République démocratique du Congo : Pas de paix sans que soit mis fin à l’impunité pour les violations des droits humains.

« Le gouvernement de transition à Kinshasa doit donner la priorité la plus haute à l’arrêt, urgent et immédiat, du cycle terrifiant des violations des droits humains qui continuent à être commises en RDC », a déclaré Irène Khan, Secrétaire Générale d’Amnesty International, à la fin de sa visite à Kinshasa.

« Pendant que les différentes factions présentes à Kinshasa se disputent pouvoir et privilèges, les citoyens vivent toujours dans la crainte des meurtres, des pillages et des massacres, qu’ils vivent au Kivu, en Ituri, ou dans d’autres régions du pays. Les enfants sont toujours utilisés comme soldats, et le viol des femmes et des fillettes est utilisé de façon généralisée comme arme de guerre. Cette horrible réalité jette une ombre sinistre sur l’optimisme qui prévaut à Kinshasa », a rappelé Mme Khan.

Soulignant les relations qui lient plusieurs membres de premier rang du gouvernement, les partis politiques qu’ils représentent et les éléments armés qui commettent ces violations, Mme Khan a souligné le fait que « la crédibilité du gouvernement de transition va souffrir si ces atrocités continuent à être autorisées en toute impunité ».

« Ni l’unité nationale ni la démocratie ne peuvent être construites sur les fondations minées des violations et de l’impunité. Le droit des victimes et de leurs familles à la vérité et à la justice constitue un élément essentiel du processus de paix et de réconciliation en RDC. Les personnes qui sont suspectées d’avoir perpétré des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de génocide, doivent faire l’objet d’enquêtes, quelle que soit la position qu’elles occupent ou le pouvoir dont elles jouissent », a souligné Irène Khan.
« Nous nous félicitons des intentions de la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur les crimes commis en Ituri. Cette démarche doit cependant être accompagnée d’autres initiatives, tant au niveau national qu’international, afin que les crimes qui ne rentrent pas dans le champ d’activité de la CPI fassent aussi l’objet d’enquêtes. »

Lors de rencontres avec les Vice-présidents et d’autres membres de haut rang du gouvernement, ainsi qu’à l’occasion de discussions avec le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies et de membres du corps diplomatique, Amnesty International a insisté sur le fait que le vrai défi qui attend le processus politique en RDC n’est pas à chercher dans l’organisation des élections prévues dans deux ans, mais dans la volonté et la capacité du gouvernement à maîtriser les éléments armés, à mettre fin aux violations des droits humains, à mettre un terme à l’impunité, et à entreprendre une réforme fondamentale de l’armée, de la police et du système judiciaire.

« Accorder aux hommes et aux femmes la chance de voter n’a aucun sens s’ils ne peuvent jouir du droit de vivre libérés de la menace du viol, d’être assassinés, torturés, victimes de détention arbitraire et de déplacements forcés. La préparation des élections et la reconstruction économique doivent aller de pair avec la mise en place d’institutions de gouvernance, basées sur le respect des droits humains et du droit humanitaire international », a insisté Mme Khan.

Lors de leur visite à Bunia la semaine passée, les délégués d’Amnesty International ont constaté que le renforcement de la Monuc a contribué à améliorer la sécurité, mais que beaucoup d’efforts doivent encore être faits pour que des troupes soient déployées dans d’autres zones de l’Ituri et des Kivus, et pour soutenir la réforme de l’armée et de la police, ainsi que la démobilisation et le désarmement.

« La communauté internationale doit continuer à donner à la Monuc le soutien financier et politique dont elle a besoin, et ce, jusqu’au moment où les tâches qui lui ont été affectées seront terminées », a rappelé Mme Khan. « Il faut qu’on accorde plus d’attention à l’assistance aux victimes de violences sexuelles, ainsi qu’à la démobilisation et à la réhabilitation des enfants soldats, notamment en renforçant les capacités d’action des organisations locales ».

