Mexique. Fin de la mission de haut niveau d’Amnesty International - le président Calderón s’engage en faveur des droits humains


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AMR 41/048/2007

Mexico - La mission de haut niveau d’Amnesty International au Mexique s’est terminée ce mardi 7 août par une rencontre entre la secrétaire générale de l’organisation Irene Khan et le président du Mexique Felipe Calderón. La délégation avait rencontré précédemment des ministres, des députés, des membres de la Cour suprême du Mexique, des membres de la société civile, des victimes de violations des droits humains et le gouvernement de l’État de Oaxaca.

Irene Khan a tenu les propos suivants lors d’une conférence de presse :

Le Mexique a adopté une double attitude en prenant, d’une part, fait et cause pour les droits humains à l’échelle internationale, et en ne faisant rien, d’autre part, de concret sur place pour que tous les Mexicains en bénéficient.

Le but de la mission d’Amnesty International était de tirer au clair l’engagement du nouveau gouvernement en faveur des droits humains et sa détermination à mettre fin à cette approche paradoxale des droits humains.

Les rencontres qu’a eues Amnesty International avec le gouvernement mexicain se sont déroulées de manière ouverte et constructive. Le président Calderón a reconnu qu’Amnesty International avait contribué au développement des droits humains au Mexique et s’est engagé personnellement à les faire respecter. Il s’est montré prêt à tenir compte des recommandations de l’organisation sur les réformes qu’il veut engager.

Il reste à voir maintenant si le président va intégrer le respect des droits humains dans sa nouvelle politique et sa réforme législative à venir. Amnesty International appelle le président à exercer clairement son autorité.

Amnesty International a demandé au président Calderón, ainsi qu’aux députés et sénateurs qu’elle avait rencontrés précédemment, de veiller à ce que la réforme législative inclut une modification de la Constitution pour que celle-ci reconnaisse explicitement les garanties internationales en matière de droits humains. Le président a accepté d’apporter son soutien à une telle disposition.

Sécurité publique et réforme de la justice pénale

Ce gouvernement a fait de la sécurité publique une priorité. L’expérience d’Amnesty International un peu partout dans le monde et ses décennies de travail sur le Mexique lui ont montré que la sécurité publique ne peut être véritablement instaurée de manière durable si les droits les plus fondamentaux ne sont pas respectés.

Le meilleur moyen de s’attaquer au crime organisé et à la corruption est d’avoir recours à la primauté de la loi et aux droits humains. La transparence et l’obligation de rendre des comptes, qui sous-tendent les droits humains, sont vitales pour protéger l’intégrité des institutions contre le crime organisé et la corruption et assurer la protection des droits fondamentaux des individus. Il est donc dans l’intérêt du gouvernement de placer les droits humains au cœur de sa stratégie en matière de sécurité publique.

Les déficiences de la sécurité publique et de la justice au Mexique rendent possibles à l’heure actuelle les détentions arbitraires, la torture, les mauvais traitements, le non respect des procédures légales, les procès iniques, l’ingérence de la police dans les affaires judiciaires et l’impunité à grande échelle. Ce sont les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont le plus souvent victimes de ces atteintes aux droits fondamentaux de la personne.

Amnesty International considère que les propositions actuelles du gouvernement ne permettront pas de mettre correctement en œuvre :
• des mécanismes indépendants et impartiaux permettant de faire en sorte que la police et les représentants du ministère public soient tenus de rendre des comptes. La réforme de la police s’accompagnera d’une augmentation significative des pouvoirs attribués aux policiers ; afin d’éviter les abus auxquels cet accroissement pourrait donner lieu il faudrait que celui-ci soit accompagné d’un renforcement proportionnel des mécanismes de responsabilisation ;
• un système judiciaire garantissant l’égalité entre la défense et l’accusation à tous les stades de la procédure et protégeant la présomption d’innocence et tous les autres droits y afférents. C’est le meilleur moyen d’empêcher les erreurs judiciaires, en veillant à ce que les droits du suspect soient respectés et à ce que le coupable soit correctement sanctionné, ainsi la justice est-elle rendue à la victime du crime ;
• un contrôle judiciaire de la police et du ministère public afin d’empêcher les pratiques abusives telles que la torture et les mauvais traitements à l’encontre des suspects.

Amnesty International a recommandé au président d’inclure ces principes dans les réformes en cours. Le président a reconnu qu’il était nécessaire que la police et les autorités chargées des enquêtes soient contrôlées et tenues de rendre des comptes et a demandé des informations sur les pratiques dans ce domaine dans les autres pays.

Le rôle de l’armée en matière de sécurité publique

Amnesty International a pris note de ce que le ministre en charge de la sécurité publique avait déclaré que des mesures étaient prises pour rendre la police plus professionnelle et retirer le personnel militaire du ministère chargé de la sécurité publique.

Cependant, la décision du gouvernement d’élargir le rôle et les fonctions du personnel militaire en matière d’application des lois renforce le risque de violations des droits humains et d’impunité. Déjà plusieurs cas ont vu le jour.

Amnesty International a mis l’accent sur le fait que :
• l’utilisation de membres de l’armée pour les opérations de maintien de l’ordre n’est pas une solution viable à long terme ;
• les responsabilités et les règles d’engagement du personnel militaire lors des opérations de police conjointes doivent être clairement établies ;
• l’utilisation de la force par le personnel militaire pour les opérations de maintien de l’ordre devra s’effectuer dans le respect des normes internationales dans ce domaine ;
• toute allégation de violations des droits humains doit faire l’objet d’une enquête dans le cadre de la justice civile.

Tout en mettant l’accent sur le rôle de l’armée dans la lutte contre le crime organisé, le président Calderón a pris note des préoccupations d’Amnesty International ; en particulier, il a déclaré que les violations des droits humains devraient non seulement faire l’objet d’une enquête militaire et être jugées par la justice militaire mais qu’elles devraient aussi être déférées à la justice civile.

Juridiction locale et fédérale en matière de droits humains : le cas de l’État de Oaxaca

Alors que le Mexique est un État partie à de nombreux traités relatifs aux droits humains, la mise en application de ces droits est défaillante en raison en grande partie des distinctions entre juridictions locales et fédérales.

Trop souvent les autorités, que ce soit au niveau des États ou de la fédération, ont invoqué des complexités constitutionnelles pour fuir leurs responsabilités en matière de lutte contre les violations et l’impunité.

Ce décalage entre les prérogatives des États et de la Fédération a creusé le fossé entre les promesses et la réalité en matière de protection des droits fondamentaux. Cette situation a pour conséquence que les droits fondamentaux des Mexicains sont plus ou moins bien protégés selon l’État dans lequel ils vivent.

Il incombe au gouvernement fédéral de veiller à ce que les droits humains de tous les Mexicains soient protégés, quel que soit l’endroit où ils vivent au Mexique.

Le hasard est inacceptable en matière de droits fondamentaux.

Le cas de l’État de Oaxaca est tout a fait représentatif. Après avoir surveillé attentivement la situation dans l’État de Oaxaca, y a avoir effectué des visites de longue durée et rencontré des responsables au niveau local et fédéral, des victimes de violations des droits humains et la société civile, Amnesty International rend public un rapport intitulé Oaxaca : clamour for justice qui décrit des pratiques abusives (arrestations arbitraires ; tortures et mauvais traitements ; harcèlement) dont se rendent coupables les agents de l’État responsables du maintien de l’ordre tant au niveau local que fédéral. L’organisation a bien conscience de ce que des manifestants ont pu se rendre coupables d’infractions.

Cependant, en un an très peu a été fait pour déférer à la justice les personnes responsables de violations des droits humains ou d’infraction dans l’État de Oaxaca.
Les instances à qui il incombe en priorité d’enquêter sur les violences qui ont eu lieu dans cet État sont elles mêmes accusées de commettre des violations des droits humains. Les autorités fédérales n’ont pas fait preuve d’une véritable volonté de mener ou commanditer des enquêtes impartiales sur les violations des droits humains très diverses qui ont été commises, à l’exception de quelques enquêtes sur des homicides.

Amnesty International a demandé au président Calderón de faire le nécessaire pour qu’il n’y ait pas d’impunité dans l’État de Oaxaca tant pour les responsables d’infractions commises pendant les manifestations que pour les agents accusés de violations des droits humains.

Amnesty International s’est félicitée de la décision de la Cour suprême d’enquêter sur l’État de Oaxaca et l’État d’Atenco et transmettra des informations complémentaires aux fins de ces enquêtes.

Cependant, la tenue de ces enquêtes n’exempte pas les autorités fédérales et locales de la responsabilité qu’elles ont de déférer à la justice les personnes impliquées dans des violations des droits humains.
La détermination du président Calderón à prendre de véritables mesures pour briser le cycle de l’impunité qui perdure dans le Oaxaca et l’Atenco permettra de tester l’authenticité de son engagement en faveur des droits humains.

Le Mexique et la protection des droits humains à l’échelle internationale

Le tableau n’est pas entièrement sombre : le Mexique a joué un rôle positif sur la scène internationale en particulier récemment lors de la création du Conseil des droits humains des Nations unies. Amnesty International a encouragé le gouvernement du président Calderón à s’appuyer sur ce bilan positif pour jouer le rôle de chef de file de la lutte pour l’abolition de la peine de mort partout dans le monde.

Le Mexique devrait jouer un rôle de premier ordre dans la promotion de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies demandant l’instauration d’un moratoire international sur la peine capitale. Cette résolution pourrait constituer un pas important vers l’abolition totale de ce châtiment.

« Un monde sans peine de mort » pourrait devenir une réalité si des pays comme le Mexique étaient prêts à prendre les choses en main. Le président Calderón a exprimé son soutien à une telle initiative. En relevant ce défi, le président Calderón ne ferait pas que venir en aide aux 54 Mexicains qui se trouvent dans le couloir de la mort aux États-Unis mais il contribuerait à mettre fin aux exécutions dans des pays comme la Chine, les États-Unis, l’Irak, l’Iran, le Pakistan et le Soudan.

Complément d’information

Amnesty International a mené une mission de haut niveau au Mexique à partir du 31 juillet.

La délégation d’Amnesty International était composée des personnes suivantes : Susan Lee, directrice du programme Amériques ; Rupert Knox, responsable des recherches sur le Mexique ; Nancy Tapias-Torrado, adjointe de campagne Mexique et Judit Arenas, responsable du Bureau de la secrétaire générale.

Il s’agit de la troisième visite d’Irene Khan au Mexique depuis 2003 et de sa première mission dans ce pays depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement. La délégation d’Amnesty International a rencontré le président Calderón, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Intérieur, le ministre chargé de la sécurité publique, des membres de la Courtsuprême, des députés, des sénateurs, des membres de la société civile et des victimes de violations des droits humains. La délégation s’est rendue dans les États de Oaxaca et de Guerrero.

En plus des demandes mentionnées ci-dessus, Amnesty International a demandé au gouvernement mexicain de prendre des mesures pour protéger les journalistes et les défenseurs des droits humains, y compris dans les communautés indigènes.

L’organisation s’est félicitée des initiatives législatives visant à améliorer la protection des femmes contre la violence, tout en exprimant son inquiétude au sujet de la persistance du climat d’agression, de meurtre et d’impunité qui perdure à Ciudad Juarez et Chihuahua.

La délégation s’est également rendue dans l’État de Guerrero pour rencontrer des personnes affectées par le projet de barrage de La Parota. Amnesty International a demandé aux autorités de faire le nécessaire pour que soit respecté le droit d’informer et de mener des consultations auprès des populations affectées directement ou indirectement par ce projet.

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