Index AI : EUR 45/002/2006
Amnesty International s’inquiète des informations publiées ce vendredi 3 février par le journal londonien The Guardian, selon lesquelles le gouvernement du Royaume-Uni (RU) étudie des mesures qui nuiraient aux efforts pour traduire en justice les criminels de guerre.
Ces projets auraient débuté après les protestations des autorités israéliennes, faisant suite au mandat d’arrêt délivré en septembre 2005 par un tribunal du RU à l’encontre du général israélien Doron Almog - mandat que les autorités du RU n’ont pas exécuté. À cette période, Amnesty International avait exprimé son inquiétude devant l’inaction des autorités du RU, qui n’avaient pas arrêté le général Almog, alors qu’un tribunal avait délivré un mandat d’arrestation à son encontre. Depuis lors, Amnesty International demande aux autorités du RU d’enquêter sur cette affaire.
Amnesty International a reçu des informations consternantes, selon lesquelles le gouvernement du RU irait jusqu’à envisager d’affaiblir ses textes de loi nationaux, nuisant par là aux efforts mondiaux pour traduire en justice les personnes accusées des pires infractions au droit international, où qu’elles aient été commises. Ces informations remettent en cause l’engagement des autorités du RU d’exercer une compétence universelle sur les infractions au droit international, et la résolution du RU à octroyer des réparations aux victimes de ces infractions.
Amnesty International est également consternée par les informations selon lesquelles le gouvernement du RU aurait présenté ses excuses aux autorités israéliennes pour l’épisode concernant le général Almog : le gouvernement ne doit pas présenter ses excuses pour l’application légitime du droit par un membre de l’institution judiciaire du RU.
Contexte
En septembre 2005, Amnesty International a écrit aux autorités du RU pour exprimer son inquiétude concernant le fait qu’elles n’aient pas arrêté le général de l’armée israélienne Doron Almog à l’aéroport de Londres-Heathrow, le 11 septembre 2005, comme suite au mandat d’arrêt lancé la veille à l’encontre du général Almog par un membre de l’institution judiciaire, pour l’implication du général Almog dans des crimes de guerre présumés.
Le général Almog a atterri le 11 septembre 2005 à l’aéroport d’Heathrow, sur un vol en provenance de Tel Aviv. Cependant, il a refusé de quitter l’appareil, après avoir semble-t-il été informé qu’il pourrait être arrêté. Entre-temps, les policiers se sont abstenus de pénétrer dans l’appareil pour arrêter le général Almog, et ils l’ont laissé quitter le RU à destination d’Israël à bord du même appareil d’El Al par lequel il était arrivé. Au même moment, des membres du personnel de l’ambassade israélienne auraient reçu la permission de monter à bord de l’appareil. Dans des interviews accordées aux médias après son retour en Israël, le général Almog a déclaré que l’attaché militaire de l’ambassade israélienne de Londres avait reçu la permission de monter à bord de l’avion d’El Al pour le rencontrer ; cet attaché lui aurait conseillé de ne pas quitter l’avion et de retourner immédiatement en Israël.
Amnesty International a demandé aux autorités du RU de mener une enquête pour déterminer comment ces informations ont été obtenues et communiquées au général Almog.
De décembre 2000 à juillet 2003, le général de division Almog était le chef de la région militaire sud de l’armée israélienne, une zone qui comprend la bande de Gaza. Il est accusé d’implication dans la destruction de 59 demeures palestiniennes par l’armée israélienne dans un camp de réfugiés de Rafah, le 10 janvier 2002. Le mandat d’arrêt à l’encontre du général Almog a été délivré par le tribunal de police et correctionnel de Bow Court, aux termes des Conventions de Genève de 1957. L’affaire a été confiée à l’unité anti-terroriste et de lutte contre les crimes de guerre, appartenant à la police métropolitaine.
Au cours des cinq dernières années, depuis le déclenchement de la seconde intifada en septembre 2000, l’armée israélienne a détruit quelques 4 000 demeures palestiniennes dans les Territoires occupés, dont la moitié environ dans la bande de Gaza, ainsi que de vastes zones de terres cultivées, des biens commerciaux et des bâtiments publics, des réseaux d’eau et d’électricité, ainsi que d’autres infrastructures publiques. Dans la grande majorité des cas, ces destructions n’étaient pas justifiées par des nécessités militaires, et étaient menées illégalement et arbitrairement.
Ces destructions constitueraient ainsi un grave manquement à la Quatrième Convention de Genève (article 147), et seraient donc assimilables à un crime de guerre.
Les autorités israéliennes s’abstiennent systématiquement de se conformer aux obligations d’Israël définies par le droit international, qui leur enjoignent d’enquêter sur ces atteintes aux droits humains et autres, et d’en traduire les responsables en justice. Le RU, en tant que partie à la Quatrième convention de Genève, a le pouvoir de poursuivre toute personne raisonnablement soupçonnée d’avoir commis un crime de guerre. En outre, tout État partie a le pouvoir de délivrer un mandat d’arrêt aux termes de l’article 146, et, si le suspect pénètre sur son territoire, cet État se trouve dans l’obligation d’exécuter le mandat d’arrêt.
Pour de plus amples informations, voir le rapport d’Amnesty International publié le 18 mai 2004 : Israël et Territoires occupés. Sous les décombres : la démolition de maisons, la destruction de terres et de biens. (index AI : MDE 15/040/2004), en attaché PDF ou à l’adresse URL :
http://www.amnestyinternational.be/doc/IMG/pdf/MDE1504004.pdf