Communiqué de presse

Nigeria. Les autorités doivent protéger la population contre des attaques meurtrières

Amnesty International a condamné, mardi 24 janvier 2012, les attaques meurtrières menées à Kano par des membres de Boko Haram, et a appelé les autorités nigérianes à prendre davantage de mesures pour protéger la vie et la sécurité de la population.

Malheureusement, ces violences ne sont que les dernières en date dans une série d’attaques meurtrières perpétrées par Boko Haram. Ce groupe, dont le nom officiel est Jama atu Ahlis Sunna Lidda a Waati Wal Jihad, a commis de nombreuses atteintes aux droits humains et fait preuve d’un mépris flagrant pour la vie humaine. Ces violences doivent cesser. Cependant, le gouvernement nigérian s’est montré à maintes reprises incapable d’empêcher ces actes, ou d’ouvrir des enquêtes qui permettraient de traduire en justice et de sanctionner leurs auteurs. Le gouvernement fédéral doit investir dans une réforme du système de justice pénale afin d’éviter de nouvelles morts dans le nord du pays. Il faut que les atrocités commises par Boko Haram fassent l’objet d’enquêtes et que leurs auteurs présumés soient déférés à la justice.

Amnesty International a également engagé le gouvernement fédéral à mettre en place une commission indépendante chargée d’enquêter sur les attentats à la bombe perpétrés à Kano et à rendre publiques ses conclusions.

Les habitants du nord du Nigeria sont pris en tenaille, confrontés à la fois aux attaques de Boko Haram et à l’échec des mesures prises par le pays pour lutter contre le terrorisme. Ces mesures n’ont pas permis d’empêcher les attaques, ni d’ouvrir les enquêtes qui auraient pu donner lieu à des poursuites et à des sanctions contre les responsables présumés de ces actes. Au contraire, elles ont souvent entraîné de nouvelles atteintes aux droits humains, commises en toute impunité par les forces de sécurité.

Au moins 186 personnes ont été tuées à Kano, le 21 janvier 2012, dans les attentats à la bombe commis par des membres du groupe extrémiste religieux Boko Haram contre les forces de sécurité en huit endroits différents dans la ville, dont le siège de la police locale et de l’État ainsi que le siège du Service de sécurité de l’État. Ces attaques ont eu lieu à 16 h 15 et ont été suivies pendant plusieurs heures d’échanges de tirs entre Boko Haram et les forces de sécurité. Plusieurs personnes soupçonnées d’appartenir au groupe extrémiste s’étaient évadées alors qu’elles étaient en garde à vue ou avaient pris la fuite. D’après la police, 29 membres des forces de sécurité auraient été tués.

Parmi les victimes figuraient des policiers, des membres de leurs familles et des personnes résidant à proximité des postes de police. Enenche Akogwu, journaliste de la chaîne de télévision Channels, a été abattu par des membres présumés du groupe extrémiste à proximité du siège du gouvernement.

Boko Haram a affirmé avoir prévenu les autorités de l’État en août 2011 qu’il commettrait des attaques si ses membres détenus dans l’État de Kano n’étaient pas remis en liberté. Le 21 janvier, peu de temps avant les attentats, des tracts ont été distribués dans la ville, là encore pour mettre la population en garde contre des attaques.

Les mesures prises par le gouvernement nigérian à l’encontre de Boko Haram se caractérisent par de graves défaillances en matière de justice pénale. Des membres présumés du groupe ont déjà été arrêtés à l’occasion de vastes opérations d’arrestations mais n’ont pas été jugés, notamment parce qu’aucun véritable travail de police n’a été effectué en vue de recueillir des preuves. Le principal suspect de l’attentat perpétré par Boko Haram le 25 décembre 2011, qui a fait au moins 37 morts, s’est évadé le 16 janvier dernier alors qu’il était en garde à vue. Des femmes et des enfants qui n’étaient soupçonnés d’aucune infraction ont été illégalement placés en détention et des mauvais traitements leur ont été infligés dans le but d’obtenir des informations sur les hommes de leurs familles soupçonnés d’avoir commis des actes de violence. Des membres présumés de Boko Haram ont été victimes de disparitions forcées.

La police n’est pas suffisamment formée et elle est mal équipée. Certains équipements de base, tels que les gilets pare-balles ou les menottes, ne sont pas disponibles en nombre suffisant. Le gouvernement doit veiller à ce que la police dispose d’un équipement et d’une formation adéquats pour mener à bien sa mission.

Le Nigeria ne doit pas chercher à obtenir la sécurité au détriment des droits humains. Il faut que les forces de sécurité veillent à ce que les mesures qu’elles prennent ne vont pas au-delà d’une réponse légitime s’inscrivant dans les cadres juridiques établis, et à ce qu’elles respectent pleinement les droits humains. À la suite de précédentes attaques menées par Boko Haram, les forces de sécurité ont souvent procédé à des rafles, au lieu d’arrêter des personnes parce qu’il existait de bonnes raisons pour les soupçonner d’avoir commis des infractions. Le fait que ces violations des droits humains ne fassent pas l’objet d’enquêtes en bonne et due forme et que leurs auteurs ne soient pas traduits en justice entretient l’impunité et prive les victimes de leur droit à obtenir réparation.

Le gouvernement doit investir de manière considérable et efficace dans la réforme du système pénal pour empêcher de nouvelles attaques de ce type et faire en sorte que leurs auteurs soient poursuivis et jugés équitablement, sans encourir la peine de mort.

Complément d’information

En 2011, au moins 500 personnes ont été tuées dans des attaques imputables à Boko Haram ; ces attaques visaient souvent la police et des représentants du gouvernement. Depuis juin 2011, des bars, y compris des bars en plein air, ont également été pris pour cible dans le nord du pays, faisant un grand nombre de victimes. La situation s’est dégradée vers la fin de l’année, des informations faisant état chaque semaine d’attaques et d’attentats.

Un comité a été créé en août 2009 afin d’« enquêter sur les circonstances ayant mené à la crise, notamment sur l’homicide présumé du dirigeant de Boko Haram et sur le massacre ou l’homicide de plus de 17 policiers », mais il n’a pas rendu ses conclusions publiques.

Au Nigeria, le système de justice pénale souffre de nombreuses lacunes. Il manque de ressources, est gangréné par la corruption et peine à gagner la confiance de la population. La police a trop facilement recours à la force meurtrière. Lorsque des enquêtes sont ordonnées, elles restent souvent superficielles et ne reposent pas sur la recherche d’informations. Les forces de sécurité procèdent souvent à des rafles, au lieu d’arrêter des personnes parce qu’il existe de bonnes raisons pour les soupçonner d’avoir commis des infractions. Les suspects sont régulièrement détenus dans des cellules dont les conditions portent atteinte à leur droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants. En raison de la lenteur des procédures judiciaires, la plupart des détenus, en particulier les plus pauvres, sont maintenus en détention provisoire pendant plusieurs années.

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