Index AI : EUR 62/011/2006
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
« Le sang et la pluie se mêlaient dans les rues. Nous étions couverts de sang et d’eau. »
Un témoin oculaire des évènements qui se sont produits à Andijan les 13 et 14 mai 2005.
Le massacre commis l’année dernière a Andijan continue de servir de prétexte aux autorités d’Ouzbékistan pour réprimer la liberté d’expression au nom de la sécurité nationale et de la « lutte contre le terrorisme », selon Amnesty International.
À la veille du premier anniversaire du massacre de centaines de personnes, dont beaucoup étaient des civils non armés, les membres d’Amnesty International à travers le monde appellent la communauté internationale à ne pas fermer les yeux devant les homicides et actes de torture qui se poursuivent en Ouzbékistan.
« Les autorités d’Ouzbékistan ont ignoré de façon flagrante les appels de la communauté internationale à ouvrir une enquête internationale impartiale, indépendante et approfondie. Elles ont refusé de prendre des mesures effectives pour enquêter sur la violence employée par les forces de sécurité et traduire en justice les auteurs présumés d’actes de violence , a déclaré Maisy Weicherding, en charge des recherches sur l’Ouzbékistan à Amnesty International.
« Une année plus tard, le besoin d’enquête sur les circonstances des évènements tragiques qui se sont produits à Andijan reste aussi pertinent et urgent que jamais si l’on veut établir la vérité sur ces évènements controversés et s’assurer que des réparations seront versées, notamment sous forme d’indemnisation, à toutes les victimes d’atteintes aux droits humains perpétrées lors de ces journées. »
Le 13 mai 2005, les forces de sécurité d’Ouzbékistan ont ouvert le feu sans discrimination sur des manifestants qui s’étaient rassemblés dans la ville d’Andijan, dans l’est de l’Ouzbékistan, pour protester contre la politique de répression du gouvernement et la pauvreté rampante. Des centaines de personnes soupçonnées d’avoir participé ont été arrêtées, beaucoup d’entre elles auraient été maltraitées ou torturées. Des centaines d’autres ont fui vers le Kirghizistan voisin en quête d’asile. Des dizaines de personnes ont été jugées et condamnées à l’issue de procès ne répondant pas aux normes internationales d’équité des procès.
Amnesty International, Human Rights Watch et d’autres organisations non gouvernementales ont continué de dénoncer la répression en cours de la société civile et de toute personne osant remettre en question la version officielle des évènements d’Andijan, y compris les médias étrangers. Dans un document remis à jour après le massacre d’Andijan (Andijan :Impunity must not prevail), Amnesty International condamne le manque de détermination des autorités ouzbèkes à veiller à ce que toutes les allégations d’atteintes graves aux droits humains fassent l’objet d’une enquête indépendante et approfondie dans les meilleurs délais.
« En emprisonnant des militants des droits humains et en bâillonnant les médias indépendants, les autorités ouzbèkes tentent d’enfouir la vérité sur ce qui s’est vraiment produit à Andijan il y a un an. Elles essaient de dissimuler le fait que les pratiques répressives de détention arbitraire, torture et mauvais traitements, les procès inéquitables, le manque de liberté d’expression et d’association, qui ont conduit aux manifestations d’Andijan, perdurent », a déclaré Maisy Weicherding.
Amnesty International considère les personnes arrêtées pour avoir dit la vérité sur les évènements d’Andijan comme des prisonniers d’opinion et appelle à leur remise en liberté immédiate et sans condition. L’organisation appelle les autorités ouzbèkes a autoriser immédiatement l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur les évènements d’Andijan et leur demande de veiller à ce que toutes les personnes inculpées bénéficient d’un procès public équitable, excluant la prise en compte de toute déclaration obtenue au moyen de la torture ou autres mauvais traitements.
Cas individuels :
Alexeï Volosevitch, journaliste indépendant, se trouvait à Andijan le 13 mai et a couvert les évènements pour le principal site web indépendant en langue russe www.ferghana.ru. Il a été agressé près de son domicile à Tachkent après avoir été accusé de trahison contre l’État par le principal journal national gouvernemental Pravda Vostoka.
Saïdjakhon Zaïnabitdinov, militant connu des droits humains, a été condamné à sept années d’emprisonnement à Tachkent le 5 janvier 2006, lors d’un procès qui s’est, dans les faits, tenu au secret. On ne sait pas où il se trouve actuellement. L’une des causes réelles de son arrestation semble avoir été sa couverture des évènements du 13 mai, reprise par les médias internationaux, qui proposait une version sensiblement différente de la version officielle.
Le 12 janvier 2006, Dilmourod Mouhiddinov, militant des droits humains d’Andijan, a été condamné à cinq années d’emprisonnement. Il était inculpé de « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel ». Il avait été incarcéré l’année précédente pour avoir été trouvé en possession d’une déclaration concernant les évènements d’Andijan, publiée par Birlik, parti laïc d’opposition .
Le 6 mars 2006, Moutabar Tadjibaïeva, présidente de l’organisation de défense des droits humains Fiery Hearts Club, citée pour le Prix Nobel de la Paix 2005, a été condamnée à huit années d’emprisonnement pour des motifs économiques et politiques. Avant son arrestation l’année dernière, Moutabar Tadjibaïeva menait un travail de surveillance sur le terrain de la situation des droits humains dans la vallée du Ferghana.
Complément d’information :
En réaction au refus continu de l’Ouzbékistan d’autoriser la tenue d’une enquête internationale indépendante sur le massacre d’Andijan en mai 2005, l’Union européenne a annoncé en novembre 2005 un embargo sur ses ventes d’armes et transferts d’assistance militaire à l’Ouzbékistan ainsi qu’une interdiction de visa d’un an pour douze hauts responsables et ministres du gouvernement. En décembre 2005, l’Assemblée générale des Nations unies a exprimé son profond regret face au refus de l’Ouzbékistan d’autoriser l’ouverture d’une enquête internationale et a exhorté les autorités à cesser le « harcèlement et le placement en détention de témoins oculaires. ».
Pour plus d’informations, lire les rapports en anglais :
Andizhan : Impunity must not prevail (index AI : EUR 62/010/2006), disponible sur le site de l’organisation à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/engeur620102006
Uzbekistan : Lifting the siege on the truth about Andizhan (index AI : EUR 62/021/2005), disponible sur le site de l’organisation à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/engeur620212005
Kyrgyzstan : Refugees in need of a safe haven (index AI : EUR 58/008/2005) disponible sur le site de l’organisation à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/engeur580082005
Kyrgyzstan : Uzbekistan in pursuit of refugees in Kyrgyzstan : A follow-up report (index AI : EUR 58/016/2005), disponible sur le site de l’organisation à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/engeur580162005