Russie. Le harcèlement de manifestants pacifiques doit cesser

Déclaration publique

Index AI : EUR 46/032/2010 - ÉFAI

10 septembre 2010

Amnesty International demande la libération immédiate de Lev Ponomarev, défenseur des droits humains actuellement en détention administrative. L’organisation considère Lev Ponomarev comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté de réunion et à la liberté d’expression. Amnesty International demande instamment aux autorités moscovites de respecter les normes internationales relatives aux droits humains et la Constitution russe, de mettre un terme aux restrictions illégales et discriminatoires au droit à la liberté de réunion pacifique et au harcèlement de défenseurs des droits humains et de personnes exprimant des opinions critiques. La pratique consistant à infliger des amendes et placer en détention administrative des manifestants pacifiques revient à réprimer l’exercice légitime de la liberté d’expression par des personnes exprimant des opinions critiques ; cette pratique doit cesser.

Le 7 septembre, un tribunal de district de Moscou a condamné Lev Ponomarev, directeur de l’ONG « Mouvement pour les droits humains », à quatre jours de détention ; Lev Ponomarev avait été interpellé par la police place Tverskaya à Moscou le 12 août, au cours de la manifestation organisée à l’occasion de la « Journée de la colère » pour protester contre la politique du gouvernement, tant au niveau local que national. Selon la police, Lev Ponomarev et le groupe de manifestants et de journalistes qui l’entouraient bloquaient le passage des piétons et l’entrée du métro ; selon les policiers, Lev Ponomarev aurait agi ainsi « de façon flagrante ». De nombreuses vidéos attestant de la participation de Lev Ponomarev à cette manifestation et de son arrestation circulent sur internet ; arrivé seul sur place, Lev Ponomarev a été interviewé par plusieurs journalistes présents sur les lieux et emmené par les policiers sans offrir de résistance. Avant le début de la manifestation, la police avait fermé la place Tverskaya, empêchant les manifestants de s’y rassembler et les forçant à rester sur le passage piétons séparant la place d’une rue très passante, avant de les sommer de se disperser pour dégager la voie pour les piétons. À ce moment-là, aucun signe de violence n’était perceptible du côté des manifestants et les personnes ne faisant pas partie de la manifestation continuaient de passer. La police a ensuite barré l’accès au passage piétons et demandé à toutes les personnes à pied de traverser par le passage souterrain ou de marcher de l’autre côté de la rue.

Lev Ponomarev a été arrêté deux fois en moins d’un mois, officiellement pour avoir résisté aux ordres de la police durant des manifestations de rue pacifiques.

La Loi fédérale de la Fédération de Russie relative aux réunions, rassemblements, manifestations, marches et piquets de grève exige des organisateurs des manifestations qu’ils informent (uvedomliayut) les autorités locales à l’avance de l’action qu’ils envisagent de mener dans la rue de façon à ce que la sécurité et l’ordre public puissent être assurés par les autorités. Les autorités locales ont obligation d’accuser réception de cette information et ont autorité pour répondre par une « proposition circonstanciée » (obosnovannoe predlozhenie), pour modifier le lieu ou le jour de la manifestation. Lorsqu’une telle proposition a été faite, si la manifestation a lieu comme prévu initialement la police la considère « illégale » ou « non autorisée » et intervient pour y mettre fin et procéder à l’arrestation des participants et organisateurs.

Depuis plus d’un an à présent, le droit d’organiser des manifestations pacifiques dans le centre de Moscou, particulièrement place Triumfalnaya, a régulièrement été refusé à Lev Ponomarev ainsi qu’à d’autres défenseurs des droits humains ou membres de l’opposition politique. Dans le même temps, d’autres groupes ont reçu l’autorisation de manifester dans les rues, sans aucune restriction de la part des autorités. À plusieurs reprises, des rassemblements ont été organisés par d’autres groupes avec l’aval des autorités exactement à l’heure qui avait été refusée aux membres du mouvement « Stratégie 31 » (organisateurs d’actions de rue pour défendre l’article 31 de la Constitution russe qui garantit le droit à la liberté de réunion). À aucun moment, malgré une dizaines de tentatives au cours de plusieurs mois, les partisans de « Stratégie 31 » n’ont obtenu l’autorisation de manifester pacifiquement dans le centre de Moscou sur le lieu et au moment de leur choix.

Amnesty International est préoccupée par ce climat de harcèlement, en particulier par les restrictions au droit de réunion et par les amendes et arrestations arbitraires qui ciblent défenseurs des droits humains et membres de l’opposition politique. Le harcèlement de ces groupes à Moscou fait écho au harcèlement dont sont victimes d’autres personnes dans toute la Russie.

Si le droit à la liberté de réunion pacifique ‘est pas un droit absolu, l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions imposées conformément au droit national et international et nécessaires à la protection d’intérêts publics légitimes ou des droits d’autrui. Ces restrictions doivent être proportionnelles – le moyen utilisé doit être le moins intrusif possible pour atteindre ces objectifs – et ne doivent pas mettre en péril ce droit lui-même. En outre la Russie a obligation, au regard du droit international, de veiller à ce que le droit de réunion pacifique puisse être exercé par tous, sans discrimination d’aucune sorte, sans distinction notamment d’opinion politique ou autre.

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