31 août 2010
Le nouveau gouvernement du Rwanda doit de toute urgence réviser les lois relatives à l’« idéologie du génocide » et au « sectarisme », rédigées en termes vagues, dont il se sert pour éradiquer toute dissidence politique et museler la liberté de parole, écrit Amnesty International dans le rapport qu’elle publie ce mardi 31 août 2010.
Intitulé Rwanda. Il est plus prudent de garder le silence. Les conséquences effrayantes des lois rwandaises sur l’« idéologie du génocide » et le « sectarisme », ce document montre que ces textes de loi, formulés en des termes ambigus, sont détournés pour ériger en infractions les critiques visant le gouvernement et la dissidence légitime qu’exercent les membres de l’opposition, les défenseurs des droits humains et les journalistes.
« En raison de l’ambiguïté des lois sur l’“idéologie du génocide” et le “sectarisme”, les Rwandais vivent dans la peur d’être punis pour avoir dit ce qu’il ne fallait pas, a expliqué Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International. La plupart choisissent la sécurité et préfèrent se taire. »
Amnesty International a constaté que de nombreux Rwandais, y compris des spécialistes de la législation rwandaise, notamment des avocats et des défenseurs des droits humains, étaient incapables de définir précisément la notion d’« idéologie du génocide ». Même les juges, professionnels chargés d’appliquer la loi, ont noté le caractère vague et abstrait de ce texte.
À la veille de l’élection présidentielle du 9 août, deux candidats de l’opposition ont été arrêtés et inculpés, entre autres chefs, d’« idéologie du génocide ». Le rédacteur en chef d’une publication a également été interpellé pour les mêmes motifs.
En outre, le gouvernement a accusé la BBC et Voice of America de diffuser l’« idéologie du génocide », ce qui a débouché sur la suspension des émissions de la BBC en langue kinyarwanda pendant deux mois à compter d’avril 2009.
Au niveau local, des personnes se seraient servi d’accusations d’« idéologie du génocide » pour régler des différends personnels. Aux termes de ces lois, il est possible de sanctionner pénalement des enfants âgés de moins de 12 ans, ainsi que leurs parents, tuteurs ou enseignants si ceux-ci sont reconnus coupables de leur avoir « inoculé » l’« idéologie du génocide ». Ces adultes encourent des peines d’emprisonnement comprises entre 10 et 25 ans.
Les lois relatives à l’« idéologie du génocide » et au « sectarisme » ont été adoptées afin de faire barrage aux discours incitant à la haine au cours de la décennie qui a suivi le génocide de 1994.
Quelque 800 000 Rwandais ont péri lors du génocide, pour la plupart des Tutsis, mais aussi des Hutus opposés à ce massacre organisé.
Prohiber les discours de haine est un objectif légitime, mais l’approche retenue par le gouvernement rwandais bafoue le droit international.
Les autorités rwandaises ont annoncé la révision de la loi sur l’« idéologie du génocide » en avril 2010.
Le gouvernement doit entreprendre de réviser la loi relative au « sectarisme » et adopter une nouvelle politique en matière de liberté d’expression, en vue de juguler les effets dévastateurs de ces textes de loi.
Il doit remanier ces lois, s’engager publiquement en faveur de la liberté d’expression, réexaminer les condamnations prononcées par le passé et former les policiers et les procureurs s’agissant des enquêtes menées sur ces accusations.
« Nous espérons que la politique du gouvernement débouchera sur une modification significative des lois relatives à l’“idéologie du génocide” et au “sectarisme”, afin que la liberté d’expression soit protégée, sur le papier comme dans la réalité », a conclu Erwin van der Borght.
Le rapport
Rwanda. Il est plus prudent de garder le silence. Les conséquences effrayantes des lois rwandaises sur l’« idéologie du génocide » et le « sectarisme »
http://www.amnesty.org/fr/library/info/AFR47/005/2010/fr