Mexique. Première victoire remportée par des femmes indigènes dans deux affaires de viols imputés à des soldats

Cela fait neuf ans que deux femmes indigènes défient l’armée et les autorités au Mexique afin d’obtenir justice après avoir été violées par des soldats dans l’État de Guerrero (sud du pays) en 2002.

Malgré une longue enquête et des jugements prononcés en faveur d’Inés Fernández Ortega et de Valentina Rosendo Cantú par la Cour interaméricaine en août 2010, leurs agresseurs sont toujours en liberté, visiblement protégés par le système de justice militaire mexicain. Parallèlement, ces femmes et leur famille ont été victimes de menaces tout au long de la procédure.

Depuis vendredi 12 août, cependant, Inés Fernández Ortega et Valentina Rosendo Cantú ont bon espoir que les soldats qui les ont violées soient finalement traduits en justice.

Les enquêtes sur ces affaires ont en effet été confiées à des tribunaux civils, le parquet militaire du Mexique ayant admis qu’il n’était pas compétent pour engager des poursuites lorsque des membres des forces armées sont accusés d’avoir commis des violations des droits humains.

« Ceci est pour nous un grand pas en avant, car la société civile se bat constamment pour que ces cas soient renvoyés devant le système de justice civil » a déclaré Vidulfo Rosales, un avocat spécialisé dans la défense des droits humains travaillant pour le Centre des droits humains de la montagne Tlachinollan, qui représente les deux femmes.

« De nombreux obstacles demeurent cependant – nous craignons ces crimes ne restent impunis, et que les responsables ne soient exonérés. Le parquet général a l’obligation d’ouvrir une information judiciaire immédiatement, afin de sanctionner les soldats qu’Inés et Valentina ont déjà désignés comme coupables. »

La décision de confier les cas d’Inés Fernández Ortega et Valentina Rosendo Cantú à des tribunaux civils fait suite à un arrêt rendu récemment par la Cour suprême, déterminant que les atteintes aux droits fondamentaux de civils imputées aux forces armées mexicaines ne doivent pas être jugées par des tribunaux militaires.

Cela vient confirmer une décision prononcée par la Cour interaméricaine des droits de l’homme l’an dernier, ordonnant au Mexique de confier au système de justice civil les cas de violations des droits humains perpétrées par l’armée. Ce jugement engageait le gouvernement mexicain à amener les responsables présumés à rendre des comptes, à accorder des réparations satisfaisantes et à prendre des mesures afin que ce type de violations ne puisse plus se produire.

En dépit de cette décision, la justice militaire continue à instruire plusieurs autres affaires récentes de violations attribuées à l’armée, notamment la disparition forcée d’au moins six hommes en juin à Nuevo Laredo, près de la frontière avec les États-Unis, dont la marine serait responsable.

De nombreuses violations des droits humains ont été signalées à travers le Mexique depuis que les forces armées s’impliquent davantage dans les opérations de maintien de l’ordre visant à combattre les cartels de la drogue et les groupes armés. Celles-ci incluent des arrestations arbitraires, des actes de torture et des disparitions forcées.

« Le fait que ces cas soient confiés au système de justice civil mexicain crée un précédent important, et le parquet général doit engager dans les meilleurs délais des poursuites effectives contre les auteurs présumés des viols et actes de torture infligés à Inés Fernández et Valentina Rosendo », a déclaré Javier Zuñiga, conseiller spécial auprès d’Amnesty International.

« Le système de justice militaire du Mexique ne doit plus jamais être autorisé à protéger les coupables lorsque les forces armées sont accusées d’avoir violé les droits fondamentaux de civils. »

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