MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL : Un débat plus ouvert en matière de droits humains

Index AI : MDE 29/001/2005
ÉFAI

Lundi 24 janvier 2005

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Lors de sa dernière visite au Maroc et Sahara occidental, Amnesty
International a pu constater une plus grande ouverture en matière de droits
humains, notamment dans le cadre des débats publics concernant les
répercussions des atteintes commises par le passé. L’organisation a
également enregistré un certain nombre de signes encourageants, témoignant
d’une évolution vers un meilleur respect de la légalité. Elle a néanmoins
déploré que certaines allégations de torture n’aient pas donné lieu à
enquête, que les personnes placées en détention ne bénéficient pas de
garanties suffisantes et que la liberté d’expression fasse encore l’objet de
restrictions lorsqu’il s’agit du Sahara occidental.

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus sur place du 5 au 21
janvier. Ils ont pu rencontrer des victimes de violations des droits
humains, des proches de personnes décédées ou « disparues », des
représentants d’organisations de défense des droits humains et des membres
du gouvernement, dont le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubâa.

« Nous sommes impressionnés par l’ouverture et le sérieux de plus en plus
grands avec lesquels les questions relatives aux droits humains sont
actuellement traitées, à de nombreux niveaux, tant par les pouvoirs publics
qu’au sein de la société civile », a déclaré Claudio Cordone, directeur
général au sein d’Amnesty International qui avait pris la tête de la
délégation. « Nous espérons que ce climat encouragera une approche
constructive des problèmes, passés et actuels, relatifs aux droits humains.
 »

Le ministre de la Justice a assuré Amnesty International que des enquêtes
avaient été récemment ouvertes sur plusieurs cas de torture présumés qu’elle
avait signalés. Il a déclaré que nul n’avait été détenu illégalement au
siège de la Direction de la surveillance du territoire (DST) de Témara, où
plusieurs personnes ont affirmé avoir été placées en détention secrète, en
2002 et 2003. Mohamed Bouzoubâa a également fait part aux délégués de
l’organisation des dernières initiatives en date prises par le gouvernement
pour lutter contre la torture, et en particulier d’un nouveau projet de loi
reflétant les normes internationales.

Amnesty International s’est félicitée de ces mesures, tout en regrettant que
les enquêtes en cours ne concernent que quelques-uns des dizaines de cas de
torture ou de mauvais traitements présumés signalés dans le cadre des
centaines d’arrestations effectuées en 2002. Elle a également demandé la
révision de la Loi relative à la lutte contre le terrorisme (2003), qui
permet le maintien en garde-à-vue des suspects, pendant une durée de douze
jours, sans inculpation (l’assistance d’un avocat peut leur être refusée
pendant les six premiers jours mais, dans la pratique, de nombreux détenus
ne voient un avocat qu’après avoir été inculpés).

Les délégués d’Amnesty International ont également rencontré les membres de
l’instance Équité et Réconciliation, chargée d’enquêter sur les graves
atteintes aux droits humains commises entre 1956 et 1999, et dont les
audiences publiques sont retransmises à la télévision nationale. Ces
audiences, qui ont débuté en décembre, constituent un événement sans
précédent au Maroc et dans le monde arabe en général. Elles permettent au
grand public d’entendre les récits des survivants et des proches des
victimes.

Amnesty International soutient l’action de l’instance Équité et
Réconciliation, qui doit enquêter sur les violations du passé, identifier
les institutions de l’État responsables et accorder des réparations aux
victimes et à leurs proches. Ce sont là des éléments essentiels de tout
processus visant à établir la vérité sur des violations des droits humains.
Si l’on veut que le respect du droit soit entièrement rétabli et éviter que
de nouvelles atteintes ne se produisent à l’avenir, d’autres étapes sont
toutefois nécessaires : notamment traduire en justice les auteurs de
violations, dans le cadre d’un système judiciaire réformé.

« Dans une région où les représentants des pouvoirs publics ont tendance à
nier purement et simplement toute violation des droits humains et où les
responsables ne sont généralement pas inquiétés, l’instance Équité et
Réconciliation constitue une initiative encourageante et audacieuse, a
souligné Claudio Cordone. Elle peut jouer un rôle crucial en matière de
règne de la justice au Maroc et peut inciter d’autres pays, aux prises avec
l’héritage des violations du passé, à mettre en route des processus
similaires. »

Malheureusement, l’actuel climat d’ouverture ne s’étend pas à la question
des droits et des libertés au Sahara occidental. Lors de la visite d’Amnesty
International, les autorités marocaines ont refusé d’autoriser un groupe de
défenseurs des droits humains de ce territoire contesté d’engager une
procédure en vue de faire reconnaître leur association. Il ne s’agit que de
la dernière en date d’une série de mesures visant à réprimer la liberté
d’expression lorsqu’il s’agit du Sahara occidental, mesures qui participent
au maintien d’une profonde méfiance à l’égard de la manière dont les
pouvoirs publics entendent traiter la question des droits humains dans ce
territoire.

Les délégués d’Amnesty International ont également évoqué avec les autorités
l’examen auquel ces dernières procèdent actuellement des réserves formulées
par le Maroc au titre de plusieurs instruments relatifs aux droits humains,
dont ceux traitant de la torture et de la discrimination à l’égard des
femmes. Ils ont en outre instamment prié le gouvernement de ratifier dans
les meilleurs délais le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ils
ont enfin exprimé une nouvelle fois le souhait que la section marocaine
d’Amnesty International soit reconnue d’utilité publique, une question
actuellement étudiée par les autorités marocaines.

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