Les autorités pakistanaises doivent libérer immédiatement et sans condition les manifestants membres du Pashtun Tahaffuz Movement (PTM, Mouvement pour la protection des Pachtounes), une organisation pacifique, qui sont détenus de manière arbitraire, a déclaré Amnesty International le 6 février 2019.
Au moins 19 personnes ont été arrêtées dans différentes villes du Pakistan le 5 février 2019, alors que le PTM organisait une journée globale de manifestations pacifiques, réclamant la fin des discriminations à l’égard des Pachtounes au Pakistan et la fin des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et d’autres violations des droits humains.
Amnesty International demande aussi aux autorités pakistanaises d’enquêter sur la mort du militant Arman Luni, qui semble avoir été victime d’une exécution extrajudiciaire, et de révéler le sort réservé à la défenseure des droits humains bien connue Gulalai Ismail, qui semble avoir été victime d’une disparition forcée.
« Ces manifestants doivent être libérés immédiatement et sans condition. Ce sont des prisonniers d’opinion qui n’ont fait qu’exercer leur droit pacifique et légitime de dénoncer des violations des droits humains et de réclamer qu’elles cessent, a déclaré Rabia Mehmood, chercheuse sur l’Asie du Sud à Amnesty International.
« Il est choquant que les autorités pakistanaises recourent à des méthodes aussi radicales, lors même que de hauts responsables du gouvernement ont clairement reconnu que le PTM formule des revendications légitimes qui doivent être prises en compte. Qui plus est, la répression fait suite à la mort terrible d’Arman Luni, l’un des militants du PTM. »
Mort d’Arman Luni
Le 5 février, des manifestations ont eu lieu tandis que des militants du PTM pleuraient la perte d’Arman Luni, enseignant et membre du comité principal du PTM de la province du Baloutchistan, qui serait mort alors qu’il était détenu par la police le 2 février à Loralai.
Arman Luni et sa sœur, Wrranga, elle aussi membre actif du PTM, étaient la cible de menaces depuis l’an dernier, ce qui a contraint la famille à déménager de Quetta à Qila Saifullah, dans le nord de la province du Baloutchistan. Les autorités doivent déposer une plainte auprès de la police sur les circonstances de la mort d’Arman Luni et n’ont pas encore informé sa famille des conclusions de son autopsie. En outre, elles ont tenté d’empêcher les militants du PTM d’assister à ses funérailles.
« Il faut mener une enquête immédiate et efficace sur la mort d’Arman Luni. Selon des témoignages crédibles, il aurait été battu à mort pendant sa garde à vue. »
« Il faut mener une enquête immédiate et efficace sur la mort d’Arman Luni. Selon des témoignages crédibles, il aurait été battu à mort pendant sa garde à vue. Les exécutions extrajudiciaires ternissent le bilan du Pakistan en termes de droits humains et c’est l’une des raisons pour lesquelles les militants du PTM sont descendus dans les rues. Les autorités pakistanaises doivent amener les responsables présumés à rendre des comptes et mettre fin à la culture de l’impunité qui entoure ces sombres pratiques », a déclaré Rabia Mehmood.
Détention de Gulalai Ismail
Gulalai Ismail, fondatrice du réseau Seeds of Peace et lauréate du prix Anna Politkovskaïa 2017, a « disparu » après avoir été arrêtée le 5 février. Sa famille, ses amis et son avocat n’ont pas réussi à savoir où elle se trouvait.
Gulalai Ismail est une sympathisante du PTM et une militante des droits des femmes dont le nom a été inscrit en octobre 2018 sur la liste des personnes dont la sortie du territoire est soumise à contrôle par le Pakistan. Les autorités affirment qu’elle est impliquée dans des « activités hostiles à l’État ». Elle a aussi été inculpée de « participation à des émeutes » et d’« incitation » à participer à un rassemblement pacifique du PTM à Swabi, ville du nord-ouest du pays.
« Nous sommes vivement préoccupés par le sort de Gulalai Ismail. Il faut déterminer où elle se trouve sans plus attendre. Les accusations portées à son encontre sont choquantes. Elle n’a fait qu’exercer ses droits à la liberté de se réunir et de s’exprimer de manière pacifique. Il ne doit rien lui arriver », a déclaré Rabia Mehmood.
La répression contre le PTM se durcit
Malgré les déclarations publiques de hauts responsables du gouvernement qui ont reconnu que les revendications du PTM sont légitimes et doivent être prises en compte, la répression contre le mouvement s’intensifie.
Au cours de l’année écoulée, des dizaines de ses membres et partisans ont été arrêtés, détenus de manière arbitraire, victimes d’actes d’intimidation et menacés de violences. À travers le pays, leurs rassemblements ont été interdits ou interrompus, les privant du droit de se réunir pacifiquement.
En juin 2018, 37 militants du PTM ont été arrêtés pour des accusations de sédition. Le mois suivant, Hayat Preghal, en charge des réseaux sociaux pour le PTM, a été détenu de manière arbitraire et incarcéré pendant plus de deux mois pour des commentaires qu’il a faits en ligne, jugés critiques à l’égard de l’institution militaire pakistanaise.
Le 21 janvier 2019, Alamzaib Khan, lui aussi militant du PTM, a été arrêté sous la menace d’une arme à Karachi et inculpé de « participation à des émeutes » et d’« incitation à la haine » pour avoir participé à une manifestation. Il est toujours incarcéré.
Le mois dernier, le porte-parole de l’armée pakistanaise, le général Asif Ghafoor, a déclaré : « Tant que le PTM est pacifique et s’en tient à ses revendications légitimes, qui sont naturelles dans un environnement post-conflit, l’État est tenu de veiller sur eux. »
Le Premier ministre Imran Khan, qui a pris la parole lors d’un rassemblement du PTM à Islamabad en 2018, a promis l’an dernier d’aborder la question des postes de contrôle de sécurité, des mines terrestres et des disparitions forcées avec le chef des armées du Pakistan.
« Les autorités pakistanaises ont pris des engagements encourageants afin de remédier aux graves violations des droits humains mises en lumière par le PTM. Elles doivent honorer ces engagements et autoriser les militants du PTM à exercer leurs droits librement