Personne n’a eu à rendre des comptes pour ces homicides, tandis que les familles des disparus attendent toujours de savoir ce que sont devenus leurs proches. Amnesty International a identifié le lieu d’un possible charnier près de Mando et s’y est rendue, mais les dépouilles doivent encore être exhumées.
« L’incapacité des autorités nigérianes à amener les responsables présumés à rendre des comptes pour l’homicide de centaines de femmes, d’hommes et d’enfants commis par des militaires à Zaria, témoigne de l’acceptation d’une culture de l’impunité pour les violations des droits humains dans le pays, a déclaré Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International Nigeria.
« Nos recherches indiquent que les morts survenues lors des affrontements entre les membres du Mouvement islamique du Nigeria (MIN) et l’armée nigériane il y a deux ans sont dues à un recours excessif à la force qui doit faire l’objet d’une enquête. »
Du 12 au 14 décembre 2015, les forces de sécurité nigérianes ont tué des centaines de civils, dont des partisans du MIN – hommes, femmes et enfants – et arrêté plus de 200 personnes en marge d’une manifestation chiite.
On ignore le nombre exact de victimes, mais il est sans doute plus élevé que le chiffre officiel de 347. On est toujours sans nouvelles de centaines de partisans du MIN portés disparus depuis le massacre et on craint qu’ils ne soient morts.
Les images satellite du site du charnier de Mando prises le 2 novembre et le 24 décembre 2015 montrent qu’une zone d’environ 1 000 m2 a été très perturbée, et que des bâtiments et des mosquées ont été détruits.
« L’attente n’a que trop duré pour une enquête médicolégale indépendante sur ce crime de droit international. De nombreuses familles ne connaissent toujours pas le sort de leurs proches, que personne n’a revus depuis le 12 décembre 2015, a déclaré Osai Ojigho.
« Le procureur général du Nigeria et le ministre de la Justice de la Fédération doivent ordonner l’exhumation des corps dans les charniers et la comparution en justice des responsables présumés, dans le cadre de procès équitables, sans recours à la peine de mort. »
Le gouvernement nigérian n’a pas condamné publiquement les homicides illégaux commis à Zaria.
Le dirigeant du MIN Sheik Ibraheem El Zakzaky et son épouse sont détenus illégalement depuis ces faits, malgré la décision de la haute cour d’Abuja qui a ordonné leur libération il y a un an.
« Le gouvernement nigérian ne peut pas continuer de faire fi de cet ordre de la cour et doit respecter l’état de droit en les libérant sans attendre », a déclaré Osai Ojigho.
En avril 2016, un responsable du gouvernement de l’État de Kaduna a admis que les corps de 347 membres du MIN ont été jetés dans une fosse commune près de Mando.
« Cette information devrait inciter le gouvernement à enquêter sur les homicides et à garantir que toutes les personnes soupçonnées d’être pénalement responsables soient amenées à rendre des comptes, a déclaré Osai Ojigho.b
« Jusqu’à présent, l’absence choquante d’obligation de rendre des comptes pour ces morts n’a fait que renforcer le climat d’impunité. »
Complément d’information
Le MIN est une organisation religieuse et politique chiite dont le leader, Ibraheem Yaqub El Zakzaky, est adepte de l’islam chiite au Nigeria depuis les années 1980. En octobre 2016, le gouvernement de l’État de Kaduna a déclaré que le MIN était une organisation illégale.
D’après les recherches d’Amnesty International, plus de 350 membres du MIN ont été tués par les forces de sécurité entre le 12 et le 14 décembre 2015 à Zaria.
En juillet 2016, la commission de l’État de Kaduna chargée d’enquêter sur les homicides a remis au gouvernement de l’État son rapport, qui accusait l’armée nigériane d’homicides illégaux.
Dans son livre blanc sur ce rapport, rendu public en décembre, le gouvernement de l’État de Kaduna a rejeté la plupart des recommandations de la commission.
Les marches, les manifestations et autres activités organisées par le MIN, généralement sans avoir obtenu les permis nécessaires et qui bloquent parfois les voies publiques, se soldent fréquemment par des affrontements avec les autorités nigérianes et des relations tendues avec d’autres communautés.