Nigeria. Ils tuent à leur gré

Cas individuels

9 décembre 2009

Les cas suivants sont extraits du rapport intitulé Ils tuent à leur gré. Exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux commis par des policiers au Nigeria. Pour plus de détails, prière de se référer au rapport. Il est possible d’obtenir des entretiens avec des proches de certaines des victimes.


Chibuike Anams,
un étudiant de vingt-trois ans, se trouvait avec des amis dans une pension à Elimgbu, dans l’État de Rivers, le 24 juillet 2009, lorsque la police y a fait irruption. Il a tenté de s’enfuir mais a été abattu. Sa famille, ne le voyant pas rentrer à la maison, a signalé sa disparition au quartier général de la police à Port-Harcourt. Elle s’est rendue dans plusieurs postes de police, mais ce n’est que près d’une semaine plus tard qu’elle a appris sa mort. Elle ne sait pas pourquoi les forces de l’ordre ont tué Chibuike Anams ni de quel crime il était accusé. Aucune enquête n’a été menée sur les circonstances de sa mort. En attendant, son corps se trouve toujours à la morgue car la police refuse de le remettre à ses proches.

Ken Niweigha a été arrêté le 26 mai 2009. Conduit au département de la police judiciaire (CID) de l’État à Yenagoa, il a été présenté à la presse. D’après les policiers, Ken Niweigha a ensuite accepté de les emmener jusqu’à sa cachette, avant de tenter de s’enfuir et d’être abattu. D’après les recherches menées par Amnesty International, il est peu probable que Ken Niweigha ait été sorti des locaux du CID. On pense que c’est là qu’il est mort. Des témoins affirment qu’il portait des traces de balle à une jambe et à la poitrine et qu’il avait été frappé à la nuque. Son corps a été emmené au Centre médical fédéral de Yenagoa, puis enterré par les autorités en un lieu qui n’a pas été dévoilé. Le lendemain de son arrestation, la police serait allée chez lui et aurait mis le feu à ses documents et à son ordinateur portable.

Aneke Okorie, trente-neuf ans, père de quatre enfants, roulait en mototaxi le 15 mai 2009 à Emene, État d’Enugu ; à un poste de contrôle, il a refusé de verser un pot-de-vin à la police, qui a ouvert le feu sur lui. Il est mort sur le chemin de l’hôpital. Un témoin a raconté à Amnesty International qu’après avoir tiré sur Aneke Okorie dans le ventre, le policier lui avait accroché son arme autour du cou pour faire croire qu’il avait lui-même été victime d’un vol à main armée. Le témoin a été prié de ne pas parler à la presse. Cependant, lorsqu’il a été annoncé à la radio, dans l’État d’Enugu, que la police avait abattu un « voleur armé », le témoin et des membres éminents de la société civile se sont adressés à l’inspecteur général de la police pour dire qu’Aneke Okorie était innocent et demander que les auteurs des faits soient traduits en justice. À la suite de cela, trois agents de police impliqués dans les coups de feu ont été arrêtés. Un policier a été renvoyé en septembre et poursuivi ; il est actuellement en attente de son procès. En septembre, après autopsie, le corps a été remis à la famille pour inhumation, mais pas le rapport d’autopsie.

Steven Agbanyim, vingt-neuf ans, et Chidi Odinauwa, vingt-six ans, ont été arrêtés le 18 avril 2009. La police a fait savoir à leurs familles que les deux hommes étaient en garde à vue au poste de police de Borokiri, à Port-Harcourt. La dernière fois que la famille de Steven Agbani a vu ce dernier, c’était au poste de Borokiri, le 27 avril. Le 7 mai, la Brigade spéciale de répression des vols (SARS) de Borokiri a déclaré ne pas avoir la moindre idée du lieu où se trouvaient les deux hommes. « Si Steven et Chidi ont fait quelque chose de mal, qu’ils soient jugés, a dit l’un des proches parents de Steven Agbanyim. Si Steven a été tué par la police, nous voulons récupérer son corps. » Des policiers ont dit officieusement aux familles que les deux hommes avaient été tués.

