RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO : Il est grand temps d’arrêter le carnage et de mettre un terme à l’exploitation économique

Index AI : AFR 62/014/2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, lundi 28 avril, Amnesty International exhorte la communauté internationale à assumer de toute urgence ses responsabilités légales et morales : elle doit sans délai mettre fin aux violations des droits humains et du droit international humanitaire commises par les forces qui se livrent au pillage de la République démocratique du Congo (RDC), pays ravagé par la guerre, et faire cesser les souffrances intolérables que cela engendre pour la population congolaise.

« Depuis quatre ans et demi, le Rwanda, l’Ouganda et leurs alliés congolais s’adonnent au pillage systématique des richesses naturelles de l’est de la RDC, causant, directement ou indirectement, la mort de centaines de milliers de civils congolais. En dépit des nombreux accords de paix, le carnage se poursuit, sous le regard de la communauté internationale », a déclaré Amnesty International.

Intitulé République démocratique du Congo. « Nos frères qui les aident à nous tuer… », ce rapport identifie la volonté de contrôler et d’exploiter les ressources naturelles de la RDC comme la cause première des violences persistantes qui déchirent le pays.

Les régions du nord et de l’est de la RDC, contrôlées par des groupes armés congolais soutenus par le Rwanda et l’Ouganda, regorgent de ressources précieuses, notamment de coltan, d’or, de diamants et de bois. Les factions belligérantes se sont livrées au pillage systématique de ces ressources, les principaux bénéficiaires étant les officiers supérieurs des armées rwandaise et ougandaise, ainsi que leurs alliés congolais. Tandis qu’ils se sont enrichis au-delà de leurs cupides espérances, la grande majorité de la population congolaise est massivement confrontée à une misère noire, à l’insécurité, aux déplacements, aux enlèvements et à la mort.

L’opulence d’une petite élite militaire, politique et commerciale, a été acquise au prix fort. Plusieurs centaines de milliers de civils congolais ont été torturés et tués au cours des affrontements visant à mettre la main sur les ressources naturelles. Des milliers d’autres ont succombé à la malnutrition et sont morts de n’avoir pu bénéficier d’une aide humanitaire après avoir été contraints de fuir leurs foyers.

En outre, les forces étrangères ont délibérément attisé les conflits interethniques et intensifié les massacres, afin de promouvoir leurs intérêts économiques. C’est le cas dans la région de l’Ituri, par exemple, où des tueries ont eu lieu à maintes reprises et où les habitations ont été massivement détruites. Des milliers de femmes ont été victimes de viols. On a contraint des enfants de douze ans à peine à travailler dans les mines. Les défenseurs des droits humains qui ont dénoncé ces agissements ont été battus, placés en détention ou contraints de fuir, lorsqu’ils n’ont pas été assassinés.

Bien que la communauté internationale soit au courant de ces événements, elle ne s’est jamais montrée capable de réagir en temps voulu et de manière énergique. En juin 2000, le Conseil de sécurité des Nations unies a désigné un Groupe d’experts chargé d’enquêter sur l’exploitation des ressources naturelles de la RDC par des forces étrangères. Ce Groupe a depuis publié trois rapports exhaustifs et les a présentés au Conseil de sécurité. Ces rapports identifient les acteurs économiques majeurs de la région et proposent des mesures concrètes visant à condamner les États, les particuliers et les sociétés impliqués. Pourtant, les gouvernements des responsables présumés, pas plus que le Conseil de sécurité, n’ont engagé d’actions pour contraindre les acteurs économiques à rendre des comptes concernant leurs activités commerciales en RDC et leurs répercussions sur les droits humains.

« Si des atteintes aux droits humains d’une ampleur sans précédent ont été perpétrées en RDC, c’est parce qu’on a permis aux auteurs, principalement motivés par des gains financiers personnels, d’agir dans un climat d’impunité presque totale. Seule une action internationale énergique et concertée visant à mettre un terme au cycle de l’impunité permettra de prévenir de nouvelles violations », a indiqué Amnesty International.

L’accord sur les modalités de partage du pouvoir ratifié début avril 2003 par les principaux protagonistes du conflit, à l’issue des pourparlers de paix de Sun City, en Afrique du Sud, offre une occasion précieuse de rompre avec le passé récent de la RDC, terni par des atteintes aux droits fondamentaux et des violences effroyables. Amnesty International exhorte tous les signataires de cet accord, ainsi que le futur gouvernement de la RDC, à faire en sorte que les responsables de violations des droits humains et du droit international humanitaire soient tenus de répondre de leurs actes.

La situation des droits humains en RDC pourrait être prodigieusement améliorée si la communauté internationale faisait preuve d’une véritable volonté politique et était déterminée à passer à l’action.

« En prenant des mesures pour que cesse l’impunité et en tenant pour responsables ceux qui cherchent à tirer profit de la catastrophe humanitaire et de la situation désastreuse en matière de droits humains, qui ont coûté la vie à quelque trois millions de personnes en RDC depuis 1998, la communauté internationale pourrait rendre justice au peuple congolais », a expliqué Amnesty International.

Pour ce faire, elle se doit de renforcer la mission et le déploiement des troupes de la MONUC, organe des Nations unies chargé de surveiller le cessez-le-feu, et de mettre en œuvre pleinement son mandat « pour protéger les civils exposés à des menaces imminentes de violences physiques ».

Par ailleurs, il est indispensable que la communauté internationale, notamment sous les auspices du Conseil de sécurité des Nations unies, exerce une pression indéfectible sur les principaux acteurs du conflit - dont les gouvernements du Rwanda et de l’Ouganda et les dirigeants des groupes politiques armés - pour garantir que tous condamnent les violences imputables à leurs troupes et traduisent en justice les responsables présumés.

En outre, la communauté internationale doit soutenir et doter de ressources suffisantes des mécanismes judiciaires, tels qu’une commission internationale d’enquête chargée de faire respecter l’obligation de rendre des comptes pour les auteurs d’atteintes aux droits humains.

Les gouvernements du monde entier sont également engagés à prendre des mesures pour veiller à ce que les entreprises ayant des activités en RDC ne génèrent ni ne cautionnent des atteintes aux droits des communautés qui vivent dans les régions où elles opèrent. D’autre part, les recettes dégagées par les activités commerciales reposant sur les ressources naturelles de la RDC doivent contribuer au développement progressif des droits sociaux et économiques des habitants.

De surcroît, les gouvernements doivent promouvoir l’adhésion de la RDC et des pays transitaires de diamants de la région au système international de certification des diamants, défini par le processus de Kimberley. Ils doivent également prendre des mesures concrètes en vue d’exercer une surveillance internationale analogue sur le commerce d’autres ressources naturelles, afin de garantir que leur exploitation ne débouche pas sur des atteintes aux droits humains.

« En agissant pour mettre fin à l’impunité et contraindre à répondre de leurs actes ceux qui cherchent à s’enrichir en spéculant sur la souffrance humaine, la communauté internationale rendrait justice au peuple congolais », a conclu Amnesty International.

Pour en savoir plus, veuillez consulter les rapports suivants :

On the precipice : the deepening human rights and humanitarian crisis in Ituri [en cours de traduction en français] (http://web.amnesty.org/library/index/engafr620062003)

République démocratique du Congo. Après l’assassinat, des meurtres par l’État ? (http://web.amnesty.org/library/index/fraafr620232002 <http://web.amnesty.org/library/inde...> )

République démocratique du Congo. Le commerce du diamant dans les régions de la RDC tenues par le gouvernement (http://web.amnesty.org/library/index/fraafr620172002 <http://web.amnesty.org/library/inde...> )

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