Communiqué de presse

Nigeria. Il faut enquêter sur la mort en détention de centaines de personnes soupçonnées d’appartenir à Boko Haram

Il faut de toute urgence enquêter sur la mort de centaines de personnes placées en détention dans des centres gérés par la Force d’intervention conjointe du Nigeria, a déclaré Amnesty International mercredi 16 octobre.

Des informations dignes de foi portées à la connaissance d’Amnesty International par un haut gradé de l’armée nigériane indiquent que plus de 950 personnes seraient mortes au cours du premier semestre 2013 alors qu’elles étaient détenues par l’armée. La plupart des décès signalés ont eu lieu dans des locaux utilisés par l’armée pour détenir les personnes soupçonnées d’être membres de Boko Haram ou d’entretenir des liens avec ce groupe islamiste.

« Les éléments que nous avons rassemblés suggèrent que, pour la seule année 2013, des centaines de personnes seraient mortes alors qu’elles étaient détenues par l’armée. Il s’agit d’un nombre ahurissant qui appelle des mesures urgentes de la part du gouvernement nigérian », a déclaré Lucy Freeman, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique.

« Ce qu’il se passe derrière les portes closes de ces sombres lieux de détention doit être révélé au grand jour et il faut que les responsables de violations des droits humains soient obligés de rendre des comptes. »

Il semble qu’un grand nombre de ces décès ait eu lieu à la caserne de Giwa, à Maiduguri (État de Borno) et dans les centres de détention Sector Alpha, souvent appelé « Guantànamo », et Presidential Lodge (connu sous le nom de « Guardroom », ou « Salle de garde »), à Damaturu, dans l’État de Yobe.

D’après d’anciens détenus interrogés par Amnesty International, des personnes mouraient presque chaque jour à Giwa et Sector Alpha. Elles suffoquaient ou succombaient à des blessures dues à la surpopulation, ou elles mouraient de faim. Certaines avaient reçu de graves blessures consécutives à des coups et étaient mortes en détention faute de soins médicaux.

Ces entretiens ont également révélé que, dans certains cas, des détenus de ces centres pourraient avoir été victimes d’exécutions extrajudiciaires. Plusieurs des personnes interrogées ont déclaré que des soldats emmenaient des détenus de leurs cellules en menaçant de les abattre. Dans de nombreux cas, ils ne sont jamais revenus. D’autres auraient été blessés par balle à la jambe pendant qu’ils étaient interrogés, n’auraient pas reçu de soins médicaux et auraient succombé à l’hémorragie.

Un autre haut gradé de l’armée nigériane qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat a indiqué à Amnesty International :

« Des centaines de personnes ont été tuées en détention, par balle ou par suffocation... Il y a des moments où, tous les jours, des gens sont emmenés et tués. En moyenne, environ cinq personnes sont tuées chaque jour. »

En avril 2013, des représentants d’Amnesty International ont dénombré 20 cadavres émaciés à même le sol à la morgue de l’hôpital d’État spécialisé de Maiduguri. Des témoins ont expliqué que ces corps avaient été apportés par la Force d’intervention conjointe (JTF). Amnesty International a appris de plusieurs autres sources que des corps étaient apportés dans cette morgue chaque jour par la JTF. Il semblerait qu’ils restent là jusqu’à ce que la morgue soit pleine, puis ils seraient emmenés par l’Agence de protection de l’environnement de l’État de Borno pour être enterrés. Les informations obtenues par Amnesty International indiquent qu’aucun examen post-mortem n’est effectué, que ce soit à la morgue ou ailleurs.

« Les normes internationales et le droit nigérian exigent que les morts en détention fassent l’objet d’enquêtes exhaustives et impartiales », a rappelé Lucy Freeman.

« Les détenus ont des droits qui doivent être respectés en toutes circonstances. »

Dans de nombreuses régions du nord du pays, des centaines de personnes accusées d’être liées à Boko Haram sont arrêtées de façon arbitraire par la JTF. Beaucoup sont maintenues au secret pendant de longues périodes sans inculpation ni procès, sans être déférées à une autorité judiciaire ni autorisées à consulter un avocat ou à voir leur famille.

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