Le 7 avril 2009, la voiture dans laquelle se trouvaient Chika Ibeku (vingt-neuf ans), Gabriel Ejoor Owoicho (vingt-neuf ans), Precious Odua (vingt-sept ans) et deux autres hommes a été interceptée par la police. Ses occupants ont tous été arrêtés et placés en détention au poste de police d’Omoku, État de Rivers, et ils ont informé leurs familles respectives de leur arrestation. Le 8 avril, Johnson Nnaemeka (trente-neuf ans), le propriétaire de la voiture, a été interrogé au poste de police. Il a été placé en état d’arrestation le lendemain, et sa maison a été perquisitionnée. Ce même jour, les six hommes ont été emmenés à la brigade d’intervention rapide (SOS) du secteur d’Old GRA, à Port-Harcourt, ce qui a été confirmé par des policiers de la brigade. Leurs proches n’ont pas été autorisés à les voir après leur transfert. Le 11 avril, des policiers de la SOS ont déclaré que les hommes avaient tous été emmenés à la SARS, déclaration que celle-ci a démentie. À ce jour, on ignore où se trouvent les six hommes.


Christian Onuigbo
, vingt-huit ans et père d’un enfant, est mort le 21 mars 2009. Deux jours plus tôt, le 19 mars, il avait été touché par des tirs de la police alors qu’il garait sa voiture à Jiwa, dans le Territoire de la capitale fédérale (FCT). Il a passé la nuit au poste de police de Jiwa avant d’être transporté à l’hôpital, le lendemain matin. Le personnel de l’hôpital a refusé de le soigner tant qu’il n’avait pas un rapport de la police, qui a finalement été remis à 16 heures. Christian Onuigbo est mort le lendemain. Bien que son corps se trouve toujours à la morgue de l’hôpital, aucune autopsie n’a été réalisée. En juillet 2009, le Comité des requêtes publiques de la Chambre des représentants a ordonné la tenue d’une audition aux fins d’enquête sur les circonstances de la mort de Christian Onuigbo. Aucune date n’a encore été fixée pour cette audition.

Christian Ugwuoke a été tué le 27 janvier 2009, alors qu’il assistait à une veillée et à une procession funèbres après la mort de sa tante. D’après des témoins, un policier qui patrouillait dans un véhicule du commandement de Suleja a tiré sans sommation sur le groupe, pacifique, qui comptait une cinquantaine de personnes, blessant grièvement deux d’entre elles et tuant Christian Ugwuoke. Les témoins n’ont pas su dire pourquoi il avait tiré sur la foule. Christian Ugwuoke a été transporté au commandement de Suleja. La police n’a pas expliqué ce qui s’était passé et n’a pas dévoilé à la famille de Christian Ugwuoke le nom de l’agent qui l’avait tué.

Boma Augustine Fingesi a été arrêté par la police le 15 octobre 2008. Il a été emmené au Bureau d’enquête et de renseignement de l’État (SIIB) à Port-Harcourt et présenté aux journalistes comme l’auteur présumé d’un enlèvement. La dernière fois que sa famille l’a vu était le jour de son arrestation. Lorsqu’elle a voulu savoir où il se trouvait, la police a déclaré qu’il n’était plus détenu et qu’il avait été remis en liberté sous caution. Aucun document confirmant sa libération n’a été produit et la police était incapable de dire qui avait payé sa caution.

Un proche a déclaré : « À ce moment-là, la police a changé de version et a dit qu’il n’avait jamais été amené au poste. Ils ont oublié que tous les journaux en parlaient. » Le 13 janvier 2009, le tribunal a accordé à Boma Augustine Fingesi une mise en liberté sous caution. La police ne l’a cependant pas libéré et n’a donné aucune explication. On est toujours sans nouvelles de Boma Augustine Fingesi à ce jour.

Le 1er octobre 2008, des agents de la brigade d’intervention rapide de l’État de Lagos ont tiré une balle dans la tête de Modebayo Awosika avant de mettre le feu à sa voiture. L’autopsie a révélé qu’il est mort des suites de sa blessure par balle. La police a dit au coroner que la voiture de Modebayo Awosika avait heurté le véhicule de la patrouille de police. L’un des policiers a tiré sur la voiture « parce que le conducteur […] était soupçonné d’être un voleur ». D’après la police, le véhicule est tombé dans un fossé et a pris feu. Les cinq policiers en service cette nuit-là auraient été transférés vers des lieux tenus secrets. Le coroner a ordonné à la police d’ouvrir une enquête. À la connaissance d’Amnesty International, en octobre 2009 aucune enquête n’avait encore été menée.

