DÉCLARATION PUBLIQUE
ÉFAI
17 août 2009
Amnesty International demande aux autorités marocaines de faire en sorte que le défenseur sahraoui des droits humains Ennaâma Asfari, actuellement détenu à la prison de Tan Tan, et son co-accusé Ali El-Rubia, bénéficient d’un procès équitable. L’organisation demande aussi qu’une enquête soit menée sur les allégations selon lesquelles les deux hommes ont subi des violences de la part de la police au moment de leur arrestation.
Ennaâma Asfari et Ali El-Rubia ont été interpellés le 14 août 2009 lors d’un contrôle de la police marocaine à un barrage routier dressé près de Tan Tan, dans le sud du pays.
Selon les informations recueillies, un policier a insulté Ennaâma Asfari parce qu’un petit drapeau du Front Polisario figurait sur son porte-clés. Il lui a demandé de le retirer, et une altercation s’en est suivie. Au final, Ennaâma Asfari et son compagnon de voyage ont été arrêtés et conduits au poste de police de Tan Tan. Les deux hommes auraient subi des violences au moment de leur interpellation : Ali El-Rubia aurait été frappé, notamment à coups de matraque, et Ennaâma Asfari aurait été projeté à terre et roué de coups de pied. Lorsqu’elle a pu voir son mari au poste de police quelques heures plus tard, Claude Mangin-Asfari a constaté qu’il avait des contusions au nez et que ses lunettes étaient cassées.
Avant son interpellation, Ennaâma Asfari prêtait assistance à une mission composée de quatre activistes étrangers – dont son épouse, Claude, fait partie – arrivée le 12 août pour enquêter sur la situation des droits humains au Sahara occidental. Il semble qu’il ait pu être pris pour cible parce qu’il soutient l’autodétermination du peuple sahraoui : il s’agirait de le dissuader de poursuivre son action en faveur de cette cause ainsi que ses activités de défense des droits humains.
Ennaâma Asfari et Ali El-Rubia ont été présentés au procureur du roi le 16 août à Tan Tan. Le magistrat a ordonné la remise en liberté provisoire d’Ali El-Rubia et le placement d’Ennaâma Asfari au centre de détention administrative de Tan Tan. Les deux hommes n’ont pas été informés précisément des charges qui pèsent contre eux, mais on pense qu’ils devront répondre d’outrage à des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions. Ennaâma Asfari aurait refusé de signer le procès-verbal dressé par la police, car il estimait que ce document ne reflétait pas correctement la réalité des circonstances dans lesquelles il a été arrêté.
Le 17 août, les deux hommes ont comparu devant le tribunal de première instance de Tan Tan. Ils n’étaient pas assistés d’un avocat. À la demande des prévenus, le tribunal a renvoyé l’audience au 24 août afin qu’ils aient le temps de contacter un avocat et de préparer leur défense.
Ennaâma Asfari est le coprésident du Comité pour le respect des libertés et des droits humains au Sahara occidental (CORELSO), une organisation basée en France, son pays de résidence. Il avait déjà été arrêté par des agents des forces de sécurité marocaines lors d’une visite effectuée en 2008. Condamné pour violences à autrui et conduite en état d’ivresse – charges qu’il a nié catégoriquement –, il avait purgé une peine de deux mois d’emprisonnement. Il affirme qu’à cette occasion aussi, il a été frappé par les forces de sécurité marocaines au moment de son arrestation, le 13 avril 2008. Les autorités n’ont toutefois pas ouvert d’enquête sur ses allégations, en violation des dispositions de la législation nationale et des obligations internationales souscrites par le Maroc, qui est partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Complément d’information
Les militants sahraouis des droits humains continuent de subir des actes de harcèlement et d’intimidation, quand ils ne font pas l’objet de poursuites judiciaires. Amnesty International craint qu’ils ne soient pris pour cible en raison de leurs activités de défense des droits humains et de l’exercice, pourtant pacifique, de leur droit à la liberté d’expression, notamment de leur droit à promouvoir sans violence l’autodétermination. Ils sont également en butte à des obstacles administratifs motivés par des considérations politiques, qui les empêchent d’enregistrer officiellement leurs organisations et entravent davantage leur travail.
Amnesty International a demandé à de multiples reprises aux autorités marocaines de prendre des mesures concrètes pour que tous les Sahraouis puissent exercer pleinement leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion et que les militants sahraouis des droits humains, en particulier, puissent recueillir et diffuser des informations et des opinions sur les questions liées aux droits humains, sans crainte d’être poursuivis en justice ni soumis à des actes de harcèlement ou d’intimidation. Ces droits sont consacrés par le droit international, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Maroc est partie, et la Déclaration des Nations unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998.