Le Pakistan doit expliquer ce qu’il est advenu des victimes de disparition forcée qui n’ont pas été retrouvées

Le Pakistan doit révéler le sort des centaines de disparus probablement enlevés et détenus par les services de sécurité et mettre fin à la pratique de la détention secrète, a déclaré Amnesty International lundi 16 avril, après que les autorités ont une nouvelle fois manqué de présenter deux personnes disparues devant la Cour suprême.

Sous la pression persistante de la justice, la police a amené la semaine dernière quatre hommes considérés comme disparus devant la Cour suprême, qui a ordonné qu’ils soient inculpés ou libérés. Cependant, deux autres personnes n’ont pas été présentées malgré des ordonnances émanant de cette juridiction supérieure.

" Cette année, les tribunaux du Pakistan ont obtenu la possibilité sans précédent d’accéder à des personnes détenues secrètement par les services de sécurité du pays, ce qui montre l’importance d’une justice forte et véritablement indépendanteé", a indiqué Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Si des décisions de tribunaux peuvent faire réapparaître ces personnes disparues en quelques jours ou semaines, on peut se demander combien d’autres sont détenues dans des conditions intolérables dans des centres de détention secrets à travers le Pakistan. »

En février, sept hommes présentés devant la Cour suprême à Islamabad paraissaient très émaciés et certains avaient des poches à urine dépassant de leur pantalon. Après leur brève comparution, ils ont été emmenés et on ignore toujours où ils se trouvent.

L’an dernier, Amnesty International a attiré l’attention sur le cas de l’un de ces sept hommes, Mazar ul Haq, âgé de 29 ans, qui a disparu en novembre 2007.

« Contre toute attente, Mazar ul Haq et six autres hommes ont comparu devant un tribunal après plus de quatre ans au cours desquels leurs familles ne savaient pas s’ils étaient vivants ou morts », a relevé Catherine Baber.

Surnommés « les 11 d’Adiala », Mazar ul Haq et 10 autres hommes ont été arrêtés en 2007 et accusés par la suite d’être impliqués dans des attaques visant le quartier général de l’armée et un camp dirigé par les Services du renseignement de l’armée pakistanaise (ISI).

Bien qu’ils aient été innocentés par un tribunal antiterroriste, ils ont de nouveau disparu après avoir été, semble-t-il, enlevés par des services de renseignement.

Depuis l’an dernier, quatre de ces 11 hommes sont morts en détention à Peshawar – à environ 180 kilomètres de l’endroit où ils ont été enlevés en 2010.

Selon les avocats des services de renseignement pakistanais, ils sont décédés de causes naturelles, mais un juriste ayant représenté Muhammad Aamir, l’un d’entre eux, affirme qu’il a été torturé jusqu’à la mort en détention.

Mercredi 11 avril, la Cour suprême a ordonné à l’ISI, au renseignement militaire et aux gouvernements de l’État fédéral et de la province de Khyber Pakhtunkhwa d’expliquer les conditions déplorables dans lesquelles sont maintenus les sept prisonniers survivants d’Adiala.

"Ces sept hommes figurent parmi des centaines de personnes incarcérées dans des centres de détention rien que dans le nord-ouest du Pakistan, la plupart à la suite d’opérations militaires menées contre les insurgés talibans dans cette région", a ajouté Catherine Baber.

« Leurs familles et celles des autres personnes disparues attendent impatiemment que les autorités pakistanaises révèlent le lieu où se trouvent les proches qu’elles recherchent depuis des semaines, des mois ou même des années. »

Sous la pression de l’opinion publique et sur les ordres de la Cour suprême, le gouvernement a créé une commission chargée d’enquêter sur les disparitions forcées en mai 2010. Pourtant, de nouvelles disparitions forcées continuent d’être signalées chaque semaine.

La Commission d’enquête sur les disparitions forcées a besoin de toute urgence des ressources, des pouvoirs et du soutien politique nécessaires pour enquêter énergiquement sur tous les cas, pour veiller à ce que les victimes libérées, les témoins et ses membres soient suffisamment protégés, et pour s’assurer qu’aucun agent des forces de sécurité, membre des services de renseignement ou haut fonctionnaire ne bénéficie de l’immunité face à ses investigations, a souligné Catherine Baber.

Nous reconnaissons que le Pakistan est confronté à de multiples problèmes de sécurité et que beaucoup de personnes parmi celles détenues secrètement peuvent constituer une menace pour la société. Néanmoins, lorsque ces personnes sont soupçonnées d’une infraction pénale, elles doivent être déférées sans délai à la justice dans le cadre de procès conformes aux normes internationales d’équité.

Par ailleurs, les autorités doivent enquêter de manière approfondie sur tous les cas probables de détention illégale, notamment sur les enlèvements présumés impliquant de hauts fonctionnaires dans la province du Baloutchistan et dans d’autres parties du pays.

« La crise en cours ne se terminera pas tant que toutes les personnes disparues ne seront pas retrouvées et protégées à nouveau par la loi comme il se doit et que tous les responsables présumés ne seront pas traduits en justice, quels que soient leurs relations, leur rang ou leur statut. »

La disparition forcée constitue un crime au regard du droit international et une grave violation de plusieurs droits humains.

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