Liban. Amnesty International demande l’ouverture d’une enquête sur les informations faisant état de pillages et de violences dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr el Bared

Déclaration publique

MDE 18/015/2007

Amnesty International a écrit au Premier ministre libanais Fouad Siniora pour demander qu’une enquête soit menée de toute urgence sur les informations selon lesquelles des demeures et des biens auraient été pillés, volontairement incendiés ou vandalisés dans le camp palestinien de Nahr el Bared depuis que l’armée libanaise a repris le contrôle du camp en septembre. L’organisation a souligné qu’il faudrait également enquêter sur le harcèlement et les violences dont des soldats de l’armée libanaise continueraient de se rendre coupables à l’encontre de réfugiés palestiniens dans le camp. Entre mai et début septembre, Nahr el Bared, près de Tripoli, a été le théâtre de violents affrontements entre l’armée libanaise et des membres de Fatah el Islam, groupe islamique extrémiste qui a installé sa base dans le camp. Ces affrontements ont entraîné le déplacement forcé de la population civile du camp, soit environ 30 000 réfugiés palestiniens. De nombreux bâtiments ont été détruits par les affrontements qui ont entraîné la mort 400 personnes, dont 42 civils et 166 soldats de l’armée libanaise.

Le 10 octobre, les premiers réfugiés déplacés ont été autorisés par le gouvernement à revenir à Nahr el Bared. Cependant, selon des sources diverses, depuis que l’armée a pris le contrôle du camp au début septembre, des demeures de Palestiniens vidées de leurs habitants ont fait l’objet de pillages, d’incendies volontaires et d’actes de vandalisme qui ont aggravé encore l’état de dévastation engendré par les affrontements. Les objets de valeur tels que télévisions, frigidaires, machines à laver, bijoux et argent auraient été volés dans plusieurs maisons ; des magasins auraient été pillés ; un groupe électrogène aurait été dérobé dans un centre communautaire. Plusieurs maisons auraient été délibérément incendiées depuis la fin des combats : des restes de pneus, des bonbonnes de gaz servant à démarrer un feu et des traces de liquide inflammable vaporisé sur les murs ont été retrouvés sur place. Par ailleurs, les murs de nombreuses maisons auraient été couverts de graffitis anti-palestiniens et des excréments auraient été déposés dans certaines demeures, sur les lits notamment et, dans un cas, dans un réservoir d’eau, dans le but manifeste d’humilier les résidents de retour ou de leur nuire. Au moins trois maisons auraient été considérablement endommagées ou détruites, sans justification, au cours des semaines qui ont suivi la fin du conflit.

Bien que les premiers résidents aient été autorisés à retourner à Nahr el Bared il y a trois semaines, les autorités libanaises interdisent toujours l’accès au camp aux médias et aucun matériel photographique n’a pu pénétrer à l’intérieur du camp. Malgré cela, des photographies ont pu être faites qui semblent confirmer les informations faisant état de pillages et d’actes de vandalisme commis depuis la fin des affrontements. Dans sa lettre au Premier ministre Siniora, Amnesty International s’interroge sur les raisons de cette interdiction d’accès aux médias et aux autres observateurs indépendants, en soulignant que ces restrictions risquent d’accréditer la thèse selon laquelle des pillages et des actes de vandalisme ont été commis depuis que l’armée a pris le contrôle du camp.

Amnesty International a également exhorté le gouvernement à enquêter sur les allégations faisant état de manœuvres de harcèlement et de violences dont seraient victimes des Palestiniens, en particulier des hommes, après avoir été arrêtés aux postes de contrôle des environs de Nahr el Bared. En juin 2007, l’organisation avait déjà écrit au ministre de la Défense Elias Murr pour lui faire part de son inquiétude au sujet de telles informations, mais elle n’avait pas reçu de réponse. Selon les dernières informations en date, des Palestiniens continuent d’être soumis à des traitements humiliants – en étant contraints, par exemple, à lécher les chaussures de soldats – ainsi qu’à des violences physiques telles que des coups. Dans les cas les plus graves, signalés à Amnesty International en octobre, trois hommes auraient été torturés dans le centre de détention du ministère de la Défense à Yarzé, à l’est de Beyrouth. Amnesty International prie instamment le gouvernement libanais de diligenter de toute urgence une enquête indépendante sur les informations faisant état de pillages et d’actes de vandalisme depuis que l’armée a repris le contrôle de Nahr el Bared, ainsi que sur les actes d’humiliation et les violences dont des membres de l’armée libanaise se rendraient coupables à l’encontre de réfugiés palestiniens. L’organisation demande que tout soldat ou responsable soupçonné de tels agissements soit tenu de rendre des comptes, et que les personnes ayant subi des pertes soient dédommagées.

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