Communiqué de presse

Libye : une chaîne télévisée attaquée alors que les tensions montent autour de la loi sur l’isolement politique

L’attaque contre une chaîne de télévision à Tripoli, après la diffusion d’un débat sur la loi qui interdirait aux anciens cadres du régime Kadhafi d’occuper des postes à responsabilités au sein des institutions publiques, doit alerter les autorités et les inciter à prendre le contrôle des milices locales, a déclaré Amnesty International vendredi 8 mars.

Quelques jours auparavant, le 5 mars, la réunion du Congrès général national a été violemment interrompue par des centaines de manifestants qui cherchaient à obliger les députés à promulguer la loi sur le bannissement politique. Son président, Mohammad Magarief, a essuyé des tirs alors qu’il partait à bord d’un véhicule, les membres du Congrès ayant finalement été autorisés à quitter les lieux.

Le 7 mars, un large groupe d’hommes non identifiés ont fait irruption au siège d’Al Assema TV, chaîne privée d’informations basée à Tripoli. Ils ont enlevé quatre hommes, dont le propriétaire de la chaîne Jumaa Al Usta, l’ancien directeur exécutif Nabil Al Shibani et les journalistes Mohammad Al Houni et Mahmoud Al Sharkassi.

Les deux journalistes ont été relâchés quelques heures plus tard ; en revanche, on ignore toujours où se trouvent Jumaa Al Usta et Nabil Shibani.

Selon certaines informations, cette attaque aurait été menée en représailles, suite à la diffusion par la chaîne d’une discussion sur la loi sur le bannissement politique, proposition actuellement débattue devant le Parlement libyen. Aux termes de cette loi, les anciens cadres du régime de Kadhafi seraient écartés des postes à responsabilités dans les institutions publiques pendant 10 ans.

« Les parlementaires libyens affirment que les médias doivent pouvoir débattre et traiter des questions d’intérêt public sans restrictions et en toute sécurité", a commenté Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Jumaa Al Usta et Nabil Al-Shibani doivent être libérés immédiatement.

« Si les déclarations officielles condamnant cette attaque vont dans le bon sens, le seul moyen de protéger la liberté d’expression en Libye consiste à enquêter sur cet événement et à contrôler les milices, par l’entremise d’un programme efficace de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.  »

Sous sa forme actuelle, la loi sur l’isolement politique interdit à 36 catégories de fonctionnaires qui ont été directement responsables «  de la corruption de la vie politique, économique, sociale et administrative » en Libye sous le régime de Kadhafi, d’occuper des postes à responsabilités au sein des institutions publiques pendant une période de 10 ans.

Cette loi prévoit d’exclure les membres du Conseil de commandement révolutionnaire, ceux qui ont accumulé des richesses au détriment du peuple libyen, comme ceux qui ont participé à des activités ou des travaux scientifiques, universitaires, religieux, culturels ou sociaux ayant pour but de glorifier Mouammar Kadhafi et son gouvernement.

Différentes versions du projet de loi ont cherché à élargir ou au contraire à resserrer les critères d’exclusion, ce qui témoigne des vives tensions que suscite cette loi.

« Amnesty International reconnaît qu’il est crucial de rétablir la confiance dans les institutions publiques en Libye, après 42 années d’un régime répressif marqué par les atteintes aux droits humains", a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui.

« Toutefois, nous sommes préoccupés par la formulation vague, les critères extrêmement étendus pouvant justifier l’exclusion, et l’absence de procédure de révision, qui fait que les personnes soumises à un contrôle ne peuvent pas faire appel de la décision."

« Une procédure de filtrage ne doit pas se transformer en purge. Exclure du service public des personnes responsables d’atteintes aux droits humains est capital pour la protection des droits ; cependant, aux termes du droit international relatif aux droits humains, les autorités libyennes sont également tenues de respecter les droits de ces personnes.  »

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