Libérer les syndicalistes emprisonnés et respecter les droits des travailleurs

En Iran, un certain nombre de syndicalistes croupissent en prison et de nombreux autres sont sous le coup d’une peine d’emprisonnement d’une durée pouvant aller jusqu’à 10 ans uniquement en raison de leurs activités syndicales pacifiques, a déclaré Amnesty International le 30 avril, veille de la Journée internationale des travailleurs du 1er mai.

L’organisation appelle une nouvelle fois les autorités iraniennes à libérer immédiatement et sans condition les personnes emprisonnées en raison de leurs activités syndicales pacifiques, et à annuler les peines de prison sévères prononcées contre d’autres personnes pour des raisons similaires. Les autorités doivent lever l’interdiction des syndicats indépendants, qui est répressive et illégale, et permettre aux travailleurs d’organiser des rassemblements pacifiques, notamment à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, et d’exercer leur droit de fonder des syndicats indépendants et de s’affilier à de tels syndicats pour améliorer leurs conditions de vie, qui, selon eux, sont de plus en plus difficiles et marquées par la pauvreté.

Parmi les syndicalistes actuellement emprisonnés en Iran en raison de leur militantisme pacifique, on peut notamment citer Esmail Abdi, professeur de mathématiques et membre du conseil d’administration de l’Association professionnelle des enseignants de Téhéran (ITTA-Téhéran), qui purge une peine de six ans de prison, et Behnam Ebrahimzadeh, membre du Comité de coordination pour la création d’organisations de travailleurs, qui a passé près de sept ans en prison, purgeant deux peines d’emprisonnement distinctes d’une durée cumulée de près de 13 ans. Le 22 avril 2017, Esmail Abdi a annoncé qu’il lancerait une grève de la faim la veille de la Journée internationale des travailleurs, « en signe de solidarité avec tous les enseignants et tous les travailleurs et pour protester contre le manque d’indépendance de la magistrature, qui, sous prétexte de sécurité nationale, condamne des personnes actives au sein d’associations professionnelles de travailleurs et d’enseignants ».

Plusieurs autres syndicalistes risquent d’être emprisonnés, notamment trois autres membres du conseil d’administration de l’Association professionnelle des enseignants de Téhéran (Mahmoud Beheshti Langroodi, Mohammad Reza Niknejad et Mehdi Bohlooli), un membre du Comité de coordination pour la création d’organisations de travailleurs (Mahmoud Salehi), trois membres du Syndicat des travailleurs de la compagnie des bus de Téhéran et de sa banlieue (Davoud Razavi, Ebrahim Madadi et Reza Shahabi) et deux membres du Syndicat libre des travailleurs d’Iran (Jafar Azimzadeh et Shapour Ehsanirad).

Ces hommes ont tous été condamnés à de sévères peines de prison, d’une durée comprise entre cinq et 11 ans, après avoir fait l’objet de procès manifestement iniques devant des tribunaux révolutionnaires pour des accusations – dénuées de tout fondement – liées à la sécurité nationale, telles que « rassemblement et collusion en vue de commettre des crimes contre la sécurité nationale », « diffusion de propagande hostile au régime », « trouble à l’ordre public » et « formation d’un groupe dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale ». La plupart d’entre eux ont été libérés sous caution dans l’attente du résultat des appels qu’ils ont interjetés ; Reza Shahabi a obtenu une libération pour raisons médicales en octobre 2014, après avoir été incarcéré pendant quatre ans, mais il a récemment été convoqué à nouveau en prison. Les textes des jugements rendus contre ces hommes montrent clairement que les tribunaux iraniens invoquent fréquemment les activités syndicales pacifiques à titre de « preuves » d’« actes portant atteinte à la sécurité de l’État » et de « propagande anti-révolutionnaire ». Ces activités sont notamment l’organisation de rassemblements pacifiques, y compris à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, la participation à des manifestations pacifiques contre les bas salaires et la publication en ligne de photos de ces manifestations, la réception d’invitations à assister à des réunions internationales de syndicats, la signature de déclarations favorables aux droits syndicaux et le lancement de pétitions réclamant une augmentation du salaire minimum national.

RÉPRESSION DES RASSEMBLEMENTS ORGANISÉS POUR LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS

La Journée internationale des travailleurs, cette année, s’oriente manifestement déjà vers le scénario habituel, les autorités iraniennes déniant aux travailleurs le droit de se réunir pacifiquement.

D’après le Syndicat libre des travailleurs d’Iran, plusieurs syndicalistes, dont Ali Nejati, membre du conseil d’administration du syndicat du complexe d’exploitation de la canne à sucre de Haft Tapeh, à Dezfoul (province du Khuzestan), et Sheys Amani, membre du conseil d’administration du Syndicat libre des travailleurs d’Iran à Sanandaj (province du Kurdistan), ont été convoqués aux fins d’interrogatoire par des responsables du renseignement à l’approche du 1er mai et se sont vu déconseiller d’organiser des rassemblements.

En 2016, l’Agence de presse des défenseurs des droits humains (HRANA), une organisation indépendante de défense des droits fondamentaux, a signalé que les forces de sécurité avaient réprimé les rassemblements du 1er mai un peu partout dans le pays, arrêtant au moins 12 militants syndicaux de différentes villes et en convoquant quatre autres aux fins d’interrogatoire.

Dans les textes des jugements de syndicalistes qu’Amnesty International a examinés, la participation aux rassemblements organisés pour la Journée internationale des travailleurs est systématiquement invoquée à titre de « preuve » de « diffusion de propagande hostile au régime » ou d’autres infractions liées à la sécurité nationale. Parfois, comme dans le cas de l’ouvrier du bâtiment Osman Esmailee, cela semble être l’activité principale en raison de laquelle une condamnation à de la prison a été prononcée. En octobre 2015, la 1ère chambre du tribunal révolutionnaire de Saqqez, dans la province du Kurdistan, l’avait condamné à un an de prison. Il est actuellement en liberté, dans l’attente de l’issue de son procès en appel, qui a eu lieu en mars 2017.

À la veille des manifestations prévues pour le 1er mai, Amnesty International exhorte les autorités iraniennes à respecter le droit de réunion pacifique et à mettre fin à toutes les mesures répressives visant à interdire les rassemblements pacifiques.

COMPLÉMENT D’INFORMATION

En traitant comme des infractions les activités syndicales pacifiques et en interdisant la formation de syndicats indépendants, les autorités iraniennes violent de manière flagrante les obligations qui leur incombent en matière de droits humains en vertu du droit international. Aux termes du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que l’Iran a ratifiés, les autorités iraniennes sont tenues de respecter et de protéger la liberté d’expression, le droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques, ainsi que le droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats. Les syndicalistes sont également protégés par la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, qui souligne l’obligation pour les États de respecter le droit de défendre les droits humains, y compris les droits syndicaux, et de protéger les défenseurs des droits humains contre le harcèlement, les arrestations et détentions arbitraires, ainsi que la torture et les autres formes de mauvais traitements.

Le Code du travail iranien autorise la représentation des travailleurs uniquement par le biais d’un conseil islamique du travail (CIT) ou d’une association professionnelle (ou guilde). Dans le cadre juridique existant, un CIT et une association professionnelle ne peuvent coexister au sein d’une même entreprise. Dans la pratique, les conseils islamiques du travail sont davantage soutenus par les autorités, ce qui a entraîné un monopole organisationnel en leur faveur.

Selon la législation iranienne, les CIT ont pour objectif principal de soutenir le système de la République islamique, et non les droits syndicaux. L’article 130 du Code du travail dispose que la création de sociétés islamiques vise à « propager et diffuser la culture islamique et défendre les réalisations de la révolution islamique ». De plus, les candidats aux élections aux conseils des CIT sont confrontés à des procédures de sélection discriminatoires. Ils doivent notamment apporter la preuve de leur foi islamique et de leur « allégeance concrète » à l’islam, et montrer leur adhésion au principe de l’autorité absolue du Guide suprême (velayat-e faqih).

Les associations professionnelles non plus ne sont pas indépendantes, et ne peuvent fonctionner sans autorisation de l’État. Le ministère du Travail et des Affaires sociales est chargé de surveiller l’élection des responsables de ces associations. Celles-ci sont tenues d’informer le ministère de la tenue des assemblées générales au moins 15 jours à l’avance. Les fonctionnaires du ministère sont libres d’y assister, d’intervenir pendant ces réunions et de les perturber, et de prendre des mesures de suspension et de dissolution.

Malgré les restrictions illégitimes du droit à la liberté d’association et l’interdiction des syndicats indépendants, de nombreux travailleurs d’Iran ont courageusement formé des syndicats et des organisations de soutien aux travailleurs pour protester contre les salaires impayés, les conditions de travail précaires, l’inflation galopante et les conditions de vie difficiles.

Les droits des travailleurs sont des droits humains. Amnesty International est solidaire des syndicalistes d’Iran, car ils luttent pour faire respecter leur droit de fonder des syndicats indépendants et pour qu’un jour, dans le pays, chacun puisse exercer ses droits économiques, sociaux et culturels, notamment le droit à des conditions de travail justes et favorables, à la sécurité sociale et à un niveau de vie suffisant pour soi-même et sa famille, y compris le droit à une alimentation, à des vêtements et à un logement adaptés, à l’éducation et à des services de santé de qualité.

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