AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
AI Index : AFR 38/008/2003 (Document Public)
Nr du Service de Presse : 177
25 juillet 2003
Amnesty International est très inquiète du sort du Lieutenant Didi Ould
M’Hamed qui a été extradé il y a exactement une semaine du Sénégal vers la
Mauritanie dans la nuit du jeudi 17 au vendredi 18 juillet 2003 dans des
circonstances non encore élucidées. Les autorités mauritaniennes ont
reconnu détenir cette personne sans indiquer son lieu de détention.
"Sept jours après son extradition, personne ne semble savoir où se
trouve ce lieutenant, ce qui nous fait craindre pour sa sécurité dans un
pays où la torture est fréquemment utilisée," affirme aujourd’hui Amnesty
International.
Le lieutenant Didi Ould M’Hamed est soupçonné d’être impliqué dans
une tentative de coup d’état qui a eu lieu en Mauritanie début juin 2003.
Réfugié au Sénégal, son renvoi dans son pays d’origine a été rendu possible
suite à l’avis favorable rendu le 3 juillet 2003, par la chambre
d’accusation de la Cour d’appel de Dakar qui s’est prononcée sur son
extradition. Dans ce cas, le Code de procédure sénégalais prévoit que cette
personne peut être extradée sur décret pris par le Président de la
république.
Les faits reprochés au lieutenant Didi Ould M’Hamed sont passibles
de la peine de mort et d’autres personnes arrêtées en Mauritanie à la suite
de cette tentative de coup d’état semblent avoir été torturées.
Amnesty International proteste donc contre la décision prise par le
Président sénégalais Abdoulaye Wade qui viole les engagements
internationaux pris par son pays aux termes de la Convention des Nations
Unies contre la torture, ratifiée en 1984. En effet, l’article 3 de ce
texte précise que : "aucun État partie n’expulsera, ne refoulera ni
N’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de
croire qu’elle risque d’être soumise à la torture."
Cette extradition d’un militaire mauritanien par le Sénégal
intervient dans le cadre d’une série de limogeages et d’arrestations par
les autorités mauritaniennes de militaires accusés d’être responsables de
la tentative manquée de coup d’état les 8 et 9 juin 2003. Plusieurs
personnes ayant des liens familiaux avec les militaires soupçonnés d’être
impliqués dans ce coup, notamment le président de la Cour suprême, Mahfoudh
Ould Lemrabott et la secrétaire d’État à la condition féminine, Mme Mintata
Mint Hdeïd, ont été arrêtées de manière arbitraire et certaines ont été
détenues pendant plusieurs semaines au secret, dans un isolement total, ce
qui est contraire à toutes les règles internationales en matière de
détention. Elles ont toutes été libérées sans inculpation ni procès.
"Il est donc urgent que les autorités mauritaniennes indiquent où se
trouve cette personne et lui autorisent un accès immédiat à sa famille, à
un médecin et à un avocat, conformément aux normes internationales. Si les
autorités mauritaniennes persistent dans leur silence quant au sort du
lieutenant Didi Ould M’Hamed, on peut avoir les pires craintes quant à sa
sécurité et même à sa vie," précise aujourd’hui l’organisation.
Contexte
Depuis le 30 avril 2003, le gouvernement mauritanien a lancé une campagne
de répression contre tous ceux qu’il qualifie d’ "extrémistes" et a
récemment dénoncé le "danger rampant qui se cache derrière l’Islam et qui
est en réalité étranger à nos valeurs et à l’esprit de tolérance de notre
sainte religion." Á cette occasion plus d’une soixantaine de personnes ont
été arrêtées parmi les personnalités, notamment religieuses du pays.
Trente-deux personnes sont actuellement accusées de "complot contre le
régime constitutionnel et incitation à l’atteinte à l’ordre public
intérieur et extérieur de l’État ."
A la suite de la tentative du coup d ?état du 8 et 9 juin 2003, les
autorités mauritaniennes auraient demandé à des pays voisins comme le Mali
et l’Algérie qu’ils autorisent les forces de sécurité mauritaniennes à
pourchasser et à capturer sur leur territoire les personnes soupçonnées
D’être impliquées dans la tentative de coup d’état.