LIBYE - Des remises en liberté encourageantes, mais d’autres prisonniers d’opinion restent à libérer

Index AI : MDE 19/046/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

La récente remise en liberté par les autorités libyennes de cinq prisonniers d’opinion détenus depuis très longtemps était un pas encourageant, a déclaré Amnesty International ce lundi 26 septembre. L’organisation a émis l’espoir que d’autres prisonniers d’opinion détenus depuis longtemps seraient également bientôt libérés.

Les cinq prisonniers remis en liberté les 10 et 11 septembre - Ramadan Shaglouf, Tariq al Dernawi, Tawfiq al Jehani, Ali Beaou et Musa al Ziwi - étaient détenus depuis 1998. Ils purgeaient des peines de détention à perpétuité pour certains après avoir été déclarés coupables d’appartenance au Mouvement de l’Alliance Islamique, un groupe politique interdit, mais Amnesty International les considérait comme prisonniers d’opinion. Tout en saluant leur libération, l’organisation s’est dite préoccupée par les informations selon lesquelles les cinq hommes n’auraient été remis en liberté qu’après s’être engagés à ne se livrer à aucune activité politique. L’organisation a demandé que soit levée cette restriction.

Ces récentes remises en liberté interviennent à la suite d’intenses spéculations sur une possible libération par les autorités libyennes de nombreux autres prisonniers politiques, parmi lesquels des prisonniers d’opinion. En particulier, un comité mis en place sur l’ordre du dirigeant libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, serait récemment parvenu à la conclusion que quelque 85 membres du Groupe islamique libyen (également connu sous le nom de Frères musulmans) actuellement emprisonnés n’auraient jamais fait l’apologie de la violence et n’y auraient jamais eu recours et qu’ils devaient en conséquence être libérés. Un grand nombre d’entre eux sont détenus depuis juin 1998.

Amnesty International s’est déclarée particulièrement préoccupée par le sort de deux autres prisonniers, apparemment détenus pour avoir exprimé leurs opinions de manière pacifique, mais qui ne semblent pas faire partie de la liste des personnes libérables, Fathi el Jahmi et Abdurrazig al Mansouri.

Fathi al Jahmi, militant politique, est détenu depuis mars 2004 sans jamais avoir été jugé. Il avait été arrêté pour avoir critiqué le Guide de la Révolution et appelé à des réformes politiques lors d’entretiens avec des médias internationaux. Il est actuellement détenu dans un lieu tenu secret qui serait un centre spécial de l’Agence de Sûreté intérieure dans la banlieue de Tripoli. Ses conditions de détention et le traitement auquel il est soumis suscitent de graves inquiétudes. En février 2005, il était en mauvaise santé, souffrait de diabète et d’autres troubles et ne recevait pas les soins appropriés à son état. Depuis juin 2005, il serait privé de visites de membres de sa famille, n’aurait plus la possibilité de recevoir du courrier et n’aurait droit à aucune lecture. Il serait actuellement en instance de jugement au titre des articles 166 et 167 du Code pénal. Il serait inculpé de tentative de renversement du gouvernement, diffamation du Guide de la Révolution et contact avec des autorités étrangères. Toutefois, Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion et appelle à sa remise en liberté immédiate et sans condition.

Abdurrazig al Mansouri, écrivain et journaliste, est détenu sans avoir été inculpé ni jugé depuis son arrestation à son domicile à Tobruk le 12 janvier 2005. Après avoir été dans un premier temps détenu au secret dans un lieu de détention dont le nom n’a pas été révélé et qui serait un centre de l’Agence de Sûreté intérieure, Abdurrazig al Mansouri aurait été transféré à la prison Abou Salim de Tripoli.

En dépit du fait qu’Abdurrazig al Mansouri n’aurait pas eu la possibilité de consulter un avocat et n’aurait été informé par aucune autorité judiciaire des charges pesant contre lui, des sources proches des autorités indiquent qu’il aurait été inculpé pour détention d’arme illicite. Toutefois, Amnesty International a relevé que, selon plusieurs rapports, l’arme trouvée au domicile d’Abdurrazig al Mansouri par l’Agence de Sûreté intérieure aurait été découverte le lendemain de son arrestation, ce qui soulève certaines interrogations concernant les motifs réels de sa détention.

Amnesty International craint surtout qu’Abdurrazig al Mansouri n’ait été placé en détention en raison de ses écrits concernant des questions politiques et relatives au respect des droits humains, en particulier certains articles critiquant les autorités libyennes parus sur le site http://www.akhbar-libya.com/. Il serait donc un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé de façon non violente son droit à la liberté d’expression. Si tel est bien le cas, Amnesty International appelle les autorités libyennes à libérer Abdurrazig al Mansouri immédiatement et sans condition.

Amnesty International avait adressé une lettre aux autorités libyennes le 19 août 2005, faisant part de sa préoccupation concernant le manque de soins appropriés prodigués à Abdurrazig al Mansouri après une chute qu’il aurait faite aux environs du 7 août 2005. Il serait tombé de son lit en prison et se serait fracturé le bassin. Il est impératif qu’il puisse avoir accès immédiatement à des soins médicaux appropriés.

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