SERBIE. Le pays doit mettre fin aux expulsions forcées de Roms

Index AI : PRE 01/181/2010
ÉFAI-10 juin 2010

« [Ils m’ont dit :] “Montez dans le bus si vous voulez, mais si vous êtes contre, vous êtes à la rue.” Tout volait de tous côtés, puis sont arrivés les camions. Mes enfants étaient là, serrés autour de mes jambes, et criaient ; que pouvais-je leur dire ? »
Maya, expulsée du campement du pont Gazela.

Ce jeudi 10 juin, Amnesty International exhorte le gouvernement serbe et les autorités de Belgrade à mettre fin aux expulsions forcées de Roms habitant dans des quartiers informels de cette ville.

L’organisation publie un document de synthèse, intitulé Serbia : Stop the forced evictions of Roma settlements, qui dénonce l’expulsion forcée de 178 familles d’un campement situé sous le pont Gazela, à Belgrade, en 2009.

« Les grands programmes de construction à Belgrade exposent des centaines de familles roms à la menace d’une expulsion forcée, lors de laquelle elles seront contraintes à quitter leur domicile sans avoir été consultées ni prévenues comme il se doit et sans qu’une solution de relogement adaptée leur soit proposée », a déclaré Sian Jones, spécialiste de la Serbie au sein d’Amnesty International.

« Les expulsions forcées peuvent entraîner la perte de moyens de subsistance, la dégradation de biens et l’impossibilité d’accéder à la santé et à l’éducation. En procédant à ces opérations, les autorités serbes manquent à leurs obligations découlant du droit international, notamment celle de garantir le droit à un logement convenable. »

Le 31 août 2009, des familles roms habitant sous le pont Gazela ont été encerclées par des policiers tandis que des camions et des bulldozers arrivaient. Les autorités ont empêché les journalistes de s’approcher des lieux.

En moins de trois heures, quelque 114 familles ont été transportées en bus vers six sites en banlieue de Belgrade et relogées dans des conteneurs en métal. Soixante-quatre autres familles ont été conduites dans le sud de la Serbie. Peu d’entre elles ont eu le temps de sauver leurs effets personnels avant l’arrivée des bulldozers.

Cette expulsion a eu lieu avant des travaux de réparation effectués sur le pont Gazela, en mauvais état, qui sont partiellement financés par un prêt de 77 millions d’euros accordé par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque européenne d’investissement (BEI).

Ces deux organismes ont prêté cet argent à condition qu’une solution de relogement adaptée soit proposée aux familles roms. Cependant, l’expulsion a été menée sans que les garanties exigées par le droit international soient respectées, et les personnes expulsées n’ont pas obtenu de solution de relogement adaptée.

Tomica, qui vivait à Belgrade depuis 20 ans, a déclaré à Amnesty International : « Ils sont venus avec des camions, des policiers et des fourgons. Nous avons tous dû partir en 20 minutes. J’ai perdu ma maison, mon téléviseur, mon lecteur DVD, mes nouveaux lits, miroirs, réfrigérateur, tout. »

Parmi les familles expulsées du pont Gazela, beaucoup habitent maintenant dans des conteneurs en métal loin des infrastructures locales et de leur travail, sur six sites en banlieue de Belgrade. Les conteneurs ne sont pas conformes aux normes internationales de logement convenable et sont souvent surpeuplés, froids et humides.

« Ils ont placé 40 conteneurs les uns à côté des autres, et c’est pire qu’avant […]. Il n’y a pas assez de place pour dormir, et encore moins pour vivre. Que peut-on faire avec une seule pièce pour cuisiner, s’asseoir, laisser jouer les enfants ? C’est encore plus petit qu’à Gazela », s’est plainte Maya à une ONG locale.

Deux cent quarante personnes ont été renvoyées dans les zones les plus pauvres du sud de la Serbie et aucune solution de relogement adaptée ne leur a été fournie.

« Le gouvernement serbe doit offrir des recours utiles à tous ceux qui ont été expulsés de force. Lui et les autorités de Belgrade doivent en outre veiller à ce qu’aucune autre expulsion ne soit menée sans que les garanties exigées par le droit international soient en place », a ajouté Sian Jones.

« Quant aux institutions financières régionales comme la BERD et la BEI et aux États qui en sont membres, ils doivent s’assurer que les projets qu’ils soutiennent ne contribuent pas à des violations des droits humains. »

Complément d’information

Depuis les années 1950, la population rom de Belgrade a augmenté, les Roms originaires des régions pauvres du sud de la Serbie, du Kosovo et de la Macédoine venant chercher du travail dans la capitale serbe.

La Serbie compte entre 450 000 et 800 000 Roms, dont 30 % vivent avec moins de 2,15 euros par jour. Selon certaines estimations, environ 100 000 Roms habitent à Belgrade ; un tiers d’entre eux sont installés dans quelque 147 quartiers informels.

Si presque tous les Roms sont victimes de discrimination en Serbie, ceux qui vivent dans des campements comme celui du pont Gazela sont privés non seulement du droit à un logement convenable, mais souvent aussi d’autres droits humains.

Sans adresse juridiquement valable, ils ne peuvent pas obtenir de permis de séjour. Or, sans ce document, ils n’ont pas accès aux soins de santé. Seuls les enfants dont les parents ont le statut de résident peuvent être scolarisés, et rares sont ceux qui achèvent leur scolarité élémentaire. De plus, les Roms sont peu nombreux à avoir le droit de s’inscrire pour chercher un emploi.

Note aux rédacteurs
Ce document s’inscrit dans le cadre de la campagne mondiale d’Amnesty International Exigeons la dignité, qui vise à mettre fin aux atteintes aux droits humains qui alimentent et aggravent la pauvreté. Cette campagne encourage les gens dans le monde entier à exiger que les gouvernements, les grandes entreprises et les autres détenteurs du pouvoir écoutent la voix de ceux qui vivent dans la pauvreté, et reconnaissent et protègent leurs droits. Pour en savoir plus, consultez le site http://www.amnesty.org/fr/demand-dignity.

Dans le cadre de sa campagne Exigeons la dignité, Amnesty International demande aux gouvernements de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en adoptant des lois et des politiques conformes au droit international relatif aux droits humains, pour interdire et empêcher les expulsions forcées.

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