NÉPAL : Les atteintes aux droits humains ont atteint une ampleur sans précédent

Index AI : ASA 31/076/02
19 décembre 2002 à 6 h 00 GMT

Plus de 4 366 personnes ont été tuées dans le cadre du conflit qui déchire le Népal depuis la rupture des négociations entre le Parti communiste népalais (PCN) maoïste et le gouvernement en novembre 2001. Un nouveau rapport publié aujourd’hui (jeudi 19 décembre 2002) par Amnesty International (index AI : ASA 31/072/02) révèle que près de la moitié des victimes de la « guerre populaire » sont des civils pris pour cible pour leur soutien réel ou présumé au PCN ; d’autres sont des maoïstes qui ont été tués délibérément après avoir été faits prisonniers ou qui ont été assassinés au lieu d’être arrêtés.
Ce rapport souligne aussi qu’au moins 66 personnes auraient « disparu » au cours de l’année passée après avoir été arrêtées par les forces de sécurité. Le nombre total de « disparitions » signalées à l’organisation dans le cadre de la « guerre populaire » dépasse les 200, ce qui place le Népal au troisième rang mondial pour le nombre de « disparitions » au cours de ces quatre dernières années.
« Les atteintes aux droits humains ont atteint une ampleur sans précédent depuis que le gouvernement a fait intervenir l’armée et que les forces de sécurité ont reçu de nouveaux pouvoirs », a déclaré aujourd’hui Amnesty International.
« Il est clair que les autorités népalaises n’ont pas la volonté de remédier à la situation ni de s’attaquer à l’impunité, qui est endémique dans le pays. Il est urgent d’apporter une aide internationale à ce pays pour assurer une meilleure protection des droits humains et créer un système d’application des lois capable de traiter les plaintes d’atteintes aux droits fondamentaux avec une plus grande transparence et une plus grande obligation de rendre des comptes », a poursuivi l’organisation.
Dans son rapport - qui sera soumis aux membres de la Commission des droits de l’homme des Nations unies à Genève en 2003 - Amnesty International demande la création d’un bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies au Népal, avec des observateurs internationaux chargés de veiller au respect des droits humains. Ce bureau aurait aussi pour mission d’aider le gouvernement népalais à renforcer le système d’enquête sur les violations des droits fondamentaux et le processus d’inculpation de leurs auteurs.
De leur côté, les forces maoïstes se sont aussi rendues coupables d’un certain nombre d’atteintes aux droits humains, parmi lesquelles l’assassinat d’environ 800 civils considérés comme des « ennemis de la révolution », l’organisation de prises d’otages pour obtenir des rançons, la torture de prisonniers et l’exécution délibérée de membres des forces de sécurité capturés. Les maoïstes recrutent aussi des enfants dans leurs rangs.
Voici un exemple de leurs exactions : le 9 juillet 2002, quelque 300 maoïstes ont traîné hors de chez eux tous les hommes de plus quinze ans du village de Sumshergunj, dans la district de Banke. Environ 25 personnes ont été frappées à coups de gourdin, de crosse et de lance et accusées d’avoir livré à la police deux maoïstes qui avaient attaqué un des villageois plus tôt dans la journée. Deux hommes, Moti Lal Tamauli et Sohan Yadav Ahil, ont été tués sur le coup. Plusieurs autres ont été grièvement blessés.
Par ailleurs, Amnesty International reçoit régulièrement des informations selon lesquelles les maoïstes recrutent des enfants. Elle dispose de témoignages sur la manière dont ces enfants sont formés à l’utilisation des armes. Une fillette de quatorze ans lui a ainsi expliqué comment elle et ses camarades étaient formés à l’emploi des armes la nuit, à la lueur des lampes de poche, et allaient en classe dans la journée.
En septembre 2002, le commandant des forces armées a déclaré à Amnesty International que l’armée avait pour mission « de désarmer et de vaincre les maoïstes ». Des commandants militaires ont affirmé que les civils qui fournissaient un abri, de la nourriture ou de l’argent aux combattants maoïstes étaient eux-mêmes des maoïstes. Ils n’ont pas voulu reconnaître totalement que cette « aide » était très souvent fournie sous la menace des maoïstes. Or, ces civils représentent une grande proportion des victimes tuées par les forces de sécurité.
Par ailleurs, des cas de torture aux mains de l’armée, de la Force de sécurité armée (FSA) et de la police sont signalés presque quotidiennement. La FSA, qui a été créée en 2001, est de plus en plus citée dans les accusations de torture. L’armée détient systématiquement les gens les yeux bandés et les poignets menottées pendant des jours, des semaines, voire des mois. Les méthodes de torture utilisées sont, entre autres, le viol, le falanga (coups assenés sur la plante des pieds avec une matraque en bambou), les décharges électriques, le belana (un bambou lesté est roulé sur les cuisses de la victime, causant des lésions musculaires), les passages à tabac au moyen de barres de fer recouvertes de plastique, et les fausses exécutions.
Selon les chiffres officiels publiés en août 2002, 9 900 « maoïstes » ont été arrêtés, et 1 722 d’entre eux sont toujours en détention. Dans la plupart des cas, les arrestations et les premiers temps de la détention se déroulent en dehors de tout cadre juridique, en particulier lorsque les suspects sont détenus par l’armée. Cette dernière nie détenir des personnes au-delà de la période de vingt-quatre heures autorisée par la Loi militaire, mais il existe des preuves accablantes de maintien de personnes en détention au secret pendant de longues périodes dans des casernes de l’armée.
« L’impunité est le facteur le plus destructeur pour la situation des droits humains. Les membres des forces de sécurité se sentent totalement protégés de toute surveillance extérieure de leurs actes. La sanction la plus lourde qu’ils risquent est une enquête interne », a dénoncé Amnesty International.
« Il est temps que chacun ait à répondre de ses actes au Népal. »

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d’Amnesty International à Londres, au +44 20 7413 5566, ou consulter le site web http://www.amnesty.org

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