RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE - Les civils et les opposants non armés sont victimes d’attaques imputables aux forces gouvernementales et aux groupes armés

Index AI : AFR 19/001/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International est vivement préoccupée par l’évolution de la situation en matière de sécurité en République centrafricaine. Ces derniers mois, les attaques imputables aux membres des forces de sécurité et aux bandes armées qui échappent à tout contrôle du gouvernement se multiplient à l’encontre des civils non armés. Dans le nord du pays, des dizaines de civils auraient été tués et des milliers se seraient enfuis, notamment vers le Tchad voisin.

Les soldats du gouvernement ont notamment pris pour cibles des défenseurs des droits humains et des journalistes, parce qu’ils avaient dénoncé les violences faites aux civils.

Selon les informations reçues par Amnesty International, des bandes armées ont attaqué des civils non armés dans le nord de la République centrafricaine, faisant des dizaines de victimes et de nombreux blessés. Ces bandes auraient mis à sac les maisons et pillé les biens privés, allant parfois jusqu’à enlever des civils afin de les obliger à porter leur butin. Plus de 10 000 civils auraient fui vers le sud du Tchad afin d’échapper à ces violences. En raison de l’insécurité qui règne dans le nord de la République centrafricaine depuis plusieurs années, plus de 45 000 civils se sont réfugiés au Tchad, bénéficiant d’une aide humanitaire limitée.

Au lendemain des attaques menées par les bandes armées, les soldats du gouvernement déployés dans le nord du pays afin de les neutraliser auraient attaqué des civils, les accusant d’être membres ou sympathisants de ces groupes armés, et en auraient tué ou blessé un nombre indéterminé.

À Bangui, la capitale, des membres des forces de sécurité auraient perpétré des exécutions illégales en toute impunité.

Le 5 janvier 2006, deux personnes ont été abattues par des membres des forces de sécurité lors de l’attaque d’un cortège funèbre, qui revenait de la sépulture d’un sergent. Ce sergent avait tué un officier supérieur de l’armée ; après avoir été retiré de la garde à vue de la gendarmerie, il avait été sommairement exécuté par des membres de la Garde présidentielle. On croit savoir que le gouvernement n’a pris aucune mesure contre les soldats responsables de la mort des civils et du sergent.

D’autre part, un ancien membre de la Garde présidentielle, qui aurait depuis 2004 tué et violemment battu plusieurs personnes, a menacé des défenseurs des droits humains et des journalistes en toute impunité. En 2005, il a été arrêté puis relâché sans avoir été jugé ni même inculpé. En dépit des protestations des défenseurs des droits humains et des informations relayées par la presse concernant ces actes de violence, le gouvernement n’a pris aucune mesure. On craint que cet homme ne continue de terroriser la population en toute impunité.

D’après les informations reçues par Amnesty International, il a également menacé de tuer au moins un journaliste et deux défenseurs des droits humains. Parmi les personnes qui auraient été menacées en janvier 2006 figurent Maka Gbossokoto, directeur de publication du quotidien indépendant Le Citoyen et président de l’Union des journalistes centrafricains (UJCA), Nganatouwa Goungaye Wanfiyo, avocat et président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme (LCDH), et Adolphe Ngouyombo, président du Mouvement pour les droits de l’homme et l’action humanitaire (MDDH). Amnesty International demande au gouvernement centrafricain de faire respecter la loi et de s’acquitter de ses obligations internationales, au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et d’autres traités relatifs aux droits humains auxquels la République centrafricaine est partie.

L’organisation exhorte le gouvernement à protéger les droits fondamentaux de ses citoyens, notamment le droit à la vie. Il doit auusi veiller à ce que les journalistes et les défenseurs des droits humains puissent exercer librement leur droit à la liberté d’expression et d’association. En outre, les autorités doivent traduire en justice les membres des forces de sécurité soupçonnés d’avoir bafoué les droits humains. Enfin, le gouvernement doit mettre en œuvre des mécanismes visant à lutter contre l’impunité.

Par ailleurs, Amnesty International invite la communauté internationale à encourager le gouvernement centrafricain à protéger et promouvoir les droits humains. Les États membres de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) et la France doivent s’assurer que la promotion et la protection des droits fondamentaux fassent partie intégrante de l’aide qu’ils apportent au gouvernement et aux forces de sécurité.

Complément d’information

À la tête d’un groupe armé, François Bozizé est arrivé au pouvoir en mars 2003 après avoir renversé l’ancien président Ange-Félix Patassé. Des centaines de civils non armés ont été victimes d’homicides illégaux et des centaines de femmes violées par leurs partisans armés. La plupart des viols auraient été le fait de combattants venus de la République démocratique du Congo voisine, qui soutenaient l’ancien président Patassé. Bien que le président Bozizé ait condamné publiquement les atteintes aux droits humains perpétrées par les partisans de son adversaire, son gouvernement n’a marqué aucun empressement à traduire en justice les auteurs présumés. Toutefois, le gouvernement a saisi la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye, des crimes commis au cours du conflit armé ayant abouti à la prise de pouvoir du président Bozizé. La République centrafricaine a ratifié le Statut de Rome - qui fonde la CPI - en 2002.

D’autres homicides et atteintes aux droits humains ont été commis par des membres des forces de sécurité depuis l’arrivée au pouvoir du président Bozizé. Son gouvernement s’était engagé - avant et après les élections générales qui ont eu lieu début 2005 - à mettre fin à l’impunité, mais n’a pas honoré ces engagements. Des soldats continuent de torturer et tuer des civils, de violer des femmes et de piller en toute impunité. Les principaux responsables seraient des membres de la Garde présidentielle, qui relèvent directement du président Bozizé, commandant en chef des forces armées et ministre de la Défense. Des bandes armées de pillards, les zaraguinas, tuent et dépouillent les voyageurs et les habitants du nord de la République centrafricaine. Profitant du manque de détermination des gouvernements successifs à faire respecter la loi et l’ordre public dans le nord du pays, ces bandits terrorisent la population locale et dévalisent les voyageurs depuis des années. Selon certaines sources, ces derniers mois, des groupes armés actifs dans le nord mènent des attaques à caractère politique en vue de déstabiliser et renverser le gouvernement du président Bozizé. On ignore s’ils existent réellement et s’ils se réclament d’un dirigeant ou d’un parti politique. La sécurité dans le nord du pays et la discipline au sein des forces de sécurité centrafricaines demeurent fluctuantes, malgré la présence d’une force de maintien de la paix composée de soldats de la CEMAC et soutenue par un contingent militaire français.

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