Les cinq personnes dont le cas est mis en avant par Amnesty International sont : la journaliste citoyenne Zhang Zhan, l’universitaire ouïghour Ilham Tohti, la défenseure des droits du travail Li Qiaochu, l’avocat spécialiste des droits humains Gao Zhisheng et le blogueur tibétain Rinchen Tsultrim. Une campagne en leur faveur a été lancée par l’organisation, avec notamment une pétition disponible en ligne ici.
« Nous demandons la libération de ces cinq courageux·euses défenseur·es des droits humains, de même que celle de toutes les autres personnes emprisonnées en Chine pour le simple fait d’avoir exprimé une opinion dissidente. Leur sort témoigne de la volonté farouche des autorités de punir l’opposition le plus durement possible, explique Philippe Givron, coordinateur Chine de la section belge francophone d’Amnesty International. Plus globalement, ces Jeux qui débuteront dans un peu plus d’une semaine sont l’occasion pour nous de mettre la pression sur la Chine pour une amélioration des droits humains, dont la situation dans le pays est épouvantable. »
« Leur sort témoigne de la volonté farouche des autorités de punir l’opposition le plus durement possible »
En effet, dès le 4 février, la capitale chinoise va accueillir pour les Jeux des athlètes, des officiel·les et des diplomates du monde entier. Toutefois, cet événement se déroulera sur fond de multiples violations des droits humains commises quotidiennement dans le pays.
« Les Jeux olympiques de Pékin promettent d’offrir un spectacle sportif mémorable, mais le monde qui les regardera ne peut pas ignorer délibérément ce qu’il se passe ailleurs en Chine : les avocat·es et les militant·es emprisonné·es pour leur travail pacifique ; les victimes d’agressions sexuelles punies pour avoir osé parler ; les milliers d’exécutions qui, selon les estimations, ont lieu chaque année dans le pays ; et l’internement massif, la torture et les persécutions systématiques subis par les groupes ethniques musulmans au Xinjiang », indique Alkan Akad, chercheur sur la Chine pour Amnesty International.
Le CIO doit veiller à ce que les engagements soient tenus
Les autorités chinoises ont offert une série de garanties relatives aux droits humains avant d’accueillir les Jeux olympiques d’hiver, notamment en ce qui concerne le respect de la liberté des médias, les droits des travailleur·euses, les déplacements forcés et la véritable possibilité de tenir des manifestations pacifiques pendant les Jeux.
Amnesty International appelle le Comité international olympique (CIO) à mettre pleinement en œuvre et à rendre publiques ses politiques et ses pratiques en matière de diligence requise dans le domaine des droits humains, avant et pendant les Jeux.
« Le droit à la liberté d’expression est systématiquement bafoué en Chine. Il est donc indispensable que le CIO et les différents comités olympiques nationaux présents aux Jeux respectent comme il se doit la volonté des athlètes et des représentant·es des autorités sportives de s’exprimer sur les droits humains, y compris sur des sujets jugés “sensibles” par les autorités, explique encore Alkan Akad.
« Le CIO doit aussi insister pour que le gouvernement chinois tienne son engagement de garantir la liberté des médias et veiller à ce que les personnes qui voudront manifester pacifiquement pendant les Jeux puissent le faire. »
Amnesty International appelle les représentant·es des gouvernements, y compris celles et ceux qui prévoient d’assister aux Jeux olympiques, à placer les droits humains en tête de leurs priorités dans leurs discussions avec les autorités chinoises.
« Le monde doit tirer les leçons des Jeux olympiques de Pékin de 2008, lors desquels les promesses des autorités chinoises d’améliorer la situation en matière de droits humains ne se sont jamais concrétisées, précise Alkan Akad.
« Il ne faut pas laisser les Jeux olympiques d’hiver de Pékin devenir une simple occasion de “sportswashing” pour les autorités chinoises ; la communauté internationale ne doit pas devenir complice d’un exercice de propagande. »
Les athlètes doivent pouvoir s’exprimer librement
Dans le cadre de son initiative Safe Sport pour une pratique sportive en toute sécurité, le CIO s’est engagé à soutenir les athlètes dans l’exercice de leurs droits et à les protéger du harcèlement et des comportements abusifs « en compétition et en dehors ». Or, la « bulle » anti-COVID-19 très stricte imposée lors des Jeux de Pékin 2022 va fortement limiter la liberté de déplacement des athlètes, en conséquence de quoi il pourrait leur être encore plus difficile d’exercer librement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
En 2021, Peng Shuai, joueuse de tennis chinoise ayant participé trois fois aux Jeux olympiques, a accusé sur les réseaux sociaux un ancien vice-Premier ministre chinois de l’avoir agressée sexuellement. Sa publication a vite été censurée en Chine. Lorsque toute mention la concernant a été supprimée d’Internet et qu’elle a cessé d’apparaître en public, d’autres joueurs et joueuses de tennis, ainsi que l’Association des joueuses de tennis (WTA), se sont inquiétés de son sort. Près de trois semaine après la censure de la publication de Peng Shuai, le CIO a réagi en organisant un appel vidéo avec la joueuse afin de tenter de calmer les inquiétudes de celles et ceux qui se préoccupaient de son bien-être et se demandaient où elle se trouvait.
« Le CIO a accepté les garanties selon lesquelles Peng Shuai allait bien, sans vérifier si elle était soumise à des restrictions dans sa liberté d’expression, sa liberté de mouvement et son droit au respect de la vie privée, courant ainsi le risque d’occulter d’éventuelles violations de ses droits humains », regrette Alkan Akad.
Après avoir été lourdement critiqué, le CIO a reconnu en décembre qu’il ne pouvait pas donner de garanties et qu’il ne connaissait pas l’ensemble des faits. Il a souligné que « des discussions étaient en cours avec le camp chinois sur tous les aspects de cette affaire » et que celles-ci se poursuivraient après les Jeux.
« Face aux sévères restrictions mises en place pour les Jeux de Pékin 2022, le CIO doit en faire davantage pour tenir sa promesse de protéger le droit des athlètes d’exprimer leurs opinions, et par-dessus tout pour ne pas se rendre complice de violations des droits des athlètes », insiste Alkan Akad.