Emmanuel Egbo a été exécuté de manière extrajudiciaire par un policier à Enugu, en septembre 2008. Il n’avait que quinze ans. D’après des témoins, il jouait avec d’autres enfants devant la maison de son oncle lorsqu’un policier s’est approché pour bavarder avec eux. Deux autres policiers l’ont rejoint ; l’un d’eux a sorti une arme à feu et a abattu Emmanuel Egbo, affirmant qu’il avait commis un vol à main armée. Les témoins ont déclaré qu’Emmanuel Egbo n’était pas armé. Après plusieurs visites à la police, la famille a appris que l’officier de police judiciaire avait été muté à un autre poste. « L’agent nous a dit que le garçon avait commis un vol à main armée et que l’affaire était close. Pour nous, cette fin est un cauchemar », ont dit ses proches à Amnesty International. En août 2009, la famille a découvert que le corps d’Emmanuel Egbo avait disparu de la morgue. En novembre, il était toujours introuvable.

Azuamaka Victor Maduamago (vingt-quatre ans) a été arrêté à Onitsha le 20 août 2008 puis remis à la SARS à Awkuzu, État d’Anambra. Il n’a pas pu consulter un avocat, ni recevoir de soins médicaux ni voir sa famille. En octobre 2008, celle-ci a appris qu’il avait été transféré au département de la police judiciaire de la Force de police nigériane, à Abuja. Celui-ci a toutefois nié le détenir. On ignore où il se trouve actuellement. L’inspecteur général de la police a ordonné une enquête sur cette affaire en septembre 2009.

Chukwuemeka Matthew Onovo, un étudiant de vingt-deux ans, a quitté le domicile de son père à Enugu le matin du 4 juillet 2008. Ne le voyant pas rentrer dans l’après-midi, son père a signalé sa disparition à la police. Le lendemain, après avoir appris par des voisins qu’il y avait eu un échange de coups de feu avec la police près de sa maison, il est parti à la recherche de son fils. « J’y suis allé et j’ai trouvé ses lunettes sur le sol », a-t-il déclaré à Amnesty International. Chukwuemeka Matthew Onovo avait été abattu par la police. Celle-ci a prétendu qu’il avait commis un vol à main armée alors que, selon un témoin, il n’était pas armé lorsqu’il a été tué. L’autopsie, ordonnée par le tribunal, a confirmé qu’il était mort d’une blessure par balle, mais la police n’a pris aucune mesure pour enquêter plus avant sur sa mort. Personne n’a été déclaré responsable. « Aujourd’hui encore j’ignore qui a tiré sur mon fils, a déclaré son père. Ça m’a tellement secoué. C’était mon premier fils et le seul que j’avais. »

Godgift Ferguson Ekerete (vingt-quatre ans), Tony Oruama (vingt et un ans), Harry Ataria (vingt-six ans) et un quatrième homme, âgé de vingt ans, ont été conduits au poste de police Mile 1 de Port-Harcourt le 3 juillet 2008. À la fin de la journée, ils étaient tous morts. D’après la police, il s’agissait de membres de sectes qui avaient commis des vols à main armée, ce que ne croient pas leurs familles. Le père de l’un d’eux a dit à Amnesty International avoir entendu des coups de feu au poste de police. La mère d’un autre a déclaré : « Un garçon a couru vers moi et a crié : "Ils ont tué ton fils, ils l’ont tué !" C’était derrière le poste de police, j’ai vu quatre corps. » Les autorités de police n’ont jamais ouvert d’enquête et les familles n’ont reçu aucun rapport officiel sur les circonstances dans lesquelles ces hommes sont morts. Cela fait plus d’un an que leurs corps sont à la morgue.

