Communiqué de presse

Première conférence des États parties au Traité sur le commerce des armes

Après 20 ans de travail de pression et de campagne mené avec détermination par Amnesty International et les ONG partenaires, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté par un vote décisif le Traité sur le commerce des armes (TCA) le 2 avril 2013. Le Traité est entré en vigueur le 24 décembre 2014, ce qui signifie qu’il est officiellement devenu un instrument du droit international, susceptible de sauver des millions de vies.

Les États vont se réunir du 24 au 27 août à Cancún, au Mexique, lors de la première conférence annuelle des États parties au TCA, durant laquelle ils prendront d’importantes décisions qui vont peser sur la mise en œuvre du Traité.

Qu’est-ce que le Traité sur le commerce des armes et que peut-il changer ?
Le TCA est un traité international qui fixe, pour la première fois, des règles mondiales solides dans le but de mettre fin aux flux d’armes, de munitions et d’articles vers des pays où l’on sait qu’ils seraient utilisés pour commettre ou faciliter un génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre.

De plus, chaque État doit évaluer s’il existe un risque élevé qu’une exportation d’armes envisagée vers un autre pays soit utilisée pour commettre de graves atteintes aux droits humains ou violations de ces droits ou qu’elle contribue à de tels actes et, si tel est le cas, ces armes ne doivent pas être livrées.

À quoi ressemble actuellement le commerce international des armes ?
Les détails de ce commerce sont souvent entourés de secret, mais la valeur des transferts internationaux d’armes classiques avoisine d’après les estimations les 100 milliards de dollars annuels ; en 2010, elle se situait aux alentours de 72 milliards de dollars. Et si l’on y ajoute tous les services liés, tels que l’armée et le génie civil, par exemple, on atteint un chiffre proche de 120 milliards de dollars.

Le commerce autorisé des armes légères et de petit calibre dépasse à lui seul les 8,5 milliards de dollars par an. Plus de 1 000 entreprises réparties dans une centaine de pays produisent des armes légères et de petit calibre.

À l’heure actuelle, une quarantaine de pays ont des capacités de production d’armements à grande échelle et environ 60 autres fabriquent des armes à plus petite échelle – plus de la moitié des 193 États membres des Nations unies fabriquent et fournissent des armes et des équipements militaires.

Ce commerce de matériel meurtrier ou dangereux n’est toujours pas contrôlé strictement et soigneusement et en conséquence, des millions de personnes sont tuées, mutilées et maltraitées. Le TCA vise à mettre un terme à cette situation.

Combien de personnes meurent chaque année à cause des armes ?
On estime que la violence armée, que ce soit sur les champs de bataille ou dans le cadre des opérations de répression de l’État ou des agissements de bandes criminelles, fait environ 500 000 morts chaque année.

Par ailleurs, plusieurs millions d’autres personnes dans le monde meurent parce qu’elles n’ont pas accès à des soins médicaux, à l’eau ou à la nourriture car elles sont piégées dans des conflits alimentés par des flux d’armes peu contrôlés. En République démocratique du Congo, par exemple, on estime que plus de cinq millions de personnes sont mortes indirectement à cause du conflit armé depuis 1998.

Et pour chaque personne tuée du fait des conflits et de la violence armée, nous devons considérer que beaucoup d’autres sont blessées, torturées, maltraitées, soumises à une disparition forcée, prises en otage ou privées autrement de leurs droits humains sous la menace d’une arme à feu.

Ce problème est colossal et il persiste, comme on le voit actuellement en Syrie, en Irak, en Libye, au Yémen et au Soudan du Sud. Dans de nombreux endroits du monde, le commerce irresponsable des armes peut détruire tôt ou tard tous les aspects de la vie et des moyens de subsistance des gens.

Quelles sont les personnes les plus touchées par la circulation non contrôlée des armes ?
Les femmes sont fortement touchées, souvent de manière invisible et sans que l’on en parle beaucoup.

Nos chercheurs ont rassemblé des informations dans des pays du monde entier touchés par un conflit sur des cas de femmes violées sous la menace d’une arme à feu. Il s’agit d’un problème très répandu et dans certains pays ce type de violence est extrêmement fréquent.

On constate aussi des conséquences disproportionnées sur les enfants, les jeunes et les réfugiés. Dans certains pays, des enfants sont recrutés par les forces armées ou des groupes armés et contraints de participer aux combats.

Qui est responsable de cette situation ?
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni – font partie des principaux marchands d’armes à l’échelle mondiale. L’Allemagne, Israël, l’Italie, la Suède, l’Afrique du Sud, l’Espagne, la Belgique et l’Ukraine sont également d’importants marchands d’armes.

