Russie. Quatre militaires russes condamnés pour le meurtre de civils tchétchènes.

Déclaration publique

EUR 46/025/2007

Quatre membres d’une unité spéciale du service de renseignement de l’armée russe (GRU) ont été condamnés le 14 juin pour avoir tué en janvier 2002 six civils tchétchènes sans armes à proximité du village de Daï, en république de Tchétchénie. Ce verdict vient s’ajouter à une liste excessivement brève de condamnations pour les graves violations des droits humains, constituant parfois des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, perpétrées au cours du deuxième conflit tchétchène. Les autorités de la Fédération de Russie doivent engager avec énergie des enquêtes et poursuites efficaces dans des milliers de dossiers relatifs à des violations qui comportent des exécutions extrajudiciaires, des viols et autres actes de torture, des disparitions forcées, ainsi que des homicides de civils commis de façon aveugle.

Selon le réquisitoire, les six civils circulaient sur une route de Tchétchénie le 11 janvier 2002 dans un véhicule sur lequel des membres de l’unité spéciale du GRU ont ouvert le feu sans sommation. Un des passagers, Said Alaskhanov, directeur d’une école de village, a été tué sur le coup ; deux autres des six occupants de la voiture ont été blessés. Le capitaine Édouard Oulman, qui dirigeait l’unité du GRU, et ses subordonnés Alexandre Kalaganski et Vladimir Voïevodine ont emmené dans une ferme abandonnée, non loin de là, les survivants : Abdoul Wakhab Satabaïev, directeur adjoint de l’école locale, Chakhban Bakhaïev, garde forestier, Khamzat Toubourov, le conducteur du véhicule, Zaïnap Djavatkhanova, mère de sept enfants et enceinte, et Djamlaïl Moussaïev. Ils ont alors dispensé les premiers soins aux blessés, tout en maintenant les cinq civils sous bonne garde. Le commandant Alexeï Perelevski a alors communiqué par radio au capitaine Édouard Oulman, à qui il a intimé l’ordre d’éliminer les captifs. Le capitaine Oulman a transmis à Alexandre Kalaganski et Vladimir Voïevodine la consigne d’abattre ces cinq personnes. L’officier a également ordonné à ses subordonnés de charger les corps dans la voiture et d’y mettre le feu.

Le capitaine Édouard Oulman, Alexandre Kalaganski, Vladimir Voïevodine et le commandant Alexeï Perelevski ont été reconnus coupables de meurtre et d’« abus d’autorité » par le tribunal militaire de district du Caucase du Nord, à Rostov-sur-le-Don, et condamnés à des peines de réclusion d’une durée de neuf à quatorze années dans des colonies pénitentiaires à régime strict. Édouard Oulman, Vladimir Voïevodine et Alexeï Perelevski ont également été reconnus coupables d’avoir détruit des biens de façon préméditée. Le tribunal a ordonné que des indemnités soient payées aux familles des victimes.

Les quatre hommes avaient déjà comparu deux fois devant le même tribunal et n’avaient pas été reconnus responsables de la mort des six civils, alors même qu’ils ne se cachaient pas de les avoir tués. Deux jurys successifs avaient accepté l’argument invoqué par les quatre militaires, qui disaient avoir obéi aux ordres. Les familles des victimes ont à chaque fois fait appel de ces acquittements, et les jugements ont été cassés par la chambre militaire de la Cour suprême de Russie en raison d’irrégularités de procédure. Le troisième procès, le plus récent, a eu lieu devant un tribunal formé de trois juges professionnels siégeant sans jury, à la suite d’un avis de la Cour constitutionnelle rendu en avril 2006. La Cour constitutionnelle avait estimé que l’affaire devait être jugée sans jury, les jurys populaires n’ayant pas encore été mis en place en Tchétchénie.

Le commandant Alexeï Perelevski a été arrêté dans la salle du tribunal, mais les trois autres accusés étaient absents à l’énoncé du verdict, et ne se sont présentés à aucune audience depuis avril 2007. Ils sont actuellement recherchés par la police.

Amnesty International a suivi de près cette affaire et a demandé avec insistance que les responsables du meurtre des six civils n’échappent pas à la justice. Ce verdict vient s’ajouter à une liste excessivement brève de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre des militaires russes pour graves violations des droits humains commises au cours du deuxième conflit tchétchène. Dans la quasi-totalité des cas de graves violations des droits humains (dont certaines constituent des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité) perpétrées depuis le début de ce conflit, les pouvoirs publics n’ont pas mené d’enquête efficace et n’ont pas engagé de poursuites contre les auteurs de ces actes. Ils n’ont pas non plus accordé de réparations aux victimes.

Même dans des cas où des informations indiquent clairement que des troupes fédérales russes ou des éléments des forces de sécurité tchétchènes se sont rendus responsables d’une grave violation des droits humains, il arrive souvent que le parquet n’identifie pas les suspects et n’engage pas de poursuites contre eux. Par exemple, un général de l’armée fédérale russe que l’on entend, dans un enregistrement vidéo, donner l’ordre d’« en finir » avec Khadji-Mourat Yandiev, interpellé par les forces fédérales russes près de Grozny en février 2000, n’a jamais fait l’objet de poursuites. Le sort de Khadji-Mourat Yandiev demeure inconnu. Dans l’affaire Bazorkina c. Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que le gouvernement russe devait être considéré comme responsable de ce que Khadji-Mourat Yandiev était présumé mort après une période de détention non reconnue. La Cour a conclu que la Russie avait violé le droit à la vie, l’interdiction des traitements inhumains, le droit à la liberté et à la sûreté, ainsi que le droit à un recours effectif (articles 2, 3, 5 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme).

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