Communiqué de presse

Russie. Une organisation de défense des droits des électeurs première victime de la loi sur les « agents étrangers »

(Moscou) La décision prise par un tribunal de Moscou, le 25 avril 2013, de condamner une ONG indépendante et sa directrice à une amende est un indicateur inquiétant pour l’avenir de la société civile en Russie, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch jeudi 25 avril.

L’association de défense des droits des électeurs Golos (Voix) est la première ONG russe à se heurter à la loi relative aux « agents étrangers ». Elle a été condamnée à 300 000 roubles d’amende (plus de 7 300 euros).

Golos a joué un rôle prépondérant dans l’observation des élections législatives de 2011 et présidentielle de 2012 et dans la communication d’informations faisant état de fraudes électorales.

« Les poursuites contre Golos n’auraient jamais dû être engagées et encore moins aboutir, a souligné John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. La loi sur les agents étrangers est un mauvais texte qui a été adopté pour des raisons politiques. Il n’est malheureusement pas étonnant qu’elle ait débouché sur des décisions motivées par des considérations politiques. Cette loi est un instrument pour corriger les observateurs ; elle doit être abrogée. »

Golos est accusée d’avoir enfreint une loi adoptée en 2012 qui exige que les organisations percevant des fonds étrangers se décrivent elles-mêmes comme des « agents étrangers » si elles mènent des « activités politiques » (qui ne répondent quant à elles à aucune définition). Ce texte impose des restrictions de la liberté d’association qui sont incompatibles avec les normes internationales relatives aux droits humains.

Golos est la première organisation poursuivie depuis qu’une vague d’inspections a visé plus de 200 organisations dans le pays – y compris les bureaux moscovites d’Amnesty International et de Human Rights Watch – ces dernières semaines.

Les autorités russes reprochent à Golos d’avoir reçu environ 10 000 dollars de prime après s’être vu remettre le Prix Sakharov pour la liberté de pensée par le Comité Helsinki de Norvège, bien que l’organisation ait demandé à sa banque de renvoyer l’argent, ce qu’elle a fait. Le ministère de la Justice a affirmé que l’action de Golos en faveur de l’adoption d’un code électoral unifié visait à « influencer l’opinion publique et les décisions des organes gouvernementaux », ce qui, selon lui, constituait une « activité politique ».

« Le jugement rendu aujourd’hui est un avertissement à la société civile russe et crée un précédent terrible, a déploré Rachel Denber, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch, qui a assisté à l’audience. Les autorités russes devraient abandonner les poursuites contre Golos et saluer le travail des ONG au lieu d’y faire obstacle. »

La directrice de Golos, Liliya Chibanova, a également été condamnée à 100 000 roubles d’amende (environ 2 465 euros).

L’annonce des sanctions contre Golos a eu lieu le 25 avril, alors que le président Vladimir Poutine participait à une émission dans laquelle il répondait à des questions de téléspectateurs de tout le pays.

« Au moment même où l’audience se déroulait, le président Poutine disait au public que les organisations attirant l’attention sur les violations devraient être appréciées, a ajouté John Dalhuisen. Les amendes infligées à Golos montrent clairement quelle sera leur récompense. »

Une autre organisation, le centre régional de Kostroma pour le soutien aux initiatives publiques, devra répondre d’accusations similaires le 29 avril pour avoir organisé une table ronde sur les relations entre les États-Unis et la Russie à laquelle a participé un diplomate américain. Neuf autres organisations – dont les activités vont des initiatives écologiques à l’aide aux enfants atteints d’une maladie génétique rare – ont reçu un avertissement officiel du parquet.

Dans deux rapports publiés le 24 avril, intitulés Freedom under threat : The clampdown on freedom of expression, assembly and association in Russia et Laws of Attrition : Crackdown on Russia’s Civil Society after Putin’s Return to the Presidency , Amnesty International et Human Rights Watch, respectivement, notent que les atteintes et violations systématiques des droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association caractérisent le bilan du président Poutine en matière de droits humains durant la première année de son troisième mandat.

Photo Vladimir Poutine © APGraphicsBank

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