Parmi les principaux importateurs d’armes figurent l’Inde, le Pakistan, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres pays d’Asie et du Moyen-Orient.

Et les entreprises, ne sont-elles pas aussi responsables ?
Certes, la majeure partie du commerce des armes est réalisée par des entreprises commerciales : des entreprises qui les fabriquent et qui en font le commerce, des prestataires de services militaires, des courtiers et des négociants et aussi des entreprises qui transportent les armes et les financent.

Aux termes du cadre de référence des Nations unies « protéger, respecter et réparer » pour les entreprises et les droits humains et des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, les entreprises ont la responsabilité de respecter tous les droits humains indépendamment des obligations des États relatives à ces droits.

Toutefois, dans le cas du commerce des armes, ce sont les États qui en ont la responsabilité principale ; ils doivent pour cela réglementer ce commerce en accordant ou en refusant des licences, et eux seuls peuvent interdire certaines armes inhumaines et imposer des embargos et des suspensions concernant les armes.

Le problème essentiel est que l’élaboration et l’application d’une réglementation relative au commerce des armes ne suivent tout simplement pas le rythme des marchés mondiaux des armes, et la volonté politique d’y remédier manque cruellement. Cela influe malheureusement aussi sur la responsabilité des entreprises.

Le Traité sur le commerce des armes fait-il partie du droit international ?
Oui : le 24 décembre 2014 il est devenu un instrument du droit international. Pour devenir juridiquement contraignant, le Traité a d’abord dû être ratifié par au moins 50 États. Cet objectif a été atteint le 25 septembre 2014, ce qui a déclenché l’entrée en vigueur du Traité 90 jours plus tard. Le TCA a jusqu’à présent été ratifié par 72 États, parmi lesquels cinq des 10 plus grands exportateurs d’armes : le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Il est impressionnant de constater que 130 États ont déjà signé le Traité, sachant que 58 l’ont signé mais pas encore ratifié. Amnesty International va continuer de pousser tous les gouvernements à ratifier le TCA ou à y adhérer et à appliquer de manière effective ses dispositions dès que possible.

Que sont la ratification et l’adhésion ?
La ratification consiste pour un État à déclarer son consentement à se conformer aux règles d’un traité. Elle est généralement précédée de la signature du traité. La ratification elle-même se fait en deux étapes. Dans un premier temps, l’État intègre les règles du traité dans sa législation nationale, ce qui se fait généralement après l’approbation du Parlement. Ensuite, il déclare consentir à observer les règles du traité à l’échelle internationale, en remettant des documents officiels aux Nations unies. Une fois réalisées ces deux étapes, il devient « État partie » au traité.

L’adhésion représente une autre façon de déclarer consentir à être lié par les dispositions d’un traité et elle est possible pour les traités internationaux qui sont déjà entrés en vigueur. Le TCA est ouvert à l’adhésion de tout État depuis son entrée en vigueur le 24 décembre 2014.

L’« entrée en vigueur » du TCA : que cela signifie-t-il ?
Il s’agit du moment où les règles du TCA prennent effet et où celui-ci devient juridiquement contraignant en tant qu’instrument du droit international pour tous les pays qui l’ont ratifié ou qui y ont adhéré.

À présent que le Traité est entré en vigueur, la principale difficulté va consister à veiller à ce qu’il soit correctement mis en œuvre, afin qu’aucun État n’autorise des transferts d’armes à destination de ceux qui commettent un génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre, ou ne ferme les yeux sur les marchands qui fournissent des armes susceptibles d’être utilisées pour commettre de graves violations des droits humains. C’est pour cette raison que la conférence annuelle des États parties au TCA est tellement cruciale. Elle joue en effet un rôle clé quant à la mise en œuvre du Traité et offre à la société civile un outil qui lui permet d’amener les gouvernements à répondre de leurs actes pour leurs transferts internationaux d’armes. Amnesty International va travailler dur pour s’assurer que le TCA prenne la forme d’un régime mondial bien établi de contrôle des armes axé sur les droits humains.

Qu’est-ce que la conférence des États parties au TCA et que va-t-il s’y passer ?
La conférence des États parties au TCA (CEP TCA) est une réunion annuelle qui doit se tenir au plus tard un an après l’entrée en vigueur du TCA. La première CEP TCA aura lieu du 24 au 27 août à Cancún, au Mexique. Lors de cette réunion, les États peuvent contrôler la mise en œuvre du Traité par les autres États et faire pression sur les autres États pour qu’ils agissent de manière responsable et dans le respect des dispositions du Traité. Aux termes du Traité, tous les gouvernements doivent remettre des rapports annuels sur leur commerce d’armes, et ces rapports seront transmis et feront l’objet de discussions lors de la CEP TCA.

