Amnesty International exhorte le Premier ministre serbe, Aleksandar Vucic, à repenser son projet relatif à l’introduction d’une loi visant à priver les demandeurs d’asile déboutés de leur droit à l’aide sociale.
L’organisation estime que ces mesures auront pour conséquences d’enfoncer les personnes renvoyées en Serbie encore plus profondément dans la pauvreté et de les rendre encore plus susceptibles de quitter le pays de nouveau. De telles mesures représenteraient en outre une discrimination en vertu de l’article 21 de la Constitution serbe.
L’annonce a été faite lors d’une rencontre lundi 7 septembre 2015 entre le Premier ministre serbe et la chancelière allemande, durant laquelle Angela Merkel a réitéré quelques mesures devant être prises par l’Allemagne - notamment la suppression des allocations aux demandeurs d’asile originaires des Balkans, qui viennent de manière prédominante de Serbie.
Depuis la libéralisation des accords relatifs aux visas avec l’Union européenne (UE), quelque 71 740 citoyens serbes ont demandé l’asile en Allemagne entre 2010 et la fin 2014. La plupart y ont été poussés par la pauvreté, et - pour les Roms en particulier, qui représentent environ 85 % des demandeurs originaires de Serbie - par des discriminations systémiques et institutionnelles débouchant sur des taux élevés de chômage au sein de cette communauté.
Les recherches d’Amnesty International sur les expulsions forcées de Roms en Serbie ont également montré que de nombreux Roms, expulsés de quartiers informels sans qu’on ne leur propose de solution de relogement, ont considéré qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de quitter le pays.
En août, l’Allemagne a annoncé son projet de renvoyer en Serbie jusqu’à 90 000 demandeurs d’asile déboutés ainsi que d’autres personnes en situation irrégulière.
Amnesty International craint que faute de programme de soutien ou de réintégration digne de ce nom destiné aux personnes expulsées d’États membres de l’UE vers la Serbie, beaucoup d’entre elles - en particulier les Roms - se retrouveront sans abri, sans accès aux services de base et - si les mesures proposées sont introduites - sans aucun moyen financier.
Si la Serbie envisage sérieusement de trouver des solutions qui découragent l’immigration et dissuadent ses citoyens de quitter les Balkans, alors le gouvernement doit, plutôt que supprimer les aides sociales, prendre des mesures significatives et concrètes pour lutter contre les violations des droits humains qui amènent ses propres citoyens à quitter leur pays, en particulier les discriminations systémiques contre les Roms. L’UE et ses États membres doivent - par le biais de la procédure d’adhésion menée par la Commission européenne - épauler la Serbie sur le terrain des mesures qu’elle doit mettre en place pour garantir les droits des Roms, notamment par le biais d’un soutien financier ciblé.
Amnesty International a exhorté l’UE à s’abstenir de dresser une liste des « pays d’origine sûrs », qui compromet fondamentalement l’accès à une procédure d’asile juste et efficace devant prendre en considération le cas individuel de chaque demandeur d’asie. La charge de la preuve qui incombe alors aux demandeurs provenant de pays considérés « sûrs » est souvent excessive. Cela pourrait exclure a priori des groupes entiers de demandeurs d’asile du statut de réfugié et se solder au bout du compte par un refoulement. Cela impliquerait en outre une discrimination entre demandeurs d’asile se fondant sur la nationalité, ce qui est contraire à l’article 3 de la Convention de Genève de 1951.