OUZBÉKISTAN - La vérité assiégée

Index AI : EUR 62/022/2005

Seule une enquête internationale indépendante pourra faire la lumière sur les événements qui se sont déroulés en mai dans la ville d’Andijan, en Ouzbékistan oriental, et se seraient soldés par la mort de centaines de civils, a déclaré Amnesty International dans un rapport publié ce mardi 20 septembre 2005.

“« La vérité est assiégée. Le gouvernement ne souhaite pas que toute la lumière soit faite sur ce qui s’est réellement passé à Andijan », explique Maisy Weicherding, chercheuse sur l’Ouzbékistan pour Amnesty International.

Human Rights Watch publie également un rapport ce même jour sur la répression orchestrée par le gouvernement ouzbek en vue de dissimuler la vérité sur les homicides. Les deux organisations internationales réitèrent leurs appels en faveur d’une enquête internationale indépendante sur les événements d’Andijan, alors que doit s’ouvrir le premier procès des personnes inculpées par les autorités ouzbèkes dans le cadre de ces événements.

Dans son dernier rapport, Uzbekistan : Lifting the siege on the truth about Andizhan, Amnesty International dénonce les atteintes aux droits humains dont Andijan a été le théâtre les 12 et 13 mai 2005. Selon les récits de témoins directs, les forces de sécurité ont ouvert le feu à l’aveuglette sur une foule de milliers de manifestants rassemblés au centre de la ville et sur ceux qui prenaient la fuite. La version des faits livrée par le gouvernement est très différente. Il soutient que les forces de sécurité n’ont tué aucun civil, tous les civils qui ont perdu la vie ayant été victimes de « terroristes » armés.

D’après le gouvernement, 187 personnes ont trouvé la mort, dont de nombreux « terroristes ». Cependant, il n’a toujours pas publié les noms des victimes. Certains ne savent toujours pas ce qu’il est advenu de leurs proches portés disparus. Selon des informations non confirmées, les dépouilles des victimes ont été transportées hors de la ville et enterrées secrètement dans des lieux inconnus.

Un homme qui recherche toujours son fils deux mois après les événements a déclaré à Amnesty International : « Il n’est pas dans le camp de réfugiés et pas non plus au centre de détention. Où me renseigner ? Nous espérons qu’il est toujours en vie. »

« Le président Islam Karimov prétend que son gouvernement ne tire pas sur les femmes et les enfants, poursuit Maisy Weicherding. Pourquoi n’autorise-t-il pas l’ouverture d’une enquête internationale indépendante ? Pourquoi les autorités ne publient-elles pas les noms de toutes les victimes ? Pourquoi le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’a-t-il pas été autorisé à se rendre dans les hôpitaux et les centres de détention ? L’enquête parlementaire en cours ne saurait se substituer à une enquête internationale ; elle n’a aucun poids. »

Le rapport d’Amnesty International divulgue les efforts déployés par le gouvernement ouzbek pour empêcher que des informations démentant la version officielle ne parviennent au monde extérieur. Des milliers de citoyens ont été maintenus en détention arbitraire. Des témoins ont fait l’objet de mesures d’intimidation en vue de les réduire au silence. Des dossiers et documents pertinents auraient été détruits. Les organisations internationales, les journalistes et les défenseurs des droits humains n’ont pas été autorisés à se rendre dans la ville. Les autorités ont bloqué sur le territoire ouzbek l’accès aux sites Internet qui publient des récits contredisant la version officielle, ainsi que l’accès aux sites affiliés à l’opposition ouzbèke en exil ou soupçonnés de contenir des informations critiques envers le gouvernement. Au niveau local, les journalistes indépendants, les défenseurs des droits humains et les membres de l’opposition politique ont été harcelés et placés en détention. Certains ont été inculpés, parfois d’infractions pénales graves, pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, et Amnesty International les considère comme des prisonniers d’opinion.

Amnesty International s’inquiète tout particulièrement de la sécurité de Saïdjakhon Zaïnabitdinov, président d’Apelliatsia (Appel), groupe indépendant de défense des droits fondamentaux dont le siège se trouve à Andijan. Présent à Andijan le 13 mai, il a relaté les événements à des médias internationaux ; son récit différait grandement de la version des faits officielle. Selon certaines informations, il a été placé en détention arbitraire par des membres des forces de l’ordre le 21 mai et maintenu en garde à vue à Andijan. Transféré à Tachkent dans le courant du mois de juillet, il y est maintenu en détention au secret et risque fort d’être victime d’actes de torture ou de mauvais traitements. Il aurait été inculpé de « diffusion d’informations visant à engendrer la panique » et de « terrorisme », une infraction punie de la peine de mort.

« Les autorités ouzbèkes se servent des événements de mai pour porter un nouveau coup à la société civile naissante dans le pays, estime encore Maisy Weicherding. Une fois encore, elles harcèlent les défenseurs des droits humains et musèlent la liberté d’expression au nom de la sécurité nationale. »

Selon Amnesty International, les personnes inculpées d’infractions pénales risquent d’être jugées dans le cadre de procès bafouant les normes internationales d’équité.

« Il est fort probable que les personnes placées en détention soient torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements. Certaines ont été inculpées d’infractions passibles de la peine capitale. Elles risquent fort d’être condamnées à mort - voire exécutées - au terme d’un procès inique. »

Amnesty International formule une série de recommandations à l’attention des autorités ouzbèkes, afin qu’elles remédient aux irrégularités endémiques qui entachent l’administration de la justice et protègent le droit de ne pas être soumis à la torture ni à aucun mauvais traitement, le droit en vertu duquel nul ne peut être arbitrairement détenu et le droit à la liberté d’expression.

En outre, l’organisation soumet une série de recommandations précises aux États membres des Nations unies, à la Commission des droits de l’homme ou à l’organe qui lui succèdera, à l’Union européenne et à ses États membres, ainsi qu’aux institutions et aux États participants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Elle les invite notamment à continuer de demander la mise sur pied d’une enquête indépendante, internationale, approfondie et impartiale sur les événements qui se sont déroulés à Andijan les 12 et 13 mai, et à faire part au gouvernement ouzbek de leur préoccupation au sujet de la situation des droits humains dans le pays.

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