Les autorités égyptiennes intensifient leur répression contre les militants de l’opposition à l’approche de l’élection présidentielle de 2018, procédant dans 17 villes à l’arrestation d’au moins 36 membres de cinq partis d’opposition et de mouvements politiques de jeunesse, a déclaré Amnesty International le 24 mai 2017. Beaucoup ont été arrêtés en raison de commentaires postés en ligne au sujet des élections.
Parmi eux, l’ancien candidat à l’élection présidentielle et avocat défenseur des droits humains Khaled Ali, arrêté le 23 mai et libéré sous caution le 24. Il va être jugé lundi 29 mai pour « atteinte à la moralité publique ». S’il est déclaré coupable, il risque jusqu’à un an d’emprisonnement ou une amende. Il lui sera également interdit de se porter candidat à la présidence. Or, en février, il avait déclaré qu’il envisageait de se représenter à l’élection présidentielle de 2018.
« L’élection présidentielle n’est pas prévue avant 2018, pourtant les autorités égyptiennes semblent déterminées à écraser en amont tous les rivaux potentiels afin de se maintenir au pouvoir, a déclaré Najia Bounaim, directrice des campagnes pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« L’arrestation de Khaled Ali et les poursuites engagées à son encontre reposent clairement sur des motifs politiques. Les autorités égyptiennes doivent abandonner les charges absurdes qui pèsent contre lui et mettre fin à leur campagne de diffamation. »
Khaled Ali a fondé le parti Aish we Horreiya (Pain et Liberté), dont les membres figurent parmi les personnes visées par la vague d’interpellations.
Il a été convoqué pour interrogatoire la première fois par le procureur de Guizeh le 23 mai. Son avocat Negad al Borei, qui a assisté à l’interrogatoire, a déclaré qu’il était inculpé d’avoir fait des gestes physiques « portant atteinte à la moralité publique ». Cette accusation est liée à une photo où l’on peut voir Khaled Ali fêter sa victoire avec ses partisans devant la Haute cour administrative, après avoir eu gain de cause dans une affaire médiatisée visant à annuler la décision du gouvernement de céder deux îles de la mer Rouge à l’Arabie saoudite.
Son avocat a déclaré que le procureur a refusé de partager une copie du dossier et les preuves vidéo l’incriminant.
Amnesty International a interviewé 13 avocats, quatre chercheurs en droits humains et 14 membres de familles au sujet de la répression ciblant ces dernières semaines des membres de partis politiques et de groupes d’opposition, ainsi que des militants politiques qui ont critiqué le président Abdelfattah al Sissi en ligne.
Au moins 26 personnes sont toujours détenues pour des charges formulées en termes vagues liées à la lutte contre le terrorisme : notamment appartenance à des groupes qui cherchent à renverser le gouvernement, « outrage au président » via les réseaux sociaux et « utilisation abusive des plateformes de réseaux sociaux ». Deux personnes ont été libérées sous caution et six autres libérées sans caution, dans l’attente d’investigations en lien avec les mêmes accusations. Si elles sont jugées et reconnues coupables, elles risquent entre cinq et 25 ans d’emprisonnement. Les forces de sécurité ont arrêté deux autres membres du parti Dostour le 24 mai, mais on ignore toujours où ils se trouvent.
« La répression qui s’abat sur les militants politiques montre la volonté des autorités égyptiennes d’écraser toute opposition pacifique et de museler les voix alternatives, au lieu de permettre aux Égyptiens d’avoir leur mot à dire sur l’avenir, a déclaré Najia Bounaim.
« Les autorités doivent stopper cette vague d’arrestations et de poursuites visant des militants pacifiques. »
Quatre avocats spécialisés dans la défense des droits humains au Caire, qui représentent neuf accusés, ont déclaré à Amnesty International que les preuves présentées contre leurs clients englobaient des posts sur Facebook et de vieux posters et tracts politiques « trouvés chez eux ».
Dans le cadre de la répression, des militants politiques ont été arrêtés au Caire, à Alexandrie, à Port-Saïd, à Ismaïlia Suez, à Dumyat, à Sharqiya, à Gharbiya, à Kafr el Sheikh, à Daqahliya, à Bani Souwaif, à Minya, à Faiyyoum, à Qena, à Louxor, à Asiut et à Assouan.
Dans au moins 29 cas, des membres de l’Agence de sécurité nationale ont fait irruption dans les maisons des militants aux premières heures de la matinée, les ont retenus pendant plusieurs heures et les ont interrogés en l’absence de leurs avocats.
« La répression visant les militants politiques est effrayante par son ampleur et son caractère coordonné, a déclaré Najia Bounaim.
« Les autorités utilisent sans vergogne la législation antiterroriste pour interpeller de jeunes militants politiques en raison de posts sur les réseaux sociaux qui sont simplement une critique du président Abdelfattah al Sissi. »
Parmi eux figurent sept membres et anciens membres du mouvement des Jeunes du 6 avril, groupe politique qui a gagné de l’importance après la révolution du 25 janvier. Les deux cofondateurs du groupe avaient été emprisonnés pendant trois ans en novembre 2013 et encourent aujourd’hui trois années supplémentaires de mise à l’épreuve. Figurent également quatre membres de Dostour, parti politique fondé en 2012, un membre du Parti de l’Alliance du peuple socialiste et un membre du Courant populaire égyptien, parti qui est en train de se faire enregistrer et qui soutenait lors de l’élection de 2014 le candidat à l’élection présidentielle Hamdeen Sabahi, contre le président Abdelfattah al Sissi.
Le 19 mai, le ministère de l’Intérieur a publié une déclaration sur sa page Facebook, selon laquelle 40 personnes ont été arrêtées dans le cadre d’affaires de « cybercrimes », notamment liés à l’utilisation des réseaux sociaux pour « inciter à la violence » dans plusieurs districts de police, sans fournir plus de détails.
Au cours du mois dernier, le Parlement égyptien a débattu d’un projet de loi controversé qui restreindrait l’accès à des sites comme Twitter et Facebook, demandant aux utilisateurs de s’enregistrer auprès du gouvernement avant de s’y inscrire. En cas d’utilisation non autorisée, la personne concernée pourrait encourir jusqu’à six mois de prison et une amende allant jusqu’à 5 000 Livres égyptiennes (environ 250 euros).
Au cours de la dernière élection présidentielle en 2014, Abdelfattah al Sissi a remporté près de 97 % des votes contre son seul adversaire, Hamdeen Sabahi. La période préélectorale a été marquée par des arrestations arbitraires et des agressions contre les partisans de son rival.