Amnesty International exhorte la République dominicaine à veiller à ce qu’aucune personne née en République dominicaine ne soit expulsée du pays, les autorités gouvernementales ayant annoncé le 14 août la reprise des opérations consistant à arrêter et expulser « les étrangers résidant illégalement dans le pays ». Les expulsions ont repris à l’issue d’un moratoire officiel de 18 mois mis en place par le gouvernement.
Depuis qu’a pris fin le 17 juin le plan de régularisation pour les migrants, les autorités dominicaines ont indiqué que des dizaines de milliers de Haïtiens sont volontairement retournés en Haïti. Or, des milliers de gens affirment avoir subi une expulsion. Le 14 août, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a indiqué que 32 % des 6 311 personnes interrogées à la frontière dominicano-haïtienne entre le 17 juin et le 13 août ont « affirmé avoir été renvoyées de force sur le territoire haïtien » par des fonctionnaires dominicains. Plus de 27 % de l’ensemble des personnes interrogées par l’OIM ont dit qu’elles étaient nées en République dominicaine, et 3,8 % ont déclaré posséder des documents d’identité dominicains.
L’État dominicain, comme tout autre État, a le pouvoir souverain de réguler l’entrée et la présence des ressortissants étrangers, mais il doit en parallèle respecter le droit international et les normes internationales. Le droit international interdit aux États d’expulser de leur territoire leurs propres ressortissants.
Fin juin, des représentants du gouvernement ont dit à plusieurs reprises à Amnesty International que les expulsions seraient réalisées dans le respect des droits humains et que nulle personne née dans le pays ne serait expulsée.
Amnesty International a accueilli avec satisfactions ces déclarations mais elle est préoccupée par le fait que les autorités dominicaines n’ont pas encore révélé les protocoles concrets qui permettraient de garantir le plein respect des droits humains lors des opérations d’expulsion, et de garantir en particulier que les Dominicains d’origine haïtienne ne seront pas expulsés de leur pays.
Il est donc impératif que la République dominicaine établisse et rende publics des protocoles clairs permettant de garantir que les personnes ayant droit à la nationalité dominicaine ne puissent pas être expulsées du pays. Des mesures devraient aussi être mises en place pour veiller à ce que, si pour quelque raison que ce soit une personne ayant droit à la nationalité dominicaine est expulsée, cette personne soit autorisée à retourner immédiatement et sans condition en République dominicaine.
Les Dominicains d’origine haïtienne continuent d’être l’un des groupes les plus vulnérables de la société dominicaine. Leur situation s’est encore aggravée en septembre 2013 quand une décision de la Cour constitutionnelle les a rétroactivement déchus de leur nationalité dominicaine. En mai 2014, le président Danilo Medina a soumis au Congrès la loi 169-14 destinée à atténuer les effets de ce jugement et à créer des mécanismes permettant de redonner la nationalité dominicaine aux personnes concernées.
Amnesty International a été mesure d’affirmer que, si un grand nombre de Dominicains d’origine haïtienne ont obtenu leurs papiers ou devraient pouvoir les obtenir, beaucoup n’ont pas été en mesure de retrouver la nationalité dominicaine malgré les initiatives soutenues par le gouvernement dominicain. Lorsqu’elles ne disposent pas d’une autre nationalité, ces personnes sont apatrides et fortement exposées au risque d’être arbitrairement expulsées vers Haïti.