SOUDAN : Les responsables des crimes de guerre doivent rendre des comptes

Index AI : AFR 54/073/2004

ÉFAI

Mercredi 30 juin 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Ce jour, à l’occasion des discussions entre Colin Powell, le secrétaire d’État américain, Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies et Omar el Béchir, le président soudanais, Amnesty International appelle instamment ces personnalités à mettre fin à l’impunité de ceux qui ont provoqué la tragédie humanitaire et la crise des droits humains au Soudan.

Le devoir de justice dans ce pays revient en premier lieu au gouvernement soudanais. Toutefois, la communauté internationale dans son ensemble est également responsable de la lutte contre l’impunité. Elle doit poursuivre, par le biais d’une juridiction universelle, les auteurs des crimes sanctionnés par le droit international. Assurer une telle justice signifie ouvrir des enquêtes sur les allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, mais aussi faire comparaître les auteurs, les commanditaires et les complices de ces actes devant les instances adéquates, dans le cadre de procès équitables excluant le recours à la peine de mort et garantissant des réparations aux victimes.

Amnesty International a notamment déclaré : « l’impunité pour les atteintes aux droits humains contribue uniquement à perpétuer ces dernières. Au Darfour, ceux qui ont tué et violé, ceux qui ont procédé à des enlèvements et à des déplacements forcés de population savaient que les auteurs de crimes similaires avaient agi en toute impunité dans les monts Nuba et dans le Sud. Si les responsables des crimes de guerre ne sont jamais amenés à rendre des comptes, il n’y aura jamais la paix au Soudan ».

L’organisation avait également ajouté : « Au Darfour, les viols et les homicides commis par les Janjawid, ces milices soutenues par le gouvernement, constituent des crimes de guerre. Les massacres systématiques, les viols à grande échelle et les déplacements forcés de population sont également des crimes de guerre. Toutes les parties au conflit du Soudan méridional se sont rendues coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. »

Le 19 juin, le président Omar el Béchir a déclaré à la télévision qu’il contrôlerait et poursuivrait tous les groupes illégaux tels que les Janjawid, afin de les traduire en justice. Au cours de leurs discussions avec le président Omar el Béchir, le secrétaire d’État américain, Colin Powell, et le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, doivent exiger l’application immédiate d’une telle mesure.

Au cours des vingt années de guerre qui ont ravagé le sud du pays, les forces armées du Soudan et les milices pro-gouvernementales ont tué, violé et enlevé des milliers de Soudanais. Dans le même temps, l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), les milices alliées de l’APLS et d’autres factions armées indépendantes tuaient et violaient avec le même degré d’impunité.

Après 2002, alors que les pourparlers de paix entre le gouvernement et l’APLS progressaient péniblement, les autorités ont laissé les milices Janjawid attaquer et déplacer de force des groupes ethniques ruraux dans le Soudan occidental. Auparavant, certains membres de ces groupes, exaspérés par la marginalisation et le manque de protection qu’ils subissaient, avaient fondé l’ « Armée de libération du Soudan ». À l’heure actuelle, dans le Darfour, un million de personnes déplacées sont frappées par la famine et les maladies, après avoir fui vers des camps ou cherché refuge dans d’autres villes, désormais surpeuplées. Quelque 130 000 autres ont quitté le pays et se trouvent actuellement au Tchad.

Le 5 juin 2004, après deux années de négociations, le gouvernement soudanais et l’APLS ont finalement signé un accord de paix. Mais ce dernier ne fait aucune mention de la nécessité d’identifier et de traduire en justice les responsables des atteintes aux droits humains commises par le passé.

« En tolérant une telle impunité, le gouvernement et l’APLS, ainsi que les médiateurs et les observateurs du processus de paix dans le Sud, acceptent une violation flagrante du droit international », a indiqué Amnesty International.

L’organisation a fréquemment demandé que des observateurs soient déployés dans le Soudan méridional, afin d’enquêter sur les allégations d’atteintes aux droits humains, et aussi que les responsables de ces agissements, quelle que soit leur appartenance, soient amenés à en répondre.

En ce qui concerne le conflit du Darfour, Amnesty International recommande :

 la mise en place d’une commission d’enquête internationale chargée d’étudier les preuves de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, les autres violations du droit international humanitaire, ainsi que les allégations de génocide ;

 le déploiement immédiat d’observateurs de la situation des droits humains au Darfour. Ces derniers devront être en nombre suffisant et posséder les ressources nécessaires pour enquêter efficacement et rendre publiques leurs conclusions sur les atteintes aux droits humains commises dans la région ;

 - le désarmement et le démantèlement des milices Janjawid, qui ne doivent plus être en mesure de poursuivre leurs violences contre la population civile.

Le Soudan a signé, mais n’a pas ratifié, le Statut de Rome qui porte création de la Cour pénale internationale. Les autorités soudanaises actuelles et l’APLS ont conclu l’accord de paix de Nairobi, qui prévoit la mise en place d’un nouveau gouvernement comprenant des représentants des différentes parties au conflit. Ce nouveau gouvernement devra ratifier en priorité le Statut de Rome. Une telle mesure montrerait au peuple soudanais que les terribles violations du droit humanitaire et des droits humains survenues ces vingt dernières années ne seront plus tolérées.

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