Il faut que les autorités malgaches prennent sans tarder des mesures en vue de stopper l’engrenage des violations des droits humains, notamment en diligentant de toute urgence des enquêtes sur les allégations selon lesquelles les forces de sécurité auraient incendié des villages et procédé à des exécutions extrajudiciaires, a déclaré Amnesty International lundi 10 juillet 2017, alors que le Comité des droits de l’homme des Nations unies s’apprête à examiner la situation du pays.
« À Madagascar, la situation en matière de droits humains est en train de se dégrader fortement car, de toute évidence, l’état de droit n’est pas respecté, a déclaré Deprose Muchena, directeur du programme Afrique australe à Amnesty International.
« L’absence de poursuites est la porte ouverte aux violations commises par la police, notamment les exécutions extrajudiciaires, et à l’emprisonnement de défenseurs des droits humains. »
Exécutions extrajudiciaires
Amnesty International est préoccupée par les allégations faisant état d’exécutions extrajudiciaires dont se seraient rendus coupables des agents chargés de l’application des lois. Nombre de ces homicides ont eu lieu dans le contexte du banditisme lié au vol de bétail qui sévit dans le sud du pays.
L’organisation a aussi recueilli des informations indiquant que des agents chargés de l’application des lois avaient cherché à se venger après que la population avait voulu faire justice elle-même. En février 2017, des policiers auraient incendié cinq villages de la commune d’Antsakabary après que deux de leurs collègues ont été tués, semble-t-il, par des villageois. Une femme âgée, incapable de s’enfuir, a succombé à ses brûlures.
L’enquête sur cet incendie volontaire a été confiée à la police, bien que celle-ci soit impliquée. Amnesty International demande donc l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale garantissant que les victimes qui présenteraient des éléments soient protégées contre tout acte de représailles.
Liberté d’expression
Les autorités, ainsi que des personnes ou des groupes souhaitant protéger des intérêts particuliers, continuent d’intimider et de harceler les journalistes et les défenseurs des droits humains en vue de les réduire au silence et de faire obstruction à leur travail d’enquête ou à leurs activités en faveur des droits humains.
Celles et ceux qui osent condamner ouvertement le trafic et l’exploitation illégale des ressources naturelles sont de plus en plus souvent visés par des accusations pénales.
Ainsi, Clovis Razafimalala, un militant écologiste qui a dénoncé le trafic et l’exploitation illégale du bois de rose et d’autres essences, est détenu depuis plus de neuf mois pour des charges controuvées (rébellion, destruction de documents et de biens publics, et incendie volontaire). Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion et demande sa libération immédiate et inconditionnelle.
Discrimination contre les jumeaux
Les jumeaux et les autres enfants issus de grossesses multiples sont toujours discriminés et certains sont abandonnés par leurs parents car, selon une croyance populaire de la région de Mananjary, ils attirent le mauvais sort. Les familles qui choisissent de garder des jumeaux sont stigmatisées et exclues par leur entourage.
Les chefs d’un village de la région de Mananjary refusent même d’accorder leurs bénédictions aux parents qui prennent cette décision.
« L’examen que le Comité des droits de l’homme est sur le point d’effectuer offre aux autorités malgaches l’occasion parfaite de faire le bilan de tous les problèmes relatifs aux droits humains qui se posent dans le pays et de s’efforcer d’y remédier, a déclaré Deprose Muchena.
« Tout n’est pas perdu, il est encore possible de stopper l’engrenage des violations des droits humains et de ramener le pays à des normes acceptables. »
Amnesty International a également soulevé d’autres questions dans le document qu’elle a présenté au Comité des droits de l’homme, notamment celles de la pénalisation de l’avortement et du recours excessif à la détention provisoire.
Complément d’information
Les 10 et 11 juillet 2017 à Genève, à sa cent vingtième session, le Comité des droits de l’homme examinera le quatrième rapport périodique de Madagascar sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Lors de cette réunion, les États membres concernés pourront indiquer les mesures qu’ils ont prises afin que tous leurs citoyens jouissent au même titre de leurs droits civils et politiques.
Le Comité des droits de l’homme est un organe composé d’experts indépendants qui surveille la mise en œuvre du PIDCP par ses États parties. Madagascar a signé ce traité en 1969 et l’a ratifié en 1971.