NIGERIA. Le ministre fédéral de la Justice doit de toute urgence enquêter sur la disparition de six personnes en garde à vue

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI-14 avril 2010

La disparition de six hommes survenue il y a un an alors qu’ils se trouvaient en garde à vue à Port-Harcourt doit faire sans délai l’objet d’une enquête impartiale menée par le ministre fédéral de la Justice. Leur sort doit être révélé à leurs familles, a déclaré Amnesty International ce mercredi 14 avril 2010.

Chika Ibeku, Gabriel Ejoor Owoicho, Precious Odua, Johnson Nnaemeka et deux autres hommes ont disparu aux alentours du 11 avril 2009 alors qu’ils étaient aux mains de la Brigade d’intervention rapide (SOS) à Port-Harcourt.

« Amnesty International et des organisations non gouvernementales (ONG) nigérianes ont demandé à maintes reprises aux autorités policières de dévoiler ce qu’il était advenu de ces hommes et de les traduire en justice, a indiqué Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Afrique d’Amnesty International. Mais depuis un an, la police n’a même pas informé leurs familles du lieu où ils se trouvent. »

Chief Ibeku, père de Chika Ibeku, a assuré à Amnesty International qu’il n’aurait de cesse de retrouver son fils : « Je me suis même rendu dans les locaux de la SOS le mois dernier. Les policiers m’ont dit qu’ils ignoraient de quoi je parlais. Ils ne m’ont donné aucune information. Je ne vois pas pourquoi ils ne font pas comparaître mon fils et les autres devant un tribunal. Ils doivent nous dire, à nous les proches, ce qui s’est passé. »

Amnesty International craint que les jeunes hommes, à l’instar de nombreux détenus ayant disparu en garde à vue, n’aient été victimes d’une exécution extrajudiciaire. Les exécutions extrajudiciaires et les disparitions en garde à vue font rarement l’objet d’une enquête et les policiers responsables s’en tirent à bon compte.

« Le mépris généralisé au sein de la police pour les droits humains et les garanties prévues par la loi attise la culture de l’impunité. Les policiers savent qu’ils peuvent tuer en toute impunité. Et ils ne s’en privent pas, a poursuivi Tawanda Hondora. Il est temps que le gouvernement fédéral intervienne et mette un terme à ce cruel abus de pouvoir. »

Dans son rapport intitulé Ils tuent à leur gré. Exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux commis par la police au Nigeria, Amnesty International a conclu que des centaines de personnes sont tuées chaque année par la Force de police du Nigeria. Au cours des premiers jours ou des premières semaines suivant une arrestation, la famille a généralement un droit de visite. Par la suite, les policiers lui disent que la personne qu’elle recherche a été « transférée à Abuja »- euphémisme qui signifie qu’elle a été tuée par la police durant sa garde à vue.

D’autres fois, les policiers prétendent simplement ignorer où elle se trouve. Les familles de victimes obtiennent rarement justice ou réparation. La plupart d’entre elles n’arrivent jamais à connaître la vérité sur ce qui est arrivé à leurs proches.

Amnesty International exhorte le ministre de la Justice et procureur général de la Fédération du Nigeria, Mohammed Bello Adoke, à mettre sur pied une commission indépendante chargée d’enquêter sur tous les cas présumés d’homicides illégaux et de disparitions forcées attribués à la police nigériane ces dernières années.

Complément d’information

Le 7 avril 2009, la voiture dans laquelle se trouvaient Chika Ibeku (29 ans), Gabriel Ejoor Owoicho (29 ans), Precious Odua (27 ans) et deux autres hommes a été interceptée par la police. Ses occupants ont tous été arrêtés et placés en détention au poste d’Omoku, dans l’État de Rivers, et ont informé leurs familles respectives de leur arrestation. La mère de l’un d’entre eux a raconté à Amnesty International : « Il m’a appelé vers 7 heures du matin, le 8 avril. Il m’a dit qu’il avait été arrêté. Puis la ligne a été coupée. C’est la dernière fois que je l’ai entendu. »

Le 8 avril, Johnson Nnaemeka (39 ans), le propriétaire de la voiture, a été interrogé au poste d’Omoku. Il a été placé en état d’arrestation le lendemain et sa maison a été perquisitionnée. Le même jour, les six hommes ont été transférés dans les locaux de la Brigade d’intervention rapide (SOS) du secteur d’Old GRA, à Port-Harcourt, ce que des policiers de la brigade ont confirmé. Leurs familles n’ont pas été autorisées à les voir après leur transfert. Le 11 avril, des policiers de la SOS ont déclaré que les six hommes avaient tous été emmenés à la Brigade spéciale de répression des vols (SARS), déclaration que celle-ci a démentie.

Le 9 avril 2009, Amnesty International a écrit au commandant de la SOS pour demander où se trouvaient ces hommes, adressant une copie de cette lettre au directeur de la police de l’État de Rivers. Le 17 avril, Amnesty International et des ONG nigérianes ont publié une déclaration conjointe demandant à la police nigériane de révéler ce qu’il était advenu de ces hommes. La police n’a toujours pas répondu.

Le 14 septembre, Amnesty International a une nouvelle fois écrit au directeur de la police de l’État de Rivers pour solliciter de plus amples informations sur cette affaire et d’autres affaires de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires. Une copie de cette lettre a été adressée à l’inspecteur général de la police. La police n’a toujours pas répondu.

Amnesty International a également adressé des courriers au ministre de la Justice et procureur général, au ministre de la Police, au ministre des Affaires étrangères et au président de la Commission des services de police.

En mai 2009, le Nigerian Bar Association Human Rights Institute (NBAHRI) a introduit une requête au nom de Chief Ibeku demandant que la police nigériane fasse comparaître Chika Ibeku en justice. La prochaine audience est fixée au 16 mai 2010.

Les disparitions forcées constituent une violation grave des droits humains et ouvrent la voie à un ensemble d’autres atteintes, en particulier la torture et les exécutions extrajudiciaires. Les disparitions forcées sont interdites aux termes de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées [ONU], qui n’est pas encore entrée en vigueur mais que le Nigeria a ratifiée le 27 juillet 2009.

Pour consulter le rapport d’Amnesty International intitulé Ils tuent à leur gré. Exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux commis par des policiers au Nigeria, veuillez cliquer sur le lien suivant : http://www.amnesty.org/en/library/info/AFR44/038/2009/en

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