Index AI : AFR 35/003/02
Les négociations sur la crise politique à Madagascar, qui se tiennent aujourd’hui (vendredi 21 juin 2002) à Addis-Abeba, en Éthiopie, doivent prendre en compte la détérioration de la situation des droits humains, a déclaré ce même jour Amnesty International. « Les dirigeants malgaches et la communauté internationale doivent condamner les atteintes aux droits fondamentaux qui sont commises actuellement et adopter une position ferme pour que les responsables de ces violences aient à répondre de leurs actes », a précisé l’organisation.
Les dirigeants malgaches, Marc Ravalomanana et Didier Ratsiraka, se rencontrent sous l’égide de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) pour tenter de sortir de l’impasse politique dans laquelle ils se trouvent depuis les élections présidentielles contestées de décembre 2001.
« Parmi les pires crimes commis depuis les élections de décembre figurent des meurtres, des actes de torture, des arrestations d’opposants politiques présumés et des manœuvres de harcèlement et d’intimidation. Les deux dirigeants rivaux doivent ordonner clairement à leurs troupes et à leurs sympathisants de ne pas commettre d’atteintes aux droits humains dans le cadre des affrontements militaires en cours », a ajouté Amnesty International.
Le 15 juin, la ville de Mahajanga est tombée aux mains de l’armée favorable à Marc Ravalomanana, et des habitants de la région ont pillé et incendié des boutiques appartenant à des sympathisants présumés des autorités locales fidèles à Didier Ratsiraka. Les troupes de Marc Ravalomanana sont alors intervenues pour mettre fin aux violences, blessant plusieurs personnes.
« Tant que la question des atteintes aux droits humains n’aura pas été réglée, les gens chercheront à se venger et de nouvelles violences seront commises. Le peuple malgache doit recevoir l’assurance que les crimes les plus graves feront l’objet d’une enquête indépendante, que les responsables seront traduits en justice et que l’impunité n’aura aucune place dans un futur accord politique », a déclaré Amnesty International.
Des informations récentes font état d’homicides et de torture sur l’île de Nosy Be. Les corps mutilés de six soldats favorables à Marc Ravalomanana et de deux civils ont en effet été retrouvés sur cette île, dans la province d’Antsiranana, où les combats font rage entre les deux camps. D’autres civils auraient « disparu » à Nosy Be, et il est à craindre qu’il n’aient été tués.
Les menaces et les intimidations viennent encore renforcer les atteintes aux droits humains. Ainsi, à Toamasina, les zatovo, milice fidèle au gouverneur local, fouillent les maisons à la recherche de partisans présumés de Marc Ravalomanana. Des tracts ont été distribués, menaçant ces partisans et les membres de l’ethnie mérina d’arrestation s’ils ne quittaient pas la ville. Une liste de personnes à arrêter a aussi été diffusée en ville. Nombreux sont ceux qui seraient aujourd’hui obligés de se cacher.
Amnesty International est également préoccupée par les arrestations et les mises en détention arbitraires. À Toamasina, bastion de Didier Ratsiraka, trois sympathisants présumés de Marc Ravalomanana se trouvent actuellement en prison, dont le député Zakahely Boniface, qui a été arrêté le 25 mars 2002 et inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État. Le 1er juin, au moins six sympathisants présumés de Marc Ravalomanana ont été arrêtés par la milice à Brickaville et auraient été transférés à Toamasina. On ignore tout de leur sort.
« Les personnes actuellement détenues ne doivent pas être torturées ni maltraitées, et devraient être inculpées d’infractions reconnues par la loi ou libérées. Si elles ont été arrêtées uniquement pour l’expression pacifique de leurs convictions politiques, elles doivent être libérées sans conditions », a affirmé Amnesty International.
Complément d’informations
À la suite des élections contestées de décembre opposant Marc Ravalomanana au président sortant Didier Ratsiraka, les sympathisants de Marc Ravalomanana ont manifesté pendant deux mois dans la capitale Antananarivo. Le 22 février, Marc Ravalomanana s’est proclamé président et a installé ses ministres dans les bâtiments gouvernementaux.
Didier Ratsiraka a alors quitté Antananarivo pour créer un gouvernement rival à Toamasina, capitale provinciale, d’où il a organisé un blocus économique de la capitale. Des négociations ont ensuite été organisées par l’OUA et les bulletins des élections de décembre ont été recomptés. Le 6 avril, Marc Ravalomanana a été reconnu officiellement président de la République de Madagascar.
Quatre des six gouverneurs de provinces se sont ralliés à Didier Ratsiraka et ont déclaré leur indépendance de la capitale. Fin mai, l’armée, sous le contrôle de Marc Ravalomanana, a lancé une offensive militaire contre ces quatre provinces. Elle a repris le contrôle de celles de Mahajanga et de Toliara, et affronte actuellement les soldats et les miliciens fidèles à Didier Ratsiraka dans la province d’Antsiranana.