Daniel Adewuyi Tella, un homme de vingt-sept ans diplômé dans le secteur des banques et de la finance, a été arrêté le 7 février 2006 alors qu’il rentrait chez lui à Festac, Lagos. Ses proches ont dit que la police lui a pris l’argent qu’il réservait pour son département de jeunes, et qu’elle l’a peut-être torturé pour essayer d’en obtenir encore davantage. Il est mort en garde à vue. La police a par la suite affirmé que Daniel Adewuyi Tella s’était blessé sur tout le corps lorsqu’il a sauté d’une voiture de police en marche. Les ONG locales et la famille ne croient pas en cette version. Lorsqu’une personne de sa famille est allée reconnaître son corps au poste de police, toutes ses affaires avaient disparu : « Il n’avait sur lui ni chaussures, ni portefeuille, ni téléphone, ni argent. Il portait ce jour-là une chaîne en or, que je n’ai pas trouvée non plus lorsque j’ai dû identifier son corps au poste de police. Tous ses objets de valeur avaient été volés. » La famille a écrit plusieurs fois au directeur de la police, au procureur général et ministre de la Justice et au gouverneur de l’État de Lagos, ainsi qu’à d’autres hauts responsables. À la connaissance de la famille, aucune enquête n’a été menée sur la mort de Daniel Adewuyi Tella.

Le 1er août 2005, à deux heures de l’après-midi, Chinedu Ani et un de ses amis ont demandé à un homme politique une aide financière pour soutenir la carrière de footballeur de l’ami. D’après un témoin, l’homme politique s’est mis en colère et leur a dit qu’il allait « [s]’occuper d’eux sérieusement ». Il a ensuite déposé une plainte à la police, affirmant que les deux hommes avaient commis des « vols à main armée ». Une heure plus tard, environ, les deux hommes ont été blessés à l’arme à feu par des policiers, puis emmenés au poste dans le coffre de leur propre voiture. Ils y sont restés plusieurs heures, ont été emmenés au département de la police judiciaire de l’État puis de nouveau au poste d’Ogui, alors qu’il n’y avait aucune arme, ni sur eux ni dans leur voiture. Après 17 heures, un responsable de la police a décidé qu’il fallait les conduire à l’hôpital. Lorsqu’ils y sont arrivés, à 18 h 15, Chinedu Ani était mort et son ami grièvement blessé. La famille de Chinedu Ani affirme que la police a empêché les deux hommes d’obtenir des soins médicaux. « Mon frère perdait beaucoup de sang. J’ai exigé de voir un responsable afin qu’ils soient transportés à l’hôpital. On m’a dit qu’on ne soigne pas les criminels à l’hôpital. »

Le 9 septembre 2005, le gouverneur de l’État d’Enugu a mis en place une commission chargée d’enquêter sur la mort de Chinedu Ani. La commission a terminé son enquête en novembre 2005 et a envoyé son rapport au gouverneur. À ce jour, ni le rapport ni le livre blanc du gouvernement n’ont été rendus publics, malgré plusieurs demandes faites en ce sens par la famille de Chinedu Ani. Aucune mesure n’a été prise pour traduire en justice les responsables de sa mort. Le frère de Chinedu Ani a dit de l’un des policiers impliqués dans l’affaire : « Quatre ans après, il fait toujours partie des forces de police ; qui sait combien de personnes il a tuées à l’heure qu’il est ? »


Emeka Ugwoke
et Izuchukwu Ayogu, âgés respectivement de dix-sept et seize ans, ont été exécutés de manière extrajudiciaire par la police à Nsukka, en mars 2002. Leurs corps avaient été mutilés. À l’issue d’une enquête menée sur leur mort, l’inspecteur divisionnaire et plusieurs policiers ont été déclarés coupables. L’inspecteur divisionnaire a été démis de ses fonctions et transféré à Abuja, d’où il s’est enfui. En octobre 2006, la haute cour fédérale a ordonné à la Force de police nigériane d’intenter un procès contre l’inspecteur et de verser 5 millions de naïras aux deux familles à titre de dommages et intérêts. Cependant, celles-ci n’ont rien perçu à ce jour. Il ressort d’une recherche effectuée par Amnesty International que la Force de police nigériane fait régulièrement la sourde oreille à ce type d’injonctions.

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