Palestine : Une militante en faveur de la justice sociale victime de torture

Les autorités palestiniennes doivent de toute urgence enquêter sur les actes de torture et les mauvais traitements infligés à Suha Jbara, une militante qui affirme avoir été frappée, projetée contre un mur et menacée de violences sexuelles par les agents chargés de l’interroger.

Amnesty International l’a rencontrée en prison le 4 décembre et a recueilli son témoignage direct détaillant les mauvais traitements qu’elle a subis aux mains des agents chargés de l’interroger, et ce pendant trois jours. Elle a ajouté que de hauts responsables l’avaient harcelée sans répit pour qu’elle mette fin à sa grève de la faim entamée le 22 novembre pour protester contre sa détention et les actes de torture subis.

« Suha Jbara raconte son calvaire avec force détails. Dans son témoignage, elle explique comment les agents chargés de l’interroger ont bafoué sans vergogne les obligations qui incombent à la Palestine de traiter les prisonniers avec humanité et violé l’interdiction absolue inscrite dans le droit international de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, a déclaré Saleh Higazi, directeur adjoint pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Les autorités palestiniennes doivent mener sans attendre une enquête indépendante et impartiale sur ces allégations. Toute personne identifiée comme étant responsable de ces actes doit être suspendue sur-le-champ, poursuivie et traduite en justice.  »
 
Suha Jbara a expliqué à Amnesty International que lors de son arrestation, elle a eu une crise de convulsions, a perdu connaissance et a été conduite à l’hôpital.

Plus tard, des membres armés des forces de sécurité l’ont tirée hors de son lit d’hôpital, pieds nus, et l’ont transférée au Centre de détention et d’interrogatoire de Jéricho.

«  J’étais dans mon lit, des perfusions aux bras, et je me souviens clairement que des hommes armés sont entrés dans la chambre… Ils ont enlevé les tubes et m’ont tirée dehors. Je me sentais très faible et pouvais à peine bouger ou parler… Ils m’ont fait monter dans un minibus et j’ai dormi par terre. Je me suis réveillée dans un autre endroit et ils m’ont dit « Bienvenue à l’abattoir de Jéricho », raconte-t-elle.
 

Au centre de détention, un agent chargé de l’interroger lui a jeté de l’eau au visage lorsqu’elle a demandé à boire, l’a giflée, lui a donné des coups de poing à la poitrine et dans le dos, et l’a menacée d’autres violences. Elle a eu les yeux bandés et les mains menottées tout au long de son interrogatoire, et n’a pas été autorisée à boire ni à utiliser les toilettes.

 
« Il n’a pas cessé de m’insulter, employant un vocabulaire sexuel très grossier et violent, il a menacé de faire venir un médecin pour vérifier ma virginité, m’a traitée de putain et a menacé de s’en prendre à ma famille et de m’enlever mes enfants », explique-t-elle.

Suha Jbara n’a pas été autorisée à s’entretenir avec un avocat durant son interrogatoire et sa déposition a été enregistrée par des procureurs du bureau du procureur général en présence de membres armés des forces de sécurité au centre d’interrogatoire. En outre, elle n’a pas pu lire sa déposition avant de la signer. Le 7 novembre, Suha Jbara a comparu devant le tribunal de première instance de Jéricho, qui a validé la demande du ministère public de prolonger sa détention de 15 jours. Elle a été transférée au Centre pénitentiaire de rééducation de Jéricho le même jour.

Selon son témoignage, Suha Jbara a cessé de s’alimenter le 22 novembre pour dénoncer les actes de torture qui lui ont été infligés lorsqu’elle a été interrogée et la manière inique dont elle est traitée par le ministère public et le système judiciaire. Peu après avoir entamé sa grève de la faim, elle a été emmenée à l’hôpital pour un court séjour avant d’être ramenée au Centre pénitentiaire de rééducation de Jéricho, où elle a été placée à l’isolement pour la punir d’avoir cessé de s’alimenter.

« Je commence à être épuisée. J’ai des douleurs dans le bas du dos, à droite et à gauche, qui descendent parfois jusqu’en bas des jambes. Le plus difficile dans cette grève de la faim, ce sont les pressions que tout le monde exerce sur moi pour que j’arrête », a-t-elle déclaré, ajoutant que plusieurs responsables, dont le gouverneur de Jéricho et un haut fonctionnaire de police, ainsi que les médecins et les infirmières, ont tenté de la persuader de mettre un terme à sa grève de la faim. On lui a dit qu’elle était privée de visites et d’appels téléphoniques de sa famille à titre de sanction. 

« Je commence à être épuisée. J’ai des douleurs dans le bas du dos, à droite et à gauche, qui descendent parfois jusqu’en bas des jambes. Le plus difficile dans cette grève de la faim, ce sont les pressions que tout le monde exerce sur moi pour que j’arrête »

«  Au lieu de la punir parce qu’elle observe une grève de la faim, ce qui est une forme légitime de contestation, les autorités palestiniennes devraient prendre des mesures pour que Suha Jbara bénéficie d’un procès équitable et soit protégée contre la torture », a déclaré Saleh Higazi.
 
En outre, elle doit pouvoir consulter sans attendre ses avocats et être protégée contre les actes de torture et les mauvais traitements. Toute procédure judiciaire intentée à son encontre doit respecter les normes internationales d’équité.
 
Citoyenne palestinienne, américaine et panaméenne, Suha Jbara milite en faveur de la justice sociale et s’implique au sein d’organisations caritatives musulmanes. Elle mène également des activités destinées à soutenir les familles de Palestiniens emprisonnés en Israël. Le 3 novembre, elle a été arrêtée lors d’une violente descente effectuée à son domicile. Elle a ensuite été interrogée et les questions portaient notamment sur la collecte et la distribution d’argent par des moyens illégaux, une accusation qu’elle nie.

Les forces palestiniennes en Cisjordanie et à Gaza sont connues pour arrêter de manière arbitraire des militants, des manifestants et des détracteurs pacifiques, la plupart étant ensuite poursuivis en justice dans le cadre de procédures qui ne respectent pas les normes d’équité.

Amnesty International demande aux donateurs internationaux qui financent le secteur de la sécurité en Palestine de revoir l’assistance qu’ils fournissent aux forces palestiniennes afin de s’assurer qu’elle ne favorise pas des violations des droits humains et soit conforme aux normes internationales.

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