Le 31 janvier, le tribunal de l’arrondissement de Tver à Moscou examinera la plainte déposée par la militante des droits civiques Alena Popova et le responsable politique Vladimir Milov. Ils font valoir que le fait de collecter des données sur les participants à des rassemblements publics autorisés revient à bafouer leur droit à la liberté de réunion pacifique. En intentant cette action en justice, ils cherchent à interdire l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale lors des rassemblements et à obtenir la suppression de toutes les données personnelles précédemment collectées et stockées.
« La technologie de reconnaissance faciale est par nature très intrusive, puisqu’elle permet la surveillance, la collecte, le stockage et l’analyse à grande échelle de données personnelles sensibles, ne reposant pas sur la base de soupçons raisonnables et individualisés. Entre les mains des autorités russes qui commettent déjà des abus et en l’absence totale de transparence et d’obligation de rendre des comptes pour l’utilisation de tels systèmes, c’est un outil susceptible d’amener les mesures de représailles prises contre les manifestations pacifiques à un tout autre niveau. Il est révélateur de constater que le gouvernement russe n’a fourni aucune explication sur la manière dont il garantira le respect du droit à la vie privée et d’autres droits humains, et n’a pas évoqué la nécessité d’une supervision publique de technologies aussi puissantes, a déclaré Natalia Zviagina, directrice du bureau d’Amnesty International en Russie.
« La réponse des autorités aux manifestations pacifiques de l’été dernier témoigne de la volonté de se servir du profilage et de la surveillance contre les détracteurs du gouvernement. Le déploiement des systèmes de reconnaissance faciale lors des rassemblements publics – tous les éléments disponibles laissant à penser qu’il s’agit de leur objectif premier – aura forcément un effet dissuasif sur les manifestants. »
Complément d’information
En novembre 2019, le tribunal de district de Savelovski à Moscou a refusé d’examiner la plainte d’Alena Popova, qui assurait que son droit à la vie privée était compromis par la mise en place du système de vidéosurveillance à Moscou. Le système de reconnaissance faciale couvrant tout le réseau de transport souterrain moscovite devrait être pleinement opérationnel au 1er septembre 2020.
Au regard du risque important en termes de droits humains que représente la technologie de reconnaissance faciale, notamment pour le droit à la vie privée, à l’égalité et à la non-discrimination, le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, Amnesty International estime qu’elle n’a pas sa place dans le maintien de l’ordre public tant que les acteurs publics et privés ne prouveront pas qu’ils sont capables de l’utiliser dans le respect du droit international relatif aux droits humains.