La résolution sur la Syrie adoptée mercredi 15 mai par l’Assemblée générale des Nations unies est une mesure positive, mais contribuera bien peu à résoudre la très grave crise humanitaire et des droits humains qui sévit dans le pays, a déclaré Amnesty International.
Cette résolution non contraignante, votée par 107 États, encourage notamment le Conseil de sécurité de l’ONU à « envisager les mesures qui s’imposent » afin de garantir l’obligation de rendre des comptes pour les violences et violations des droits humains perpétrées en Syrie. La Russie comptait parmi les 12 États qui ont voté contre, tandis que 59 se sont abstenus.
Par cette résolution, l’Assemblée générale lance enfin un appel fort en faveur d’enquêtes indépendantes et impartiales sur toutes les violations présumées des droits humains et du droit international humanitaire depuis le début du soulèvement en mars 2011. La Russie et la Chine ont à trois reprises opposé leur véto à une résolution du Conseil de sécurité sur la situation en Syrie.
« Des dizaines de milliers de personnes sont mortes et des millions ont été déplacées par le conflit armé qui déchire la Syrie, mais il a fallu aux Nations unies plus de deux ans pour commencer à entreprendre de porter remède aux graves atteintes aux droits humains qui y sont perpétrées, a indiqué José Luis Díaz, représentant d’Amnesty International auprès des Nations unies à New York.
« La majorité des gouvernements du globe se sont désormais exprimés et leur adhésion à une action claire sur la Syrie doit amener le Conseil de sécurité à réexaminer la question et à prévoir une action contraignante en vue d’amener les responsables présumés de violations à rendre des comptes.
« Cela suppose de saisir la Cour pénale internationale (CPI) de la situation en Syrie, afin de traduire en justice ceux qui, dans tous les camps, ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres crimes relevant du droit international. »
Le Qatar, l’Arabie saoudite, le Royaume-Uni et la France notamment ont présenté la résolution adoptée par l’Assemblée générale. Ce texte condamne toutes les violences émaillant le conflit syrien, quels qu’en soient les responsables. Il appelle toutes les parties au conflit à mettre immédiatement un terme aux hostilités et à respecter strictement leurs obligations aux termes du droit international, notamment humanitaire. En outre, il préconise une transition de pouvoir afin de contribuer à résoudre la crise actuelle.
La résolution souligne qu’il est primordial de mettre fin à l’impunité et d’amener à rendre des comptes tous les auteurs présumés de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains, notamment assimilables à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité. Par ailleurs, elle précise que la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie doit voir son mandat prolongé et doit pouvoir se déplacer plus librement dans le pays afin de mener à bien son travail.
Depuis les premières alertes faisant état de graves violations des droits humains en Syrie, en mars 2011, Amnesty International a sans relâche demandé à la communauté internationale de prendre des mesures significatives pour que les responsables répondent de leurs crimes au regard du droit international et d’autres violences, et que les victimes reçoivent des réparations.
Des militants pris entre deux feux
Amnesty International a aussi demandé à maintes reprises que le président Bachar el Assad cesse de réprimer la dissidence dans le pays en conflit ; des dizaines de milliers de personnes ont en effet été emprisonnées pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et de réunion – dont beaucoup ont été détenues au secret ou exposées au risque de torture et de mauvais traitements.
De nombreux militants des droits humains ont notamment été pris pour cibles et certains doivent être jugés par le tribunal de lutte contre le terrorisme, récemment mis sur pied, dont les procédures sont loin de respecter les normes internationales d’équité.
Le 19 mai, le tribunal de lutte contre le terrorisme doit juger cinq militants indépendants membres du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression, arrêtés lors d’une descente en février 2012 et détenus depuis lors de manière arbitraire et dans des conditions proches d’une disparition forcée.
Ces militants, dont le directeur du centre Mazen Darwish, sont inculpés de « diffusion d’actes terroristes » en raison de leurs activités liées aux droits humains et aux médias, dans le cadre du conflit en Syrie.
« Le procès en instance de Mazen Darwish et de ses collègues pour des accusations liées au terrorisme indique à quel point les droits humains sont piétinés par le conflit qui ravage la Syrie, a estimé José Luis Díaz.
« La communauté internationale, et en particulier les alliés de la Syrie, doivent faire pression sur le gouvernement de Bachar el Assad pour qu’il cesse de persécuter les défenseurs des droits humains et libère tous les prisonniers d’opinion encore incarcérés uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et de réunion. »
Le gouvernement de Bachar el Assad a décrété plusieurs grâces collectives depuis le début de la guerre, mais Amnesty International suit les cas de dizaines de prisonniers d’opinion qui n’ont pas bénéficié de ces mesures et demeurent derrière les barreaux dans des conditions qui seraient terribles.