« Le Conseil de sécurité des Nations unies doit mettre l’accent sur le respect le plus rigoureux de l’embargo sur les armes dans l’Est de la RDC. Elle doit donner corps à sa résolution en mettant en place un mécanisme de renforcement de l’embargo, et fournir à la Monuc les ressources nécessaires pour soutenir cette action », a demandé Irène Khan. Amnesty International demande aux Etats-membres des Nations unies de ne pas procéder à des transferts d’armes, d’équipement militaire et de police, ou encore de formation vers la RDC, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda, à moins que ces transferts ne fassent l’objet d’une certification et d’une surveillance des plus pointues, afin de garantir qu’ils ne serviront pas à commettre des violations des droits humains.

« Nous ne devons pas oublier que le désir de contrôler et d’exploiter les ressources naturelles congolaises a été à la source de bien des violations massives des droits humains », a déclaré Irène Khan. « Jusqu’à présent, les constatations du Panel des Nations unies, qui mettent en cause l’Ouganda, le Rwanda, et le Zimbabwe, ainsi que de nombreuses entreprises dans le monde entier, n’ont pas débouché sur des enquêtes ou des actions à l’encontre de ces acteurs. A la veille de la publication du rapport final du Panel des Nations unies, nous demandons au Conseil de sécurité des Nations unies d’entreprendre des actions concrètes pour mettre en place concrètement les recommandations contenues dans les quatre rapports du Panel. Il est de la plus haute importance que le Conseil de sécurité établisse un mécanisme qui permettra de poursuivre la surveillance active de l’exploitation des ressources, afin que celle-ci ne soit pas éclaboussée par des violations des droits humains ».

« Si l’on veut gagner la confiance du peuple congolais et ouvrir une nouvelle ère dans l’histoire de ce pays, les dirigeants congolais doivent franchir les premières étapes qui empêcheront la mutilation de bébés, le recrutement des enfants pour faire la guerre, et le viol des femmes et des fillettes. Les Nations unies, la communauté internationale et les gouvernements de la région doivent travailler avec le gouvernement de transition. Mais la responsabilité finale du changement repose sur les épaules des responsables congolais », a dit pour conclure Irene Khan.

Complément d’information
Irene Khan, Secrétaire Générale d’Amnesty International, a conduit une mission de haut niveau au Rwanda, en Ouganda et en République démocratique du Congo du 15 au 23 octobre 2003 afin de discuter avec les responsables de ces pays de leur rôle dans la cessation des violations massives des droits humains qui frappent l’Est de la RDC, dont les assassinats arbitraires et à grande échelle de civils, la torture, les « disparitions », les déplacements forcés de populations, et l’utilisation systématique du viol comme arme de guerre. Mme Khan a aussi fait part à chacun des dirigeants que la mission a rencontré des préoccupations d’Amnesty International en ce qui concerne les violations des droits humains commises spécifiquement dans les pays concernés.

Amnesty International prend en compte les dimensions régionales du conflit qui affecte l’Est de la RDC. Elle a, à l’occasion de cette visite dans la région des Grands Lacs, fait part de ses préoccupations aux Présidents et gouvernements du Rwanda et de l’Ouganda. Kigali et Kampala doivent prendre des mesures immédiates pour traduire dans les faits leurs promesses d’en finir avec le soutien continu qu’ils ont fourni aux groupes armés, et avec le pillage économique qui a alimenté les atrocités en matière de droits humains dans l’Est de la RDC.

La délégation d’Amnesty International s’est rendue non seulement à Kigali et à Kampala, mais aussi à Goma et à Bunia, dans l’Est du Congo. Elle y a rencontré des défenseurs des droits humains, des membres de la société civile, des survivants des violations des droits humains, le gouverneur du Nord Kivu, la Monuc et d’autres représentants des Nations unies.
La délégation a rassemblé des informations qui montrent qu’un grand nombre de civils, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées, continuent à être délibérément et systématiquement victimes d’horribles violations des droits humains dans l’Est du Congo.

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