Lors de la première CEP TCA, les États fixeront des règles importantes concernant le déroulement de ces futures conférences. Cela comprend la façon dont les décisions doivent être prises, le niveau de participation à la conférence de la société civile et des entreprises, le niveau de transparence de la conférence (c’est-à-dire si certaines réunions doivent se tenir à huis clos), le nombre d’États qui doivent contribuer financièrement à la CEP TCA, le lieu où doit se trouver le secrétariat du TCA (l’organe officiel chargé de soutenir la mise en œuvre du TCA) et sa structure. Des décisions vont également être prises concernant le nombre d’informations que les États doivent donner dans leurs rapports annuels sur leur commerce d’armes, le fait de savoir si ces rapports seront ou non rendus publics, et la façon dont les États donneront des informations sur leur mise en œuvre du Traité.

La conférence des États parties au TCA est-elle importante ?
Les conférences des États parties au TCA sont d’une importance capitale pour la surveillance de la mise en œuvre du TCA et pour amener les États à rendre des comptes concernant leur mise en œuvre du Traité. La première CEP TCA est peut-être la plus importante de toutes car elle va fixer des règles importantes quant à la façon dont la mise en œuvre du Traité sera soutenue et contrôlée. Les trois points principaux sur lesquels Amnesty International va insister sont :
la transparence dans tous les aspects du TCA, y compris la présentation d’informations exhaustives par les États sur le volume et la gamme de leurs importations et exportations d’armes ;
s’assurer que les ONG sont autorisées à participer de façon significative à tous les processus et réunions relatifs au Traité ; et
mettre en place des mécanismes pour veiller à ce que les États respectent leurs obligations liées au Traité en empêchant les transferts d’armes à quiconque risque de les utiliser pour commettre des violations graves du droit international, notamment des crimes de guerre et d’autres graves violations des droits humains.
Les règles adoptées lors de la première CEP TCA doivent garantir que le Traité sera solidement appliqué et que la société civile aura la possibilité de demander aux gouvernements de respecter les normes les plus élevées.

Qui veillera au respect du Traité par les gouvernements ?
Pour l’heure, le Traité ne dispose pas d’un système de contrôle indépendant autre qu’un processus d’évaluation par les pairs, mais il pourra être renforcé en temps voulu par le biais d’amendements.

Pour la première fois, le TCA va créer une norme internationale que les gouvernements et la société civile pourront utiliser pour amener ceux qui vendent des armes ou des munitions de façon irresponsable à rendre compte de leurs actes. Il empêchera en outre les flux d’armes en direction des régions gangrénées par les atteintes aux droits humains, en comblant les nombreuses failles qui sont exploitées par des marchands d’armes et des gouvernements peu scrupuleux.

Qu’en est-il des États qui n’ont pas encore signé ou ratifié le TCA ?
La campagne n’est pas terminée. Amnesty International et les ONG partenaires maintiennent la pression sur les États en dénonçant des cas de transferts d’armes manifestement irresponsables et en demandant instamment aux gouvernements d’intégrer les règles du Traité dans leur législation nationale en le ratifiant ou en y adhérant. Amnesty International veillera également à ce que les États mettent efficacement et rigoureusement en œuvre le TCA et surveillera la manière dont ils le font.

Les principaux exportateurs d’armes mondiaux ont-ils adopté le Traité ?
Sur les 10 principaux exportateurs d’armes, cinq ont déjà ratifié le TCA : l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. Les États-Unis et Israël n’ont pas encore ratifié le Traité mais ils l’ont tous les deux signé. D’autres grands producteurs d’armes ont opposé une certaine résistance à la ratification, notamment le Canada, la Chine et la Russie.

S’il est d’une importance cruciale que tous les principaux pays exportateurs d’armes soient parties au Traité, il convient de souligner que bien plus de la moitié de tous les États ont déjà signé le TCA et que plus du quart l’ont ratifié en à peine plus d’un an, ce qui est rapide pour un tel traité international touchant à des questions relatives à la sécurité et aux droits humains. La société civile dans le monde entier et les gouvernements qui soutiennent ce Traité vont continuer d’accentuer la pression pour que les États qui ne l’ont pas encore fait adhèrent au TCA ou le ratifient eux aussi.

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