Libye. De lourdes peines prononcées contre des prisonniers d’opinion

Amnesty International condamne les lourdes peines prononcées par un tribunal libyen le 10 juin contre Idriss Boufayed, Jamal el Haji et dix autres personnes et appelle à leur remise en liberté immédiate et sans condition. L’organisation les considère comme des prisonniers d’opinion, condamnés uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de réunion et, en particulier, pour avoir organisé une manifestation critiquant le gouvernement libyen. Idriss Boufayed, qui a été condamné à vingt-cinq ans de réclusion, souffre d’un cancer du poumon à un stade avancé.

Amnesty International s’inquiète également du sort d’Abdelrahman al Qateewy, dont on a perdu la trace depuis son arrestation, en lien avec cette même manifestation, en février 2007 ; il a été arrêté en même temps que Juma Boufayed, frère d’Idriss Boufayed. L’organisation se félicite de la libération, le 27 mai 2008, de Juma Boufayed, après quinze mois de détention au secret à la prison Abu Selim, mais craint qu’Abdelrahman al Qateewy n’ait fait l’objet d’une disparition forcée et demande des informations sur son sort immédiatement. Conformément aux obligations de la Libye au regard du droit international relatif aux droits humains, il doit être libéré immédiatement ou inculpé d’une infraction dûment reconnue par la loi et jugé dans un délai raisonnable lors d’un procès équitable.

Amnesty International s’inquiète particulièrement pour la santé d’Idriss Boufayed. Le 6 avril 2008, la Fondation Kadhafi pour les organisations caritatives et le développement a publié une déclaration affirmant qu’Idriss Boufayed était soigné à l’hôpital de Sabratah. Le 28 mai 2008, selon le journal libyen Al Watan , une commission médicale mise en place par le ministère de la Justice se serait prononcée en faveur de la remise en liberté, pour raisons médicales, d’Idriss Boufayed. Amnesty International appelle à sa remise en liberté immédiate et sans condition et demande instamment qu’il soit autorisé à quitter le pays pour se faire soigner à l’étranger s’il le souhaite ou pour retourner en Suisse où il résidait précédemment.

La Cour de sûreté de l’État nouvellement créée a condamné, à l’issue d’un procès inéquitable, Idriss Boufayed à vingt-cinq années de réclusion, Jamal el Haji à douze années et les frères al Mahdi Saleh Hmeed, Faraj Saleh Hmeed, Ali Saleh Hmeed et al Sadeq Saleh Hmeed à quinze années de réclusion. Farid Mohammed al Zwai, Alaa al Drissi, Ahmed Youssef al Obaidi, Bashir Qasem al Hares et al Sadiq Qeshoot ont été condamnés à six années d’emprisonnement chacun. Ils ont été reconnus coupables d’accusations formulées en termes vagues allant de « tentative de renversement du système politique » à la « diffusion de fausses rumeurs sur le régime libyen » et « communication avec des puissances ennemies ». Selon Amnesty International, ces accusations reposeraient sur la publication d’une déclaration publiée sur des sites d’actualités appelant à une manifestation pacifique le 17 février 2007 et à une rencontre dans la foulée avec un diplomate américain. L’accusation de « possession d’armes et d’explosifs dans l’intention de mener des activités subversives » a été abandonnée. Adel Saleh Hmeed a été le seul à être acquitté de toutes les charges qui pesaient contre lui.

Complément d’information
Le droit à la liberté d’expression et de réunion continue d’être sévèrement limité en Libye. Idriss Boufayed et trois autres hommes, al Mahdi Saleh Hmeed, Ahmed Youssef al Obaidi et Bashir Qasem al Hares avaient publié le 23 janvier 2007 sur des sites Internet d’information un communiqué annonçant leur intention d’organiser une manifestation pacifique à Tripoli le 17 février 2007. La manifestation devait commémorer le premier anniversaire des évènements au cours desquels douze personnes au moins avaient été tuées et de nombreuses autres blessées lors d’une manifestation à Benghazi.

Le procès, qui s’était ouvert le 24 juin 2007, a été renvoyé devant la nouvelle Cour de sûreté de l’État après la création de cette juridiction en août 2007, pour juger les personnes accusées d’atteintes à la sécurité de l’État ou de s’être engagées dans des activités politiques non autorisées. La première audience devant cette Cour s’est déroulée le 6 novembre 2007. Les détenus n’ont pas eu le droit de choisir leur avocat, à l’exception de Jamal el Haji qui a pu faire appel aux services d’un avocat privé ; ils n’ont en outre pas pu consulter les avocats de la défense commis d’office en dehors de la salle d’audience. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a fait part de son inquiétude concernant la Cour de sûreté de l’État, faisant observer que la nécessité d’un tel tribunal et son mandat n’apparaissaient pas clairement et a appelé la Libye à veiller à ce que tous les droits et garanties au titre de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques soient respectés.

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