Myanmar. Risques accrûs pour les survivants du cyclone en raison des actions menées par le gouvernement du Myanmar

Le gouvernement du Myanmar accélère ses efforts pour obliger les survivants du cyclone Nargis à quitter les abris d’urgence et les empêche de recevoir l’aide qui leur est destinée, selon de nouvelles recherches rendues publiques par Amnesty International ce jeudi 5 juin. Les actions menées par le gouvernement exposent des dizaines de milliers de survivants très vulnérables à des risques accrûs de mort, de maladie et de famine.

Le 20 mai, le gouvernement du Myanmar, le Conseil national pour la paix et le développement (SPDC), a annoncé la fin de la phase de secours et d’aide d’urgence après la catastrophe et le début de la phase de reconstruction. Depuis, le SPDC a lancé une campagne visant à forcer les survivants du cyclone ayant perdu leur maison à quitter les camps mis en place par le gouvernement ou qui se sont constitués de façon spontanée.

Les autorités ont centré leurs efforts sur les écoles et les monastères, transformés en bureaux de vote pour le référendum différé du mois de mai sur la Constitution, et à nouveau en service à partir du 2 juin pour la reprise des cours.

La plupart des survivants déplacés ne peuvent retourner là où ils habitaient auparavant, de nombreuses zones du delta de l’Irrawaddy ravagées par le cyclone étant toujours inhabitables.

« Après avoir survécu à la furie des éléments, des milliers de survivants du cyclone souffrent maintenant des mesures prises par le SPDC », a déclaré Benjamin Zawacki, chargé de recherches sur le Myanmar auprès d’Amnesty International.

S’appuyant sur de nombreuses sources, notamment des récits de témoins oculaires et des entretiens avec des personnes disposant d’informations de première main sur les régions frappées par le cyclone, Amnesty International souligne en conclusion le besoin urgent pour le SPDC et pour les donateurs internationaux d’adopter des normes en matière de droits humains pour servir de garde-fous après la catastrophe.

Amnesty International est également préoccupée par la distribution de l’aide. Le 16 mai, l’organe de presse officiel du Myanmar, le New Light of Myanmar, s’est engagé à « mener des enquêtes sur les affaires [de détournement d’aide], à en démasquer les auteurs et à prendre des actions punitives contre eux conformément à ce que prévoit la loi. » Amnesty International salue ces mesures et appelle le SPDC à contrôler strictement la distribution de l’aide par ses fonctionnaires et à enquêter sur toute allégation de vol, abus de pouvoir et autre détournement de l’aide.

« Étant donné le lourd bilan du SPDC en matière d’abus, les agences humanitaires doivent être particulièrement attentives à toute entrave ou tout blocage de leur aide », a déclaré Benjamin Zawacki, sur place depuis le mois de mai pour rassembler des informations sur les régions affectées.

Amnesty International a confirmé l’exactitude de plus de trente cas et récits de personnes contraintes de quitter les abris d’urgence installés dans des monastères, des écoles et d’autres lieux.

Au cours des deux semaines passées, la campagne de transfert s’est faite plus systématique et s’est généralisée. Les autorités ont renvoyé de force des personnes réfugiées à Maungmya, Maubin, Pyapon et Labutta vers le sud où se trouvaient leurs villages auparavant.

Des 45 camps de Pyapon, seuls trois existaient encore au 28 mai. Le 23 mai, les autorités de Yangon ont déplacé de force plus de 3000 survivants du cyclone du camp de Shwebaukan mis en place par les autorités à Myo Thit dans le district du Dagon Nord et d’un camp établi de façon spontanée dans le collège d’État n°2 de l’arrondissement de Dala.

Parmi les abus répertoriés on note aussi la confiscation et le détournement de l’aide. Amnesty International a reçu plus de 40 récits ou témoignages relatant comment l’aide avait été confisquée par des fonctionnaires, détournée ou gardée au lieu d’être distribuée aux survivants du cyclone.

En dépit des prises de position de hauts responsables du SPDC contre de tels agissements, les responsables locaux peuvent agir en toute impunité. Amnesty International a par exemple entendu les récits de témoins oculaires qui ont raconté comment, le 26 mai, sur le pont Pan Hlaing dans le quartier Hlaing Tharyar de Yangon, le capitaine de police U Luu Win avait arrêté 48 camions transportant de l’aide de donateurs privés. La police n’avait toujours pas laissé partir les camions le 1er juin.

Complément d’information

Le cyclone Nargis a dévasté le delta de l’Irrawaddy les 2 et 3 mai 2008, faisant des dizaines de milliers de morts. Plus de 130 000 personnes seraient décédées ou portées disparues et 2,4 millions de personnes ont été gravement affectées par la catastrophe. Beaucoup manquent de nourriture, d’abri et de soins élémentaires. Un mois après le cyclone, les Nations unies ont annoncé qu’elles n’avaient pu fournir une aide qu’à 40 p.cent des survivants.

La crise qui s’est développée dans le prolongement du cyclone Nargis intervient sur fond de violations graves des droits humains depuis de nombreuses années. Le SPDC détient actuellement plus de 1 850 prisonniers politiques dans des conditions extrêmement dures. Les principaux militants politiques sont presque tous derrière les barreaux ou sont passés dans la clandestinité. Toute personne critiquant le gouvernement est harcelée, menacée et arrêtée. Depuis plus de deux ans, l’armée a engagé une offensive dans l’est du Myanmar ciblant les civils Karen ; la torture est généralisée, ainsi que le recours au travail forcé et les déplacements forcés.

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