Sierra Leone. Grande manifestation en soutien aux femmes ayant fait l’objet de violences sexuelles pendant le conflit


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AFR 51/006/2007

Lors d’une grande manifestation à Makeni, dans la province septentrionale de la Sierra Leone, ce jeudi 1er novembre, des membres d’Amnesty International et des centaines d’autres militants locaux ont demandé au gouvernement nouvellement élu de veiller à ce que la justice soit rendue pour les dizaines de milliers de Sierra-Léonaises victimes de la violence sexuelle et à ce qu’elles obtiennent réparation.

L’organisation a également publié un rapport intitulé Getting reparations right for survivors of sexual violence, dans lequel elle décrit les torts subis par ces femmes qui continuent de souffrir des séquelles des violences sexuelles auxquelles elles ont été exposées pendant le conflit.

« Bien que l’on dispose de témoignages attestant de la brutalité inimaginable des violations commises contre environ un tiers des femmes et des jeunes filles du pays, le gouvernement ne s’est toujours pas véritablement attaqué au problème, a déclaré Tania Bernath, responsable des recherches sur la Sierra Leone au sein d’Amnesty International.

« Pour les Sierra-Léonaises, l’histoire n’est pas finie. Elles ont besoin de recevoir des soins médicaux appropriés et d’accéder à la justice, à l’emploi et à l’apprentissage pour reconstruire leur vie. »

En droit international, les auteurs présumés de viol, d’esclavage sexuel et de violence sexuelle assimilables à des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de torture, doivent être poursuivis en justice, et les victimes doivent obtenir réparation intégrale et effective du préjudice subi. Les réparations doivent, dans la mesure du possible, effacer les conséquences des actes illégaux commis et rétablir la situation telle qu’elle aurait été en toute probabilité, si ces actes n’avaient pas eu lieu.

L’accord de paix de Lomé de 1999 prévoyait la création d’un fonds spécial pour les victimes de guerre et d’une commission de la vérité et de la réconciliation. Bien que le gouvernement ait obligation de créer ce fonds et malgré de nombreux appels de la société civile en ce sens, celui-ci n’a toujours pas été créé.

La création de la commission de la vérité et de la réconciliation sous-entendait également la mise en place d’un processus de réparation. Celui-ci est à présent en cours d’établissement, à l’initiative de la Commission nationale d’action sociale, mais le soutien du gouvernement sera nécessaire pour qu’il soit véritablement efficace.

« Le retard pris dans l’établissement d’un fonds spécial pour les victimes du conflit dévastateur en Sierra Leone s’est traduit par de nouvelles souffrances – en particulier pour les Sierra-Léonaises, a déclaré Tania Bernath. Les victimes de violence sexuelle n’ont pas pu se réinsérer socialement – ce qui a prolongé leur souffrance et aggravé leurs problèmes physiques et psychologiques.

« Mettre en œuvre le programme de réparations recommandé par la commission de la vérité et de la réconciliation est essentiel, et le gouvernement doit veiller à ce que les victimes de violences sexuelles ne soient pas exclues des réparations dont elles ont tant besoin ».

Amnesty International souligne dans son rapport que le processus de justice est un complément important des autres formes de réparation.

« Un système judiciaire fonctionnant correctement doit permettre aux victimes de décrire ce qui leur est arrivé, dans un environnement qui protège leur dignité et aide à mettre fin à l’impunité dont bénéficient les auteurs des crimes dont elles ont souffert – en obligeant ceux-ci à rendre des comptes et en les jugeant.

« Cela fait presque six ans qu’a pris fin le conflit dévastateur qui a ravagé la Sierra Leone pendant des années, causant d’incommensurables souffrances aux civils de ce pays – et en particulier aux femmes, a souligné Tania Bernath. Et pourtant, leur souffrance n’est pas terminée. L’absence de justice et de réparations a dans une certaine mesure ouvert la voie à de nouvelles violences contre les femmes. »

En dépit de l’adoption de plusieurs projets de loi en faveur des droits des femmes, les atteintes aux droits fondamentaux de celles-ci se poursuivent en Sierra Leone avec autant de virulence qu’auparavant. Non seulement la violence contre les femmes et les jeunes filles est toujours omniprésente, mais les efforts pour poursuivre en justice les auteurs de violences sont en grande partie inefficaces.

« La médiation familiale visant à restaurer la « paix » dans les affaires de viol contribue à l’impunité plutôt qu’à la justice, selon Tania Bernath. Elle permet au gouvernement d’échapper à la responsabilité qu’il a de veiller à ce que tous les auteurs de violences contre des femmes soient poursuivis. »

Complément d’information

La justice n’a été que peu rendue aux victimes de violences sexuelles durant le conflit. Le 20 juin 2007, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a statué que trois hauts responsables du Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC) étaient coupables de 11 des 14 chefs d’accusation de crimes de guerre et crimes contre l’humanité pesant contre eux. Ils étaient notamment accusés de viol et d’atteinte à la dignité des personnes, en particulier d’esclavage sexuel. C’était la première fois que des personnes devaient rendre des comptes pour des crimes commis dans le cadre du conflit. Bien qu’il s’agisse d’une étape significative dans la lutte contre l’impunité, ce n’est qu’une réponse partielle et insuffisante au règlement de la question de l’impunité, des milliers d’autres personnes ayant échappé à la justice.

Une clause d’amnistie de l’accord de Lomé empêche les poursuites contre les personnes accusées de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres crimes commis entre 1991 et 1999. L’amnistie exclut également la possibilité pour les victimes de demander réparation devant les tribunaux sierra-léonais.

Amnesty International continue de demander au gouvernement de la Sierra Leone d’abroger sa loi d’amnistie et d’accorder la priorité à la reconstruction de son système judiciaire de façon à pouvoir enquêter de manière effective sur tous les crimes commis au cours du conflit et engager des poursuites contre les auteurs présumés de ces crimes.

Le rapport d’Amnesty International sur la Sierra Leone Getting reparations right for survivors of sexual violence est disponible sur le site de l’organisation, en cliquant sur le lien suivant :
http://web.amnesty.org/library/index/engafr510052007

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