Il fait actuellement l’objet d’une enquête pour avoir enfreint de façon répétée les dispositions indûment restrictives qui encadrent les rassemblements publics en Russie, au titre de l’article 212.1 du Code pénal russe. Cela est contraire à un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle russe le 10 janvier 2017 en vertu duquel les manifestants ne doivent pas être tenus pénalement responsables au titre de cet article, à moins que leurs actes n’aient causé ou menacé de causer un préjudice réel - et crée un dangereux précédent. Viatcheslav Egorov est un prisonnier d’opinion.
Viatcheslav Egorov, qui vit à Kolomna, dans le centre de la Russie, a été arrêté le 31 janvier 2019. Il est en résidence surveillée depuis le 2 février. Il a été inculpé de « violation répétée de la procédure établie pour l’organisation ou la tenue de manifestations publiques » au titre de l’article 212.1. Depuis plus d’un an, il menait une campagne contre l’exploitation d’une décharge située dans les environs de Kolomna.
« Viatcheslav Egorov est un prisonnier d’opinion. »
Le 13 décembre 2018, Viatcheslav Egorov s’est rendu à une audience judiciaire dans le cadre du procès de Dmitri et Guennadi Goudkov, des militants politiques qui ont soutenu les manifestations de Kolomna. L’audience s’est déroulée dans une salle trop exiguë pour accueillir toutes les personnes qui souhaitaient y assister. Viatcheslav Egorov n’a pas été autorisé à entrer dans la salle ; aussi, il s’est posté devant le tribunal avec d’autres militants. L’enquête a conclu qu’il s’agissait d’un rassemblement public « non autorisé » dont Viatcheslav Egorov était l’organisateur, car celui-ci avait publié sur Internet un article dans lequel il invitait ses sympathisants à assister à l’audience des Goudkov.
En 2018, Viatcheslav Egorov avait été déclaré coupable à trois reprises d’avoir enfreint le Code russe des infractions administratives, pour avoir pris part à deux actions publiques de protestation et publié un article en ligne sur sa campagne. Il avait été condamné à des travaux obligatoires et à trois jours de détention. Ces condamnations antérieures ont servi de justification aux poursuites pénales dont il fait actuellement l’objet.
Viatcheslav Egorov a contesté en justice la légalité de ces poursuites pénales mais il a été débouté le le 26 mars par un tribunal moscovite. S’il est déclaré coupable, il encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
Introduit en juillet 2014, l’article 212.1 pénalise le fait d’enfreindre de façon répétée (plus de trois fois en l’espace de 180 jours) les dispositions indûment restrictives qui encadrent les rassemblements publics en Russie. Ildar Dadine a été le premier (et, à ce jour, le seul) citoyen déclaré coupable au titre de l’article 212.1 et condamné à une peine d’emprisonnement en décembre 2015, pour une série de manifestations de rue pacifiques qu’il avait organisées ou auxquelles il avait pris part. Il purgeait sa peine de deux ans et demi d’emprisonnement lorsque la Cour constitutionnelle a examiné sa requête concernant la constitutionnalité de l’article 212.1. En janvier 2017, la Cour constitutionnelle a statué qu’une personne ne pouvait être poursuivie au titre de cet article que si ses actes intentionnels avaient « causé ou réellement menacé de causer un préjudice à la santé des citoyens, aux biens, à l’environnement, à l’ordre public ou à la sécurité publique ». Elle a également suggéré au Parlement russe de modifier la législation en tenant compte de cette décision, mais cette suggestion n’a pas été suivie d’effet. Ildar Dadine a été libéré en février 2017, à l’issue du réexamen de son dossier par la Cour suprême de Russie.
Depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle relatif à la requête d’Ildar Dadine, les autorités russes n’ont invoqué l’article 212.1 qu’en janvier 2019, lorsqu’une procédure pénale a été ouverte contre Viatcheslav Egorov. Son arrestation et les poursuites à son encontre créent un dangereux précédent. Non seulement elles constituent une forme de persécution pour son militantisme non violent et une violation de ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, mais en enfreignant la décision de la Cour constitutionnelle, elles remettent également en cause l’indépendance de la justice et les rares voies de recours encore ouvertes aux victimes de ces violations des droits humains en Russie.
Viatcheslav Egorov est un prisonnier d’opinion. Il doit être libéré immédiatement et sans condition, et toutes les charges retenues contre lui doivent être abandonnées. L’article 212.1 doit être abrogé, ou révisé et mis en conformité avec les obligations de la Russie en matière de droits humains.