse au moment de la publication du rapport.
« Nous voyons les patient·e·s souffrir »
Le système de santé public du Sri Lanka pâtit également de la pénurie de produits et équipements médicaux. Des professionnel·le·s de santé fournissant des soins maternels ont dit à Amnesty International qu’ils avaient été obligés de suspendre, retarder ou reporter des opérations ou interventions chirurgicales non essentielles. Un médecin, qui a expliqué devoir rationner les médicaments et les réserver aux cas urgents parce que les livraisons sont incertaines, a dit à Amnesty : « Nous voyons les patient·e·s souffrir sans pouvoir faire quoi que ce soit. »
« L’insécurité alimentaire et une nutrition inadéquate entraînent, lorsqu’elles sont prolongées, de graves conséquences à long terme pour les mères et leurs enfants. Le gouvernement du Sri Lanka doit d’urgence se conformer à ses obligations internationales relatives aux droits humains, notamment en garantissant l’accès à une nourriture suffisante, abordable et de bonne qualité pour les femmes enceintes ou allaitantes »
Amnesty a découvert que des professionnel·le·s de santé réutilisent certains équipements ou demandent aux patient·e·s d’acheter eux-mêmes des médicaments ou des équipements dans des pharmacies privées parce que les hôpitaux publics ont épuisé leurs stocks. Or, les médicaments restent très chers dans les pharmacies privées et hors de portée pour la plupart des gens, en raison de la hausse des prix et de la dévaluation de la roupie sri-lankaise.
Le Sri Lanka a ratifié plusieurs accords internationaux l’obligeant à veiller à ce que les femmes enceintes ou allaitantes aient accès à une nourriture et des soins de santé adéquats, comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).
« L’insécurité alimentaire et une nutrition inadéquate entraînent, lorsqu’elles sont prolongées, de graves conséquences à long terme pour les mères et leurs enfants. Le gouvernement du Sri Lanka doit d’urgence se conformer à ses obligations internationales relatives aux droits humains, notamment en garantissant l’accès à une nourriture suffisante, abordable et de bonne qualité pour les femmes enceintes ou allaitantes. La communauté internationale doit également intervenir pour soutenir le gouvernement et l’aider à faire en sorte que les femmes enceintes ou allaitantes puissent se nourrir de façon adéquate », a déclaré Dinushika Dissanayake.
« La communauté internationale doit également intervenir pour soutenir le gouvernement et l’aider à faire en sorte que les femmes enceintes ou allaitantes puissent se nourrir de façon adéquate »