communiqué de presse

Plus de 70 000 ressortissants de la RDC franchissent la frontière vers Kinshasa pour fuir les arrestations massives à Brazzaville

En raison de l’opération policière menée en République du Congo depuis début avril, plus de 70 000 personnes originaires de la République démocratique du Congo (RDC) ont été contraintes de franchir le fleuve Congo pour rentrer en RDC. Durant cette opération baptisée Mbata ya Mikolo (qui signifie « gifle des aînés » en lingala) menée dans différentes villes du pays dans le but de réduire l’immigration clandestine et de maîtriser la criminalité, des dizaines de milliers de personnes ont été expulsées de force – incitant des milliers d’autres à fuir vers la RDC par peur de subir le même sort.

Amnesty International appelle les autorités de la République du Congo à mettre fin aux expulsions massives et à enquêter sur les allégations de violations des droits humains commises dans le cadre de cette opération. Elle demande aux autorités de la RDC de tout faire pour apporter une aide adéquate aux dizaines de milliers de personnes qui sont arrivées à Kinshasa, notamment en termes de soins médicaux, d’abris, d’eau potable et de nourriture. Il est crucial que les autorités de la RDC coordonnent leurs efforts avec les organisations locales et internationales, notamment les organismes de l’ONU présents à Kinshasa, en vue d’aider les personnes rentrées chez elles et d’éviter une nouvelle crise humanitaire dans le pays.
Durant l’opération Mbata ya Mikolo, de nombreuses personnes auraient vu leurs droits bafoués par des membres des forces de sécurité à Brazzaville et Pointe Noire – viols, actes de torture, arrestations arbitraires et détentions illégales notamment. La majorité des personnes arrivées à Kinshasa vivent dans des conditions épouvantables dans divers quartiers de la capitale, dans des familles d’accueil ou des camps de fortune, sans accès satisfaisant à un abri, à de la nourriture ni à des centres de soins. Selon les organisations humanitaires à Kinshasa, plus de 1 000 personnes se sont installées au stade Cardinal Malula.

Nombre des personnes expulsées ont affirmé aux médias, aux organisations locales de la société civile et à Amnesty International que les autorités n’avaient pas vérifié si elles se trouvaient légalement ou illégalement en République du Congo avant de les expulser. Or, de nombreux étrangers ont les papiers requis pour résider en République du Congo.

Vendredi 2 mai, Jacqueline* et quatre enfants de sa famille, originaires de la RDC et installés semble-t-il en toute légalité à Brazzaville depuis 2009, se trouvaient chez eux dans le quartier de Moungali, lorsque le chef de quartier accompagné de policiers se sont présentés. Le 10 mai, Jacqueline s’est entretenue par téléphone avec Amnesty International depuis Kinshasa : « Ils nous ont dit que toutes les personnes originaires de RDC devaient partir. Ils ont menacé le propriétaire, affirmant que si elles ne quittaient pas sa maison immédiatement, il aurait à payer une amende de 150 000 francs (environ 120 euros). Nous vivons légalement à Brazzaville, mais ils ont refusé de regarder nos papiers d’identité ! Nous avons pris quelques vêtements et avons été emmenés de force sur un bateau pour Kinshasa. Je suis aujourd’hui ici avec quatre de mes enfants et nous vivons dans la rue. Nous sommes abandonnés. Nous sommes en danger ici.  »

L’opération policière a engendré une vague de peur parmi les réfugiés et les demandeurs d’asile en République du Congo. Une source au sein du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Kinshasa a assuré à Amnesty International avoir eu connaissance de trois cas de réfugiés et de demandeurs d’asile congolais renvoyés durant cette opération, en violation du droit international relatif aux réfugiés, garanti par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Amnesty International a été informée d’au moins quatre cas de réfugiés ou demandeurs d’asile se trouvant en République du Congo, qui ont été détenus à Brazzaville avant d’être libérés.

Les expulsions collectives bafouent le droit international. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ratifiée par la République du Congo, interdit les expulsions collectives d’étrangers. Cette interdiction découle des garanties de procédure contre les expulsions arbitraires, notamment de l’article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la République du Congo comme par la RDC. Chaque étranger ayant le droit à une décision individuelle sur son expulsion, les expulsions massives ou collectives, ainsi que d’autres formes d’expulsion sommaire, sont illégales. En outre, les expulsions massives ne permettent pas d’identifier les personnes habilitées à bénéficier d’une protection internationale, comme les réfugiés.

Depuis lors, 17 agents ont été exclus de la police de la République du Congo, des preuves vidéos ayant montré leur implication dans des violations des droits humains et des comportements abusifs. Cette décision, cependant, ne doit pas laisser la voie libre à l’impunité pour les suspects ne faisant pas l’objet d’enquêtes ni de poursuites. Les autorités congolaises doivent veiller à ce que les allégations de violences fassent l’objet d’investigations poussées, à ce que les auteurs présumés soient poursuivis en justice lorsque les éléments recueillis sont suffisants, et à ce que toute nouvelle opération menée par les forces de sécurité respecte pleinement le droit international relatif aux droits humains.

* Son nom a été